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Gazette des armes d’avril 2010 n° 419

Intervention de Jean-Jacques BUIGNE

Le 24 février 2010

samedi 27 février 2010

Tout le dossier. sur la nouvelle règlementation

Pour aborder le thème d’aujourd’hui, je me sens obligé de vous raconter ce qui s’est passé pour les armes de collection ces dernières décennies. Cette petite histoire permet de comprendre dans quelle situation de précarité se trouve le collectionneur de 2010.

J’ai un gros avantage sur beaucoup de participants dans cette salle, je m’occupe de règlementation des armes et d’armes de collection depuis exactement 31 ans. La première édition de mon ouvrage sur la Règlementation des armes a été publiée en 1980, 25000 exemplaires en 7 éditions.

Pour les armes de collection, tout commence bien en 1979 (arrêté du 18 mai) avec la libération du système 11 mm. Le fameux revolver d’ordonnance modèle 1873 est classé en collection, le prétexte pris est l’année du Patrimoine. A l’époque le Contrôleur Général André Collet comprend et apprécie les armes.

En 1981 on a voulu étendre la libération aux armes d’épaule similaire, et on a classé en 5ème catégorie les armes d’épaule étrangères de plus de 10 mm à balle plomb. Notons bien l’intitulé de l’arrêté du 19 juin 1981 relatif au classement dans la 5e catégorie de certaines armes historiques. Elles étaient d’accès libre, il fallait juste les inscrire sur le registre des armuriers.

Puis en 1986 (arrêté du 8 janvier) 74 armes de poing rares ont été classées en 8ème catégorie, bien quelles tirent des munitions de 1ère ou 4ème catégorie. Aujourd’hui, cette liste a été reprise à l’annexe de l’arrêté du 7 septembre 1995.

Puis le phénomène s’inverse en 1993 où avec le décret du 6 janvier on commence à appliquer la directive et il faut déclarer les 5ème catégories.
Donc les armes déclassées en 5ème catégorie en 1981 seront à déclarer : et pourtant il ne s’agit que de fusils à poudre noire du XIXème siècle ne tirant que des balles plomb.

Puis en 1995 il y a eu le fameux décret que tout le monde déplore. Par pudeur je ne vais pas en parler, mais tout le monde est bien conscient que beaucoup des problèmes d’aujourd’hui viennent de lui.

Puis en 1998 les fusils de chasse à pompe qui d’un coup de baguette magique deviennent des armes de défense. Parmi eux, il y a des armes historiques comme le fusil Winchester mle 1897.
Les armes à 1 coup classées en 4ème catégorie. Sont concernés beaucoup de pistolets de tir de salon de la fin du XIXème siècle, siècle où les armes étaient à l’honneur. Les bons citoyens qui les avaient déclarées suite au décret de 1995 doivent s’en dessaisir. Les mauvais citoyens qui les avaient cachés ont pu les garder (illégalement bien sur.)

En 2002, il y a eu un projet d’arrêté proposé par le Ministère de la Défense : il était question de classer en 8ème catégorie les armes de plus de 10 mm et les canardières. Accepté par votre Ministère de l’Intérieur, il n’est jamais paru et a disparu corps et biens. Vous devez l’avoir dans les archives.

Enfin en 2005, les armes de 5 et 7ème ne sont délivrées que sur présentation d’un titre sportif, permis de chasse et licence de tir.

Tout cela mis bout à bout fait que la situation du collectionneur est devenue :
Pittoresque, invraisemblable et paradoxale, extravagante, pitoyable quand ce n’est pas contradictoire.

- Pittoresque :

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Winchester 1873

Des armes de chasse historiques tirant des munitions à poudre noire comme la Winchester de Buffalo Bill ont été d’accès libre durant 140 ans, depuis 2005 elles sont réservées aux seuls chasseurs et tireurs. Je ne vous dis pas l’efficacité de ces armes à la chasse ou dans un stand de tir.

- Paradoxale :

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Interdit à la chasse et en stand de tir, seuls les chasseurs et les tireurs ont le droit de l’acheter !

Des armes classées comme armes de chasse, telle les grosses canardières de bateau de Manufrance, seuls les chasseurs tireurs peuvent les acheter. Mais elles sont interdites à la chasse et bannies des stands ou l’on casserait tout. Encore une fois ceux qui peuvent les acheter sont les chasseurs et tireurs mais ils n’en veulent pas. Les collectionneurs qui en veulent ne le peuvent pas.

- Invraisemblable :

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Mauser 1871

Les armes militaires à poudre noire d’un modèle entre en 1870 et 1885 classées en arme de chasse, sont réservées aux seuls chasseurs et tireurs qui ne les utilisent pas pour les sport, et les collectionneurs qui veulent les collectionner ne le peuvent pas.

- Extravagantes :

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Le Gribeauval est actuellement classé en 1ère catégorie au même paragraphe que le 155 AUF1 à la suite d’une abération de la règlementation.

Les canons anciens d’un modèle antérieur à 1870 sont classés en 8ème catégorie, mais leurs répliques restent classées comme armes de guerre, c’est ce qui découle de la règlementation et des réponses faites aux parlementaires.

- Curieuse :

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Cet objet de collection, impropre à son usage initial, est interdit de détention

Les masques à gaz sont encore classés dans la 3ème catégorie. A ce titre il est impossible d’avoir une autorisation. Quand on sait la vraie raison de ce classement, on s’interroge : après la 1ere GM, tout le monde avait peur des gaz de combat. Aussi de nombreuses entreprises se sont engouffrées dans le créneau sans fabriquer des produits de qualité qui protègent vraiment. Le classement en 3ème catégorie permettait à l’Etat de contrôler la qualité de fabrication. Aujourd’hui des saisies de douanes sont opérées sur des masques à gaz.

- Pitoyable :

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Lebel 1886

Le fusil Lebel, cette grande canne à pèche déjà obsolète au début de 1914 est aujourd’hui classé dans la même catégorie que les Kalachnikov. Pourtant il est reconnu comme arme de collection en Belgique depuis 19 ans sans poser de problème à la sécurité publique. Donc il y a en France de paisibles vieux pépés qui possèdent le fusil du grand-père et qui, un jour reçoivent la visite des douanes ou de la gendarmerie : ils détiennent une arme de guerre. Cela fera bien dans les statistiques des services. Mais les citoyens qu’il sont en retiendront une profonde incompréhension. Comme monsieur Jourdain, ils étaient délinquants sans le savoir. Et ils le payent parfois très cher.

Il en va de même pour toutes les armes d’épaule à verrou dont le fonctionnement à répétition manuelle est complètement démodé. La règlementation de 1939 les classe en armes de guerre.
A l’époque, cela répondait à la volonté de la SDN de limiter les armes de calibres militaires pour lesquelles d’importants stocks de munitions étaient susceptibles d’exister. Aujourd’hui on en est loin et il serait peut être intéressant de revoir la définition des armes militaires ?

- Contradictoire :

Les armes neutralisées à l’étranger. Il découle de la règlementation qu’elles ne sont pas reconnues en France. C’est aussi ce que répond logiquement le Ministère de la Défense. La jurisprudence dit le contraire. Le pire est que la douane aussi : dans différentes notes en réponse à des demandes de particuliers, elle précise que si la neutralisation est faite par un banc d’épreuve avec un certificat, elle est reconnue. Cela n’empêche pas les tribunaux de sévir durement à propos d’armes neutralisées à l’étranger.

Il en est de même des chargeurs. Ils sont classés par le décret de 1995 dans la catégorie des armes, l’arrêté prévu pour fixer son régime n’a jamais été pris. Un tribunal a considéré qu’en l’absence d’arrêté, ils sont libres. Mais la police sévit et dit le contraire.

A quel saint se vouer ?

Il y a bien entendu les saisies administratives non indemnisées, les refus d’autorisations non motivés alors que la loi du 11 juillet 1979 l’oblige, les préfets qui inventent leur règlementation comme dans les Yvelines etc… mais tout cela vous le savez

Non seulement les collectionneurs sont les grands oubliés des règlementations mais en plus, ils en sont les victimes collatérales.

Aujourd’hui ils veulent exister à l’égal des tireurs et des chasseurs et sont prêts à se soumettre aux règles de bon sens qui pourront sortir de ce groupe de travail !
J’ai le grand regret de constater que les demandes dans le sens où je le fais aujourd’hui, ont commencé il y a 17 ans et ont piétiné jusqu’alors. Cette situation est devenue intolérable !

Bien sr nous avons fait des démarches auprès des deux Ministères concernés. Au Ministère de l’Intérieur, au bout de quelques minutes d’exposé, nous nous sommes vus rétorquer : « les armes de collection, mais cela est dangereux ». Certes, elles sont dangereuses, mais au même titre que tout objet de la vie courante et domestique !
Je dois reconnaître qu’au Ministère de la Défense, nous avons rencontré de la compréhension pour ce dossier que ce Ministère semble bien connaître.

Nous avons des propositions à faire, nous vous les ferons passer très rapidement.

Jean-Jacques Buigné
24 février 2010


C’est globalement l’intervention faite la veille au Cabinet du Ministre et devant le groupe de travail.

- Le dossier.

 

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