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Mission parlementaire sur les violence par armes à feu

Le collectionneur d’armes et la violence par arme à feu

mardi 12 janvier 2010, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

J’ai été convoqué le 9 décembre par la Mission parlementaire sur les violence par armes à feu en tant que représentant des utilisateurs d’armes que sont les collectionneurs.

Ma première intervention a été de m’étonner que l’on puisse associer le terme de violence au mot arme. Dans notre pays, "les détenteurs légaux" sont des gens encadrés, fichés et pacifiques.

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Le collectionneur d’armes ancienne est un traditionnaliste.

C’est pour l’étude technologique et historique que le collectionneur s’intéresse aux armes du passé. En sauvegardant ces objets qui sont inhérents à l’humanité, il préserve son histoire. Pour construire un avenir pacifique exempt de violence, ce n’est certainement pas en cachant ces objets que l’on y arrivera, mais au contraire en les montrant !

S’il existe des collectionneurs d’armes anciennes c’est que l’arme fait partie de l’histoire des hommes. Qu’elles soient pour le collectionneur des témoins de l’ingéniosité des inventeurs des siècles passés ou des souvenirs qui ont participé aux évènements de l’Histoire, ces armes constituent un patrimoine que l’on ne peut ignorer. Cette volonté de conservation anime tout collectionneur d’objets anciens, quels qu’ils soient.

Me passionnant pour ces objets du patrimoine historique depuis plus de 45 ans, j’ai constaté que le collectionneur est un être pacifique, plus intéressé par la possession de l’objet non dénaturé que par son utilisation. Ces souvenirs le poussent à rechercher les circonstances de leur création, le contexte de leur emploi à l’époque, bref à connaître l’histoire de ces objets à travers une démarche culturelle. Si certains détenteurs d’armes anciennes les utilisent pour le tir, ils restent minoritaires. En effet, l’utilisation d’armes anciennes est compliquée du fait de leurs techniques dépassées. Elle n’est pas à la portée du citoyen moyen et reste réservée à une minorité de tireurs très spécialisés. De plus cette activité est également limitée par la rareté des armes anciennes ayant conservé un état permettant une utilisation éventuelle.
Il en est de même pour le matériel militaire « antique » roulant utilisé pour les commémorations ou autres présentations et totalement inefficace pour l’usage prévu à l’origine.

La Violence

Les collectionneurs ne sont pas concernés par les violences commises avec des armes à feu : sauf comme victimes potentielles. Les armes employées pour commettre des violences ne sont pas nos vénérables tromblons inoffensifs en raison de leur obsolescence, l’impossibilité de trouver des munitions et leur aspect désuet qui rendrait ridicule toute utilisation pour des actes délictueux.
Donc en tant que représentant des collectionneurs, il nous est difficile de débattre du sujet de la violence par arme à feu.

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Armes saisies en banlieue : toutes interdites

Le grand banditisme se nourrit d’armes non déclarées, importées en toute illégalité et qui de ce fait ne sont pas concernées par la règlementation qui régit les armes légalement détenues. D’ailleurs tout le monde le sait tel notre Ministre de l’Intérieur qui déclare : [1] « Je rappelle que la détention illégale d’une arme à feu et le trafic d’armes sont déjà sévèrement réprimés par la loi. J’appelle depuis longtemps l’attention, puisque je le faisais déjà lorsque j’étais Ministre de la Défense, sur le trafic en provenance des pays de l’ex-Yougoslavie. Le problème est que les détenteurs de ces armes se moquent de la loi et qu’il nous faut véritablement aller dénicher ces armes. Les opérations coup de poing actuellement menées dans certaines cités sensibles, notamment celles où sévit un trafic de drogue – car les deux trafics vont souvent de pair –, nous ont déjà permis d’en récupérer un certain nombre. Il faut aller plus loin encore. Nul ne connaît le nombre exact d’armes illégales circulant actuellement en Europe, en provenance d’ex-Yougoslavie, de Biélorussie… »

Il est vrai que l’on n’a jamais trouvé d’armes de collection dans les banlieues pour de multiples raisons : leur coût est élevé, leur emploi compliqué et lent, les résultats imprécis, aléatoires et peu efficaces et pour les malfrats, elles n’ont pas la célébrité et l’attrait d’un Kalachnikov ou d’un pistolet Glock mis en vedette dans les films actuels. La facilité pour la grande délinquance de se procurer des armes de guerre modernes par le biais de filières illégales la détourne de ces vénérables pièces de musée. Que ferait-on avec un Lebel de 1886 ou un revolver Vélo-dog de 1890 ?

Une nouvelle règlementation

Les armes à feu de collection :
De nouvelles restrictions ne pourraient s’appliquer qu’aux armes connues et aux détenteurs légaux. Les armes avec lesquelles sont commis les actes de grande délinquance sont déjà hors législation. L’accès aux armes modernes de chasse et de tir est actuellement réservé aux tireurs et aux chasseurs dûment contrôlés.
Par contre, les armes anciennes sont des « antiquités », les armes historiques ou de collection sont des « biens culturels » reconnus de façon internationale. La règle qui les définit en France a été établie il y a 70 ans et il paraît tout à fait normal et urgent de l’actualiser.
L’intérêt qu’ont les collectionneurs pour ces objets ne les différencie pas des autres citoyens. Ils sont simplement attachés à leur histoire et à la conservation du patrimoine.

Il est donc nécessaire de trouver des définitions nouvelles pour établir une règlementation cohérente.

Les collectionneurs d’armes proposent :

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1900 représente un tournant dans la révolution industrielle.


- les armes fabriquées au plus tard le 31 décembre 1899 sont des antiquités (armes antiques),
- les armes d’un modèle antérieur à ce millésime de fabrication mais fabriquées après (jusqu’en 1945) sont des armes de collection,
- les armes présentes dans une liste d’exception sont des armes de collection. Cette liste serait révisable périodiquement,
- les armes à feu de toute nature, conçues pour l’utilisation de la poudre noire ou l’un de ses substituts, et n’utilisant pas de cartouches à étui métallique,

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Il est de bon sens de considérer une baïonnette aussi ancienne, comme une antiquité.


- Les armes blanches de la 6ème catégorie de plus de 100 ans d’âge, ne sont plus des armes.

Cette approche n’est pas susceptible de troubler l’ordre public : les munitions (autres que celles à poudre noire) restent classées dans leur catégorie d’origine. S’il reste des munitions d’époque, elles sont inutilisables, voire dangereuses.

Les matériels de collection :

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Un matériel aussi antique, ne serait plus matériel de guerre !

- Déclasser en matériel civil des matériels antérieurs à 1950 ou de plus de 75 ans,
- Déclaration pour le matériel de plus de 30 ans, et autorisation pour celui de moins de 30 ans,
- Liberté de circuler en Europe pour le matériel de plus de 30 ans.

Ce qui se passe dans les autres États

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Système Lebel :
armes de guerre en France et armes de collection en Belgique !

- Belgique : les collectionneurs bénéficient du millésime de 1898, ainsi le revolver français modèle 1892 y est libre depuis 18 ans. Le ministère de la Justice belge est à même de confirmer que ces libérations ne posent pas de problème à la sécurité publique.

- Royaume Uni : les collectionneurs bénéficient d’un régime de libre détention pour les armes de poing fabriquées jusqu’au 1er janvier 1919, ainsi que pour toutes les armes dont le calibre figure dans une liste de munitions obsolètes.

- L’ONU : dans le protocole de Vienne sont considérées comme antiques les armes à feu fabriquées jusqu’au 31 décembre 1899.

- De nombreux autres Etats ont adopté la date de 1890 comme millésime : Italie, Finlande, Suède, Hongrie, république Tchèque. La Norvège a choisi 1884 et Malte 1946. Certains États comme le Portugal, le Royaume Uni et la Belgique ont une liste d’armes obsolètes.
Deux pays tels que le Canada et les USA ont choisi le millésime de 1898.

- Quant au matériel militaire, la règlementation et la jurisprudence européenne sont très claires à ce sujet, puisqu’elles considèrent que tous les véhicules fabriqués avant 1950 constituent des objets de collection et que ceux âgés de plus de 75 ans sont des biens culturels.

Alors, ce collectionneur !

En résumé, on peut le définir comme un érudit, respectueux des lois (plus que beaucoup d’autres), fiché, répertorié et souvent sollicité par des collectivités publiques pour faire des présentations ou des expositions. Ayant vu depuis une vingtaine d’années une législation devenir toujours plus contraignante pour lui et souvent modifiée pour tenter de répondre à des faits dont il n’était pas responsable, il a l’impression d’être toujours le bouc émissaire sans que les véritables problèmes de l’insécurité soient résolus.

 

[1devant la Commission des lois constitutionnelles, séance du mercredi 3 juin 2009

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