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Fabrication ou réparation d’armes par des particuliers
Outillage spécifique
mercredi 15 mars 2023, par

Attention :
Cet article est rédigé en fonction des textes en vigueurs le jour de la publication. Il devrait y avoir une nette évolution dans la notion d’outillage spécifique avec la parution d’un prochain décret. Revenez sur ce lien après.
Un particulier peut-il modifier lui-même une arme, voir la fabriquer avec des éléments d’armes ?
Nous allons tenter de répondre à cette question épineuse et à rebondissements.
Avant tout chose, voyons les différentes définitions que l’on peut trouver dans l’article R311-1 CSI sur le sujet qui nous intéresse.
L’aspect règlementation des armes
Il y a la définition de l’armurier : « toute personne physique ou morale dont l’activité professionnelle consiste en tout ou en partie dans la fabrication, le commerce, l’échange, la location, le prêt, la réparation ou la transformation d’armes, d’éléments d’arme, de munitions et de leurs éléments ».
Notons plusieurs points :
- il est question d’activité professionnelle. Cela vise donc ceux qui exercent cette activité pour en vivre. Le Code de Commerce donne la définition de commerçant comme étant : « Tout achat... ...pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre. » C’est donc la finalité de l’intention qui est visée : si une arme a été acquise pour être utilisée par un particulier, il n’y a pas d’acte de commerce lorsqu’elle est revendue, même si elle a été restaurée, préparée ou réparée.
- il est question d’armurier. Il s’agit d’une activité règlementée qui fait l’objet d’un agrément préfectoral qui est délivré en fonction de « honorabilité professionnelle et privée et des compétences de l’armurier. »
- la détention d’un outillage spécifique. Pour définir la fabrication illicite, on trouve dans le CSI la définition suivante : « Détention de tout outillage ou matériel spécifique à la fabrication d’une arme sans disposer des autorisations de fabrication et de commerce correspondantes. » Il s’agit bien des outils pour fabriquer et non pas pour réparer.
- Sur l’action de fabriquer : le CSI définit comme illicite la « fabrication, transformation, modification ou assemblage d’une arme, de ses éléments essentiels finis ou non finis, ...
L’outillage et son utilisation
C’est donc bien l’outillage pour fabriquer les armes qui est réservé aux professionnels et proscrit au particulier. Sa simple détention constitue un délit de fabrication illicite. Par contre, une fraise de chambre, qui est certes un outillage armurier, n’est pas spécifique à de la fabrication d’armes, pouvant aussi bien servir à restaurer une chambre ou simplement à la décrasser comme cela s’est pratiqué durant tout le XXème siècle sur les fusils à canon lisse non chromés intérieurement. N’étant pas classé, cet outillage non spécifique à de la fabrication est donc libre et peut être acquis ou importé sans formalité particulière.
Limite de l’utilisation
Le CSI définit bien l’action de fabrication ou de modification, ainsi un particulier n’a pas le droit d’intervenir sur les éléments essentiels d’une arme. Il ne peut pas modifier le chambrage. Par contre rien ne l’empêche de procéder à un échange standard de canon, sauf bien sûr à considérer qu’un remontage est un assemblage... ce qui conduiraient tous les détenteurs légaux (y inclus les membres des forces de l’ordre) à ne plus pouvoir assurer l’entretien courant de leur matériel.
C’est la fabrication ou la modification qui doit être obligatoirement effectuée par un armurier titulaire d’une AFCI [1]. Si le calibre d’une arme ou son système de fonctionnement ont été modifiés, il s’agit bien d’une opération de fabrication au sens de la règlementation. Dès lors que l’on touche à l’interface canon / pièce de fermeture, il est obligatoire que soit pratiquée une nouvelle épreuve par le Banc d’Épreuve de St Etienne. D’ailleurs si l’organisme de St Etienne pratiquait une épreuve à la demande d’un particulier ayant pratiqué des modifications sur son arme, il se rendrait complice d’une fabrication illicite !
Un simple entretien
Il faut raison garder et ne pas confondre fabrication/modification avec un simple entretien.
Prenons l’exemple du tireur de Bench-rest qui doit tous les quelques centaines de coups rafraîchir le chambrage avec une fraise de chambre après avoir supprimé 2 filets pour raccourcir son canon. Cette opération ne nécessite pas d’épreuve, les caractéristiques de l’arme n’ayant pas été changées.
Cette nuance n’a pas encore été tranchée par les tribunaux, mais par bon sens il est facile de différencier la simple opération d’entretien qui garde les mêmes caractéristiques à l’arme, de sa modification qui nécessiterait une nouvelle épreuve. De la même façon que le simple entretien d’un véhicule ou un changement de pneus ne nécessite pas un passage au service des mines, alors qu’une modification de ses caractéristiques techniques le rendrait obligatoire.
Ainsi, sur son arme, un particulier peut changer lui même le percuteur, les organes de visées, la détente etc... Mais modifier ou changerr un élément d’arme ou la construire de toute pièce revient à une fabrication illicite.
Et l’aspect fiscal ?
En dehors de la règlementation spécifique aux armes, reste le point fiscal.
Comme on l’a vu plus haut, le coté professionnel est basé sur l’intention de revente au moment de l’achat. Or cette intention peut être prouvée par l’administration fiscal par tous moyens (Art L110-3 Code de Commerce).
Ainsi, lorsque qu’un particulier vend en ligne sa « production » d’armes transformées, l’opérateur [2] a plusieurs obligations : déclarer de manière automatique à l’administration fiscale les revenus des utilisateurs des plateformes en ligne, et adresser à ces derniers un récapitulatif annuel du montant des transactions. Ainsi, le commerçant qui se déguise en particulier pour ne pas payer d’impôts se fera rattraper par l’administration fiscale tôt ou tard.
Cette problématique s’ajoute à celle de la règlementation par rapport aux armes.
Le regard de la douane ?
Lors de l’achat d’un canon déjà chambré à l’étranger (et donc classé au sens de la législation) il faudra accomplir les formalités d’importation ou de transfert selon que la provenance est hors UE et de l’UE, consulter la rubrique. Si le canon n’est pas chambré, mais juste percé et rayé, on doit alors parler d’un barreau qui est une simple matière première achetable et importable selon les règles de droit commun. Attention cependant au douanier zélé qui pourrait vouloir jouer sur les mots, à savoir le mot « canon » pour signifier une infraction ou procéder à une « visite domiciliaire » non motivée. Là il faudra résister en arguant qu’un barreau n’est pas un canon mais un canon en devenir [3].
Il en est de même pour une fraise de chambre, laquelle n’est pas un outillage spécifique à de la fabrication d’arme. Cette fraise de chambre peut être achetée, importée et détenue librement [4]
Par contre, l’utilisation de la fraise de chambre pour transformer le barreau en canon chambré est bien interdite au particulier. Elle doit être sous-traitée à l’armurier professionnel, seul habilité à procéder au chambrage.
[2] NaturBuy en l’occurence
[3] Il est aussi noté que suite à certains abus et à un recours par un avocat de Bourges, les Douanes sont désormais tenues aux mêmes règles que les policiers en ce qui concerne les fouilles et perquisitions.
[4] Si la douane conteste ce non-classement, dites-leur de poser la question au SCAE qui ne pourra que confirmer notre affirmation.