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Comment classer un Remington Double Deringer ?

En appliquant la doctrine des Armes Historiques et de Collection

mercredi 26 mars 2025, par Charles LE GOFFIC

Nous nous sommes fixés comme règle d’informer les collectionneurs sur le classement des armes. Si nous avons accueilli avec enthousiasme la nouvelle doctrine qui a permis de libérer de nombreuses armes anciennes — au point d’y consacrer plusieurs articles —, il faut reconnaître qu’elle peut aussi avoir des effets moins favorables. C’est ce que nous allons aborder dans cette page.

Résumé : Comme pour toutes les armes de poing fabriquées tout au long du XXᵉ siècle, le Remington Double Deringer est soumis à la date butoir de 1914 [1]. Les modèles produits avant cette date sont considérés comme des armes de collection, tandis que ceux fabriqués après sont classés en catégorie B.

Une demande de classification accompagnée d’une expertise a récemment suscité l’intérêt du SCAE pour le célèbre et très convoité REMINGTON DOUBLE, également connu sous le nom de modèle 95. Ce modèle est exclusivement chambré pour la cartouche .41 Rimfire à percussion annulaire, munition aujourd’hui introuvable.

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Remington Derringer 1er type, classé en catégorie D§e)
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Cette arme de poche légendaire de l’Ouest américain a été fabriquée entre 1866 et 1935, avec une production dépassant les 150 000 exemplaires. Au fil du temps, quatre modèles successifs peuvent être distingués :

- Modèle N°1 (1866-1867)  : Facilement identifiable par l’absence d’éjecteur et le marquage sur la bande entre les deux canons. À gauche, on trouve l’inscription « ELLIOT’S PATENT DEC. 12, 1865 », et à droite, «  E. REMINGTON & SONS, ILION, N.Y. ». Ce modèle a été produit à 2 000 exemplaires.

- Modèle N°2 (1868-1888) : Produit à 6 000 exemplaires, ce modèle est identifiable par son marquage sur le canon en deux lignes : « E. REMINGTON & SONS, ILION, N.Y. » / « ELLIOT’S PATENT DEC. 12, 1865 »

- Modèle N°3 (1888-1912)  : Fabriqué en 5 séries numérotées de 1 à 1 000, soit un total de 5 000 exemplaires. Ce modèle porte l’inscription sur le canon : « REMINGTON ARMS CO. ILION, N.Y. ».

Ces trois premiers modèles appartiennent sans conteste à la catégorie D§e), conformément à l’article R.311-2 et à la doctrine en vigueur pour la production du Modèle N°3 après le 1er janvier 1900.

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Ce Derringer modèle n°4, portant le numéro 380, a bien été fabriqué avant 1914. Conformément à la doctrine en vigueur, il relève donc de la catégorie D§e).Il fait partie des 12 867 exemplaires produits entre 1911 et le 31 décembre 1913, (© Américana}.
  • Modèle N°4 (à partir de 1911) : Ce modèle apparaît après la fusion entre Remington et le fabricant de cartouches U.M.C. en 1910.
    • Première variation (1911) : Numérotée de 1 à 10 511 pour les fabrications antérieures au 1er janvier 1914, elle porte le marquage sur le canon : « REMINGTON ARMS U.M.C. CO., ILION, N.Y. ». À partir de 1922 : Comme toutes les armes Remington, elle est estampillée d’un code d’identification à deux lettres, indiquant le mois et l’année d’expédition.
    • Seconde variation : Modèle avec charnières renforcées et un numéro de série commençant par la lettre L. Il est alors commercialisé sous le nom de « MODEL 95 ».
    • Troisième et dernière variation – « MONOBLOCK »  : Ce modèle est reconnaissable à l’absence de bande entre les deux canons. Sa production est très limitée, avec environ 500 exemplaires fabriqués jusqu’en 1935, dont seulement 10 expédiés après cette date. Ce modèle, connu des collectionneurs sous le nom de « version U.M.C. ».

Le point :
Il y a eu au total 150 000 exemplaires fabriqués. Seulement 13 000 pour les trois premiers modèles et pour le n°4, 10 511 avant 1914. Ceux-là sont bien classés en catégorie D§e).
Les autres Deringer n°4 fabriqués après 1914, c’est-à-dire la grande majorité, sont classés en catégorie B1°)., soumise à autorisation. Pour l’enregistrement, la référence dans le RGA est CI871.

On pourrait s’étonner de ce classement qui concerne une arme à percussion annulaire dont la munition est quasiment introuvable. Mais cette décision, applicable à toutes, a été prise dans le cadre de l’application de la doctrine et communiquée aux différents acteurs concernés, notamment NaturaBuy et le Banc d’Épreuve, afin de garantir la mise en conformité avec cette disposition [2].

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Sur ce Remington n°4, la période de fabrication figure sous le canon avec la forme de lettre code : « P » pour juin et « N » pour 1922. Il est donc classé en catégorie B1°) (©Stephan Juan.)

Il ne s’agit ni d’un surclassement ni d’un changement de catégorie, mais simplement d’une confirmation de classement résultant de l’application stricte de la doctrine en vigueur pour les armes de poing fabriquées après 1914. C’est l’un des rares cas où l’application de la doctrine entraîne un effet négatif.
Avec le classement du SAA et de la carabine Savage, les collectionneurs sont habitués à une limite définie par le numéro de série, qui permet de confirmer la date de fabrication..

Si cette décision permet de réguler les achats/ventes à venir, elle soulève toutefois un problème pour les détenteurs actuels ayant acquis cette arme en toute bonne foi, parfois même avec une attestation du vendeur ou un procès-verbal du Banc d’Épreuve.
Pour ceux qui possèdent déjà un Deringer n°4 avec un numéro de série supérieur à 10 511 :
- S’ils détiennent déjà des armes de catégorie B, la meilleure solution consiste à le déclarer et l’ajouter à leur autorisation unique, dans le respect du quota de 15 armes ;
- Pour les autres, plusieurs options s’offrent à eux : solliciter une autorisation s’ils sont tireurs sportifs licenciés à la FFTir, s’en séparer, le faire neutraliser.
À défaut, ils s’exposeraient à une infraction et risqueraient des sanctions en cas de contrôle, notamment lors d’un transport ou d’une revente.

Il faut bien reconnaître que cette situation a de quoi agacer, surtout pour les collectionneurs qui ont misé gros sur un Deringer, parfois à prix d’or. Mais nous devons être clairs : la vérité prime, et la transparence vis-à-vis de nos lecteurs est non négociable.
Voilà un exemple édifiant d’un système juridique appliqué aveuglément : condamner une arme incapable de tirer, faute de munitions. Mais dans un État de droit, c’est la loi qui s’impose avec sa rigueur toute mécanique.

Pour relativiser, rappelons qu’avant la publication de la doctrine, toutes les armes postérieures à 1900 étaient systématiquement soumises à réglementation — cette doctrine aura finalement permis d’éclaircir le classement d’un grand nombre d’armes de collection. On peut toutefois regretter qu’en France, les détenteurs de la carte de collectionneur soient limités à l’acquisition d’armes de catégorie C, alors que la directive européenne autorise, en théorie, l’accès des catégorie B et A — une possibilité que plusieurs pays voisins ont su saisir.
À titre de consolation, notons que dans une grande partie du monde, les armes fabriquées postérieurement à 1900 sont soumises à des restrictions. Et même interdites totalement.

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Sur cette seconde variation du modèle n°4, le numéro indique une période de fabrication largement postérieure à 1914. Cela classe inévitablement le Derringer en catégorie B1°). C’est l’application stricte de la doctrine. Dommage car c’est strictement la même arme que ci dessus, seul le numéro change !
Dès 1922, une lettre encadre le numéro pour indiquer l’année, (©Stephan Juan.)

Dans cet article, cliquez sur les images pour les agrandir.

Source bibliographique permettant la datation de la fabrication des Remington Deringer a partir de 1911.
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Avec ce livre de 207 pages publié en mai 2008 par Graphic Publishers à Santa Ana (CA) du Dr. William H. Alliot, vous saurez tout sur le sujet.
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On constate que pour les trois premières années de fabrication, il a été fabriqué 10511 Derringer.
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Comme vu sur le tableau précédent, a partir de 1922 il a été mis une lettre code avant le matricule pour définir le mois et une sur le côté gauche du canon pour définir l’année. Sur l’exemplaire ci-dessus n° L90292, il a été fabriqué en février.
Question d’orthographe :

- ✅ Deringer : Avec un seul "r" , quand on parle du pistolet original conçu par Henry Deringer, Son nom est devenu synonyme des petits pistolets de poche à canon court.

- Cependant… ❌ Derringer avec deux "r" est une faute d’orthographe fréquente qui s’est tellement répandue qu’elle est parfois utilisée de façon générique, surtout dans les médias ou dans le langage courant, pour désigner tout petit pistolet de ce type — même si ce n’est pas historiquement correct.

- Exception : Certains fabricants, comme Remington, ont eux-mêmes utilisé "Derringer" dans certaines publicités ou documents, ce qui a semé la confusion.

Vidéo explicative sur le fonctionnement du Remington Deringer.

Rel. LV-26/03/25

 

[1Pour les armes d’épaule c’est 1946.

[2Le fait que la munition de .41RF, non touchée par le surclassement des munitions PN en B13° car à percussion annulaire, reste libre à l’achat, a sans doute renforcé cette analyse.

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