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A1-11 : le Conseil d’État rejette le recours de l’UFA

vendredi 25 novembre 2022, par Michaël Magi vice Président de l’UFA

Le Conseil d’État vient de rendre sa décision qui avait été mise en délibéré lors de l’audience du 19 octobre 2022. Il a rejeté notre recours, cette décision ne nous convient évidemment pas du tout, bien que l’on s’y attendait.

Rappel du contexte

Fin octobre 2021, le Ministère de l’intérieur publie un décret interdisant les armes de catégorie A1-11, c’est-à-dire les armes automatiques qui ont été transformées en arme semi-automatique, que nous appelons parfois ex-full. Ce décret impose un dessaisissement aux détenteurs avant le 31 octobre 2022, et n’en permet que la vente, la destruction ou la neutralisation. Les transformations, par exemple en répétition manuelle ou en monocoup, ne sont plus permises. Et la vente n’est en fait pas vraiment une alternative puisqu’il n’y a plus d’acheteurs autorisés à les détenir.

Face à cette spoliation des détenteurs et cette perte sans précédent pour le patrimoine, nous avons choisi de déposer un recours en annulation contre ce décret auprès du Conseil d’État, fin décembre 2021.

La décision du Conseil d’État

Décision trop tardive, malgré l’urgence de la situation, puisque de nombreux détenteurs s’étaient déjà dessaisi avant la date butoir [1], le Conseil d’État a tardé à prendre sa décision. Dans les faits, il avait besoin de tous les éléments pour statuer, et ils ont émergé en cours d’année.

En juin 2022, le Ministère de l’intérieur a produit un mémoire afin de défendre son décret, ce à quoi nos avocats ont répliqué en étayant leurs arguments, et en octobre le SCAE a lui aussi défendu le décret. L’audience devant la haute autorité administrative a finalement eu lieu le 19 octobre 2022, et la décision mise en délibéré au 23 novembre 2022.

Le Conseil d’Etat a rejeté notre recours.

Il faut dire qu’il a été jugé « par une chambre se réunissant seule », ce qui est le cas pour les affaires que le Conseil d’État estime « évidentes et sans difficultés ». De plus, le rapporteur public avait proposé le rejet de la requête contre le décret, donc les dés étaient « pipés » dès le départ.

Vous pouvez consulter : le mémoire du ministère, le mémoire que nous avons déposé pour répondre au ministère et enfin la décision du Conseil d’État. Nous avons pris le soin d’anonymiser tous ces documents.
Il est à noter que 4 recours ont été déposés contre ce décret et ont tous été examinés et rejetés ensembles.

Cette décision est souveraine et n’est pas susceptible d’appel devant les instances nationales. Il est théoriquement possible de déposer une requête devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ou devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), mais les délais ne permettront pas de sauver beaucoup d’armes, la date butoir du 31 octobre 2022 étant déjà passée, et les détenteurs s’étant déjà dessaisi pour la plupart. De plus, il faut être certain que quelque chose soit contestable dans la décision du Conseil d’État : faire un tel recours uniquement « pour la gloire » en étant sûr de perdre ne servirait qu’à créer de la jurisprudence négative qui serait inévitablement réutilisée contre notre passion à l’avenir. Il faut donc se montrer prudent. Nos avocats se penchent sur le sujet.

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La fin des A1-11 :
destruction du patrimoine et confiance brisée

Ainsi, cette décision sonne définitivement la fin des armes automatiques transformées en semi-automatique. C’est un désastre sur le plan culturel, cela condamne toute une partie du patrimoine militaire et armurier à la destruction [2]. De plus, c’est une perte énorme pour les détenteurs qui ont été forcés de faire neutraliser, détruire ou abandonner leurs armes légalement acquises, pour lesquelles ils ont investi des sommes parfois très élevées, et cela sans compter les éventuels accessoires ou travaux de restauration qui ont été effectués, ainsi que le préjudice moral associé.

Cette spoliation intervient dans un moment charnière pour les détenteurs, en effet nous sommes en plein passage du monde des armes dans l’ère du numérique avec le déploiement du SIA. Cette transition ne peut s’effectuer en douceur qu’avec la confiance des détenteurs, d’autant que le Ministère compte sur ces derniers pour jouer le jeu et déclarer ou abandonner toutes « trouvailles de grenier », souvent issues d’héritages, qui seraient encore hors du système.

Nous sommes aussi dans un contexte où les amateurs d’armes se sont mobilisés contre les discriminations dont ils font sans cesse l’objet, notamment de la part des médias et du gouvernement [3]. Plus d’un an après la consultation citoyenne contre la discrimination, les amateurs d’armes attendent toujours que le ministère donne suite à son engagement de répondre à leurs doléances, pourtant lauréates de la plateforme. [4]

Enfin, les détenteurs ont récemment appris qu’ils feraient l’objet d’un contrôle plus strict avec des auditions administratives systématiques dans certains cas, et que leur autorisation de détention serait soumise à des critères de rejet arbitraires, tels que la pratique « d’un mode de vie survivaliste » qui n’a aucun fondement juridique.

Tout cela est de nature à placer le détenteur dans une forme d’insécurité juridique permanente, avec la peur que ce qu’il a acquis légalement devienne subitement illégal du jour au lendemain et sans faute de sa part. Et ce sentiment risque de se renforcer avec le prochain décret. La confiance est-elle déjà brisée ?

C’est en ce sens que nous sommes intervenus au Colloque Européen sur le contrôle des armes à feu à Chambord, lors du lancement du SIA : Jean-Jacques Buigné, fondateur de l’UFA, rappelait que le contrôle des armes doit être appliqué correctement, de façon juste, proportionnelle, et pérenne, et c’est seulement ainsi que la confiance peut être établie entre les détenteurs et l’administration.

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Un combat perdu d’avance ?

Le recours n’a pas abouti, mais nous nous sommes battus jusqu’au bout. Durant cette période tendue, l’UFA a enregistré un record de soutiens. Notre équipe de bénévoles actifs et d’experts s’est élargie et l’UFA se place maintenant en interlocuteur incontournable du monde des armes.

Chaque jour, nous œuvrons à la défense de nombreux amateurs d’armes, qu’ils soient tireurs, chasseurs, collectionneurs ou reconstitueurs. Il faut continuer en ce sens, en nous donnant encore plus de représentativité et rester unis, car il n’y a que comme cela que nous pourrons préserver notre passion et nos loisirs autour des armes.

L’avenir n’est peut être pas si sombre pour les amateurs d’armes :

- Notre nombre d’adhérents a été multiplié par 4 en quelques années ;
- Avec la consultation citoyenne, les amateurs d’armes ont prouvé qu’ils peuvent se mobiliser et faire entendre leur voix ;
- La prochaine doctrine devrait libérer certaines armes de collection comme nous le demandions depuis des années ;
- L’uniformisation des enquêtes et auditions administratives devrait mettre fin aux pratiques de certaines préfectures, parfois plus royalistes que le roi et agissant en dehors du cadre imposé par le SCAE (visite domiciliaires pour vérifier le coffre fort) ;
- Les démarches seront facilitées pour les tireurs sportifs, notamment avec une seule autorisation de détention globale pour 15 armes et valable 5 ans, et la demande simplifiée en télédéclaration ;
- La mise en place d’un plan pour sauver de la destruction les armes saisies dans des affaires judiciaires, si elles présentent un intérêt pour la collection ;
- Nos actions au niveau de l’Europe devraient monter en puissance avec l’aide de la FESAC.

Nous avons les moyens d’agir, vous avez les moyens de nous en donner la légitimité et l’appui nécessaire pour être écoutés. Ne baissez pas les bras, parlez de l’UFA autour de vous, et faites de la publicité pour nos actions. Vous êtes l’UFA. Alors vous devez convaincre votre entourage de rejoindre l’UFA !

Rel. L-28/11/22

 

[1Notamment ceux dont l’autorisation de détention arrivait à échéance avant la date butoir imposée par le décret. En effet, dans ce cas, s’agissant d’armes maintenant interdites, les autorisations de détention n’étaient pas renouvelées par les préfectures.

[2Pour nous, même la neutralisation est une forme de destruction. En effet, les nouvelles normes de neutralisation en place depuis 2018 rendent l’arme et son mécanisme totalement inopérants, rendant toute étude, notamment des évolutions mécaniques, impossible. Vous amenez un morceau d’histoire et du patrimoine armurier, et vous repartez avec un presse-papiers en catégorie C que vous devez déclarer à la préfecture.

[3Et nous le verrons bientôt, également de la part des universitaires…

[4Plateforme qui n’est même plus en ligne !

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