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Projet de loi de transposition de la directive
Décryptage juridique du projet de loi
jeudi 25 janvier 2018
L’ultime discussion sur le projet de loi que nous voulons faire modifier se fera dans la séance du 31 janvier 2018. Et il sera possible de suivre les débats en direct via Internet.
Beaucoup d’entre vous n’étant pas familiers des textes législatifs, nous avons eu à cœur de les réunir pour votre meilleure compréhension. Bien sûr, c’est un peu abstrait, mais il en va de l’avenir de notre passion.
Avec ces éléments, il vous possible de comprendre que le projet ne tient absolument pas compte des possibilités offertes par la Directive et les recommandations du Conseil d’Etat ainsi que de l’étude d’impact.
Un conseil : ne lisez pas cet article avant de vous endormir, il pourrait y contribuer. Mais plutôt le matin quand vous êtes en forme.
Fondements juridiques
Le projet de loi adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne dans le domaine de la sécurité, n° 530, déposé le 20 décembre 2017 devant l’Assemblée Nationale concerne notamment la transposition de la Directive Européenne 2017/853 sur les armes à feu [1].
Tout d’abord, Il convient de signaler que la précipitation avec laquelle le Gouvernement français veut transposer cette Directive (dont il est à l’origine) est malvenue, dans la mesure où celle-ci a fait l’objet d’un recours devant la Cour de Justice de l’UE par la République Tchèque et qu’elle risque donc d’être annulée.
Le Conseil d’Etat :
Ensuite, il apparait que le Conseil d’Etat précise dans son avis pages 3 et 4 qu’une catégorie D d’armes pouvant être acquises et détenues librement pourra continuer d’exister dans les droits nationaux, notamment les armes historiques qui étaient et demeurent en dehors du champ d’application de la Directive et de certaines des reproductions de ces armes historiques.
Il ajoute même que « si les armes historiques elles-mêmes peuvent demeurer dans la catégorie D redessinée, désormais limitée aux armes dont l’acquisition et la détention sont totalement libres, certaines de leurs reproductions devront désormais être classées, au moins, en catégorie C ».
L’étude d’impact :
De plus, l’étude d’impact précise pages 34 à 38 que :
« La Directive du 17 mai 2017 susmentionnée, dans le considérant 27 et l’annexe I, distingue désormais deux catégories d’armes qui étaient soumises à des régimes distincts : les armes historiques et les reproductions d’armes historiques.
Si les armes historiques restent exclues du champ de la Directive, c’est-à-dire qu’elles demeurent libres d’acquisition et de détention, autant, désormais, leurs reproductions peuvent être règlementées (…) Les reproductions d’armes à feu anciennes sont actuellement régies par les articles L. 311-3 et L. 311-4 du Code de la Sécurité Intérieure.
Ces articles soumettent les reproductions d’armes à feu anciennes à un régime identique à celui des armes à feu anciennes, à savoir à un principe de liberté d’acquisition et de détention. Du fait de ce régime de liberté, il n’existe pas de statistiques officielles ni même d’évaluations suffisamment fiables des armes de ce type détenues par les particuliers (…). L’absence de données chiffrées sur le « parc » d’armes historiques et de leurs reproductions rend malaisée l’évaluation de l’impact économique de l’entrée des reproductions dans le champ de la Directive.
Si le régime de classement - règlementaire - reste relativement peu contraignant au plan administratif, l’impact devrait être faible (…)
Les tireurs sportifs pourront être autorisés à acquérir et à détenir des armes issues de la transformation d’une arme automatique, ainsi que des armes ou chargeurs à grande capacité. Les disciplines sportives recourant à ce type d’armes sont nombreuses et il est cohérent que les tireurs sportifs puissent continuer d’en bénéficier, puisque ce sont les détenteurs d’armes les plus strictement contrôlés en droit national, à la fois au plan de la pratique sportive, que de l’honorabilité et des conditions de sécurisation des armes détenues (…)
La Directive, dans son article 6 alinéa 3, permet aussi aux États membres qui le souhaitent d’accorder exceptionnellement, dans des cas particuliers et dûment motivés, des autorisations à des collectionneurs d’armes d’acquérir et de détenir des armes de catégorie A, sous réserve du strict respect de conditions suffisantes de sécurité, notamment en termes de stockage.
Les collectionneurs concernés doivent être identifiables dans les fichiers de données et tenir un registre des armes de catégorie A en leur possession (…) Le droit national en vigueur en matière de collectionneurs résulte des articles L. 312-6-1 à L. 312-6-5du Code de la Sécurité Intérieure, qui ont introduit la possibilité d’acquérir et de détenir au titre de la collection des armes de la seule catégorie C, soumises à déclaration.
Compte tenu de la dangerosité de ces armes, il n’a pas paru souhaitable d’étendre aux collectionneurs la dérogation prévue par la Directive (…) Autant, en effet, il est nécessaire de prendre en considération les armes aujourd’hui légalement détenues basculant en catégorie A (cas des tireurs sportifs et de certains services de sécurité), autant il n’a pas paru opportun d’étendre le bénéfice de cette dérogation à des personnes qui, aujourd’hui, n’ont déjà pas le droit de détenir de telles armes. C’est le cas des collectionneurs. La Directive, dans son article 6, permet enfin de maintenir un régime d’autorisation, « dans des cas particuliers, exceptionnels et dûment motivés », et « en vue de protéger la sécurité des infrastructures critiques, la navigation commerciale, les convois de grande valeur et les lieux sensibles, ainsi qu’à des fins de défense nationale, éducatives, culturelles, de recherche et historiques » (…)
Cette possibilité doit être interprétée comme permettant aux États membres de continuer à délivrer des autorisations d’acquisition et de détention d’armes de catégorie A à des personnes exerçant certaines activités de sécurité privée, en justifiant toutefois le choix des activités retenues à ce titre ».
Le rapport du Sénat :
Par ailleurs, le Rapport n°161 déposé au Sénat le 13 décembre 2017 précise clairement pages 13 et 51 à 61 que « Initiée à la demande de la France, au lendemain des attentats de Paris de janvier 2015, cette Directive s’est inscrite dans une dynamique plus globale visant à renforcer la lutte contre le trafic illégal d’armes à feu. Force est de constater que la Directive adoptée et transposée par le projet de loi a, pour l’essentiel, manqué son objectif.
Elle comporte en effet principalement des mesures qui visent à mieux encadrer les régimes légaux d’acquisition et de détention des armes à feu, d’une part en durcissant les règles applicables pour les armes considérées comme les plus dangereuses, d’autre part en sécurisant les conditions de vente des armes à feu » et d’ajouter « La catégorie D des armes à feu ne disparaît toutefois pas complètement en droit français, la Directive n’impactant pas les armes dont l’acquisition et la détention sont libres (catégorie D2), qui se situent hors champ d’application de la directive en droit européen.
Aussi, certaines références à la catégorie D des armes sont-elles, lorsque c’est nécessaire, maintenues.
À cet égard, votre rapporteur observe que plusieurs mentions de la catégorie D ont été supprimées de manière inappropriée, créant des difficultés de coordination au sein du Code de la Sécurité Intérieure. À son initiative, votre commission a donc adopté un amendement COM-16 afin de corriger ces erreurs ». Enfin, le Rapport conclu que « l’article 16 modifie en premier lieu l’article L. 311-4 du Code de la Sécurité Intérieure afin de préciser que le classement des armes historiques, des armes de collection et de leurs reproductions, ne relève plus par principe de la catégorie D mais sera défini par décret en Conseil d’État. Ainsi, le pouvoir règlementaire sera en mesure, pour chaque type d’armes, en fonction de son niveau de dangerosité, de lui appliquer le régime d’acquisition et de détention le plus adapté.
Plusieurs associations représentant les détenteurs d’armes et de matériels de collection ont émis des craintes quant à cette disposition, estimant qu’en visant toutes les armes énumérées à l’article L. 311-3, elle couvrait non seulement les reproductions d’armes historiques, mais également les armes historiques elles-mêmes, qui demeurent pourtant en dehors du champ d’application de la Directive. Votre commission a donc adopté un amendement COM-14 de son rapporteur afin de prévoir que les armes historiques et leurs reproductions listées à l’article L. 311-4 sont classées en catégorie D2, sauf pour certaines armes dangereuses listées par décret » .
Le rapport constate également pour les armes de catégorie A que « La directive autorise toutefois les États membres à instaurer certaines dérogations à ce principe général d’interdiction, pour des catégories de personnes ou d’entités limitativement énumérées :
les tireurs sportifs ;
les collectionneurs, à titre exceptionnel et sous réserve du strict respect des conditions de sécurité. Ils doivent être identifiables dans les fichiers de données sur les détenteurs d’armes et détenir un registre de toutes les armes de catégorie A en leur possession ;
les armuriers et les courtiers, en leur qualité professionnelle ;
les musées ;
d’autres catégories de personnes, dans des cas particuliers, exceptionnels et dûment motivés, « en vue de protéger la sécurité des infrastructures critiques, la navigation commerciale, les convois de grande valeur et les lieux sensibles, ainsi qu’à des fins de défense nationale, éducatives, culturelles, de recherche et historiques ».
Or, si pour les activités professionnelles ou sportives des personnes sont autorisées dans le présent texte de loi à acquérir et à détenir des matériels de guerre, armes et éléments d’armes de catégorie A, en revanche, pour d’obscures raisons relevant davantage de la discrimination et de l’inégalité de traitement manifeste, les collectionneurs en sont expressément exclus. En ce sens, on peut constater que ni l’avis du Conseil d’Etat, ni l’étude d’impact, ni le rapport des rapporteurs ne donne une véritable raison susceptible de justifier la position retenue. Au contraire, il est reconnu qu’il n’existe aucune donnée ni étude sur le sujet. Il s’agit d’une position de principe pris par les services du Ministère de l’intérieur.
- Désolé pour notre article un peu soporifique, mais il était important que vous compreniez que nous ne racontons pas n’importe quoi.
Il convient d’ajouter que la rédaction de l’article 6 de la Directive (UE) 2017/853 du Parlement Européen et du Conseil du 17 mai 2017 tend à démontrer la discrimination net d’inégalité de traitement, puisqu’il dispose que :
« (…) 3. Les États membres peuvent choisir d’accorder à des collectionneurs exceptionnellement, dans des cas particuliers spéciaux et dûment motivés,des autorisations d’acquérir et de détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A, sous réserve du strict respect des conditions de sécurité, y compris la fourniture aux autorités nationales compétentes de la preuve que des mesures sont en place pour parer à tous les risques pour la sécurité publique ou l’ordre public et que les armes à feu, les parties essentielles ou les munitions concernées sont stockées avec un niveau de sécurité proportionnel aux risques liés à un accès non autorisé à ces objets.
Les États membres veillent à ce que les collectionneurs agréés en vertu du présent paragraphe, premier alinéa, soient identifiables dans les fichiers de données visés à l’article 4. Ces collectionneurs autorisés sont tenus de conserver un registre de toutes les armes à feu de la catégorie A qui sont en leur possession, lequel est accessible aux autorités nationales compétentes. Les États membres mettent en place un système de suivi approprié concernant les collectionneurs autorisés, en tenant compte de tous les facteurs pertinents.
4. Les États membres peuvent autoriser les armuriers ou les courtiers, en leur qualité professionnelle respective, à acquérir, fabriquer, neutraliser, réparer, fournir, transférer et détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A, sous réserve du strict respect des conditions de sécurité.
5. Les États membres peuvent autoriser les musées à acquérir et à détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A, sous réserve du strict respect des conditions de sécurité.
6. Les États membrespeuvent autoriser les tireurs sportif à acquérir et à détenir des armes à feu semi-automatiques relevant du point 6 ou 7 de la catégorie A… »
D’autant plus que le 16ème considérant de la Directive (UE) 2017/853 du Parlement Européen et du Conseil du 17 mai 2017 précise clairement que : « Les États membres devraient, toutefois, pouvoir autoriser l’acquisition et la détention d’armes à feu, de parties essentielles et de munitions de la catégorie A, si nécessaire, à des fins éducatives, culturelles, y compris pour des films ou des pièces de théâtre, historiques ou de recherche ».
Il faut ajouter que le 17ème considérant indique que : « Il convient que les États membres puissent décider d’accorder aux musées et aux collectionneurs reconnus l’autorisation d’acquérir et de détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A si nécessaire à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine, à condition que ces musées et collectionneurs démontrent, avant d’obtenir une telle autorisation, qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour éliminer les risques éventuels pesant sur la sécurité publique ou sur l’ordre public, notamment au moyen d’un stockage adéquat. Toute autorisation de ce type devrait prendre en compte et refléter la situation spécifique, notamment la nature de la collection et sa finalité, et les États membres devraient veiller à la mise en place d’un système pour la supervision des collectionneurs et des collections ».
Il faut ajouter que dans son contenu la Directive définit à son article 1er- 1 -8) le collectionneur comme étant : « toute personne physique ou morale qui se voue à la collecte et à la conservation des armes à feu, des parties essentielles ou des munitions, à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine, et reconnue comme telle par l’État membre concerné ».
Par ailleurs, l’article 1er – 1 – 6° définit les « armes à feu neutralisées » comme étant « les armes à feu qui ont été mises hors d’usage par une neutralisation, qui assure que toutes les parties essentielles de l’arme à feu en question ont été rendues définitivement inutilisables et impossibles à enlever, remplacer ou modifier en vue d’une réactivation quelconque de l’arme à feu », tandis que le Règlement d’exécution (UE) 2015/2403 de la Commission du 15 décembre 2015 établissant des lignes directrices communes concernant les normes et techniques de neutralisation en vue de garantir que les armes à feu neutralisées sont rendues irréversiblement inopérantes précise à son 2ème considérant que : « les objets qui correspondent à la définition d’une « arme à feu » ne sont pas inclus dans cette définition s’ils ont été rendus définitivement impropres à l’usage par une neutralisation assurant que toutes les parties essentielles de l’arme à feu ont été rendues définitivement inutilisables et impossibles à enlever, remplacer, ou modifier en vue d’une réactivation quelconque de l’arme à feu ».
Toutefois, le 21ème considérants de la Directive indique, s’agissant des armes neutralisées, que : « Eu égard au risque important de réactivation d’armes à feu incorrectement neutralisées, et afin de renforcer la sécurité dans toute l’Union, il convient que la directive 91/477/CEE s’applique à de telles armes à feu. Il convient de définir les armes à feu neutralisées d’une manière qui reflète les principes généraux de neutralisation des armes à feu tels que prévus par le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, joint à la décision 2014/164/UE du Conseil, qui transpose ce protocole dans le cadre juridique de l’Union ».
De même, selon le 26ème considérant de la Directive « Les objets qui ont l’apparence d’une arme à feu(armes factices ») mais qui sont fabriqués de manière à ne pas pouvoir être transformés pour propulser un coup de feu, une balle ou un projectile par l’action de la combustion d’une charge propulsive ne devraient pas relever de la directive 91/477/CEE » et selon le 27ème considérant de la Directive : « Lorsque les États membres disposent de législations nationales régissant les armes anciennes, ces armes ne sont pas soumises à la directive 91/477/CEE. Toutefois, les reproductions d’armes à feu anciennes n’ont pas la même importance ou le même intérêt historique et peuvent être construites en recourant aux techniques modernes susceptibles d’améliorer leur durabilité et leur précision. Par conséquent, ces reproductions devraient relever du champ d’application de la directive 91/477/CEE. La directive 91/477/CEE n’est pas applicable à d’autres articles, tels que les dispositifs airsoft, qui ne correspondent pas à la définition d’une arme à feu et ne sont donc pas règlementés par ladite directive ».
Dès lors, une lecture attentive de la Directive permet d’établir que seules certaines reproductions (celles recourant aux techniques modernes susceptibles d’améliorer leur durabilité et leur précision) devraient être classées en catégorie C et non pas les copies conformes à l’original. Toutefois, en laissant au seul pouvoir exécutif le soin de décider de leur classement, le Parlement ne joue pas son rôle de contrôle de l’application correcte des textes de lois et délègue trop largement son propre pouvoir dans ce domaine en n’encadrant pas suffisamment celui du pouvoir exécutif.
Il en va de même des armes neutralisées dont seules celles dont la neutralisation est sujette à caution devraient être classées en catégorie C, tandis que celles dont la neutralisation est avérée selon un procédé garantissant parfaitement leur non réactivation devraient restées en catégorie D. Or, en apportant aucune précision en ce sens, le présent projet de loi encadre insuffisamment la possibilité d’un surclassement disproportionné contraire à la préservation du patrimoine.
Et cela d’autant plus que l’article 4 bis de la Directive dispose que : « Sans préjudice de l’article 3, les États membres ne permettent l’acquisition et la détention d’armes à feu que par des personnes qui se sont vu délivrer une licence ou, en ce qui concerne les armes à feu de la catégorie C, à qui il est spécifiquement permis de les acquérir ou de les détenir conformément au droit national ».
Or, il convient de rappeler que la « Carte du Collectionneur » prévue aux articles L312-6-1 à L312-6-5 du Code de la Sécurité Intérieure [2] n’a jamais vu le jour depuis maintenant plus de 6 ans, ce qui démontre la mauvaise volonté de l’administration pour la mettre en place et les risques encourus par les collectionneurs et reconstitueurs en l’absence d’un cadre précis imposé au pouvoir exécutif par le pouvoir législatif dans ce domaine.
Un double discours
D’autant plus qu’il existe un double discours du pouvoir exécutif sur ce sujet puisque d’une part, il indique à qui veut l’entendre que, comme par exemple dans son discours prononcé en clôture du colloque « Armes et sécurité » organisé par le Sénat le 26 janvier 2006 : « Notre société ne réserve pas la possession d’armes aux seules autorités investies d’un pouvoir de contrainte, c’est-à-dire à l’État et autres personnes publiques. Au contraire, il s’agit du privilège d’un pays démocratique que de reconnaître à ses citoyens des motifs légitimes de posséder une arme, que ce soit pour la chasse, le sport ou la collection. Vous êtes ainsi plus de deux millions à posséder une arme en toute légitimité et c’est un droit qu’il n’est pas question de vous contester. L’enjeu de la règlementation consiste donc à définir un équilibre entre la sécurité de tous et la liberté de chacun », ou encore, à la fin des débats du vote de la Loi n°2012-304 du 6 mars 2012 au Sénat : « Le gouvernement n’est pas du tout fermé à une évolution (favorable) de la règlementation en la matière, mais il convient d’observer au préalable la manière dont le texte sera appliqué » [3].
Et d’autre part, dans les faits, le pouvoir exécutif fait le contraire, en prenant des textes toujours plus contraignants et liberticides pour les seuls honnêtes citoyens sains de corps et d’esprits, en manquant totalement son objectif qui devrait être de s’attaquer aux délinquants !
Pire, dans certains cas, tous ces ajouts finissent par créer artificiellement des délinquants là où il n’y en avait pas, notamment, en mettant les honnêtes gens dans des situations juridiquement inextricables.
Sur les articles litigieux
Il faut ajouter que les Articles 16-2° et 17-5° prévoient notamment que le classement des armes et matériels historiques et de collection jusqu’alors précisé à l’article L-311-4 comme étant en catégorie D, c’est-à-dire en détention libre conformément aux dispositions de l’article L-311-2, serait désormais décidé par décret en Conseil d’Etat.
Or, le classement des armes et matériels historiques et de collection en catégorie D en détention libre par la loi et non pas par le règlement est une garantie contre la publication d’un décret illégal ou disproportionné.
En effet, dans la hiérarchie des normes la loi est supérieure au décret.
De plus, selon l’article 34de la Constitution, la loi fixe les règles concernant : « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques (…) et en leurs biens (…) les successions et libéralités la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables (…) du régime de la propriété (…). »
Or, exclure du classement dans la catégorie D et de la détention libre les armes et matériels historiques de collection apparaît en contradiction des dispositions de l’article 34 de la Constitution et induira de graves conséquences en termes de propriété, d’héritage, de liberté de circulation et de sanction pénale pour les collectionneurs de ces objets qui ne seront plus protégés par la loi, notamment, en cas de poursuites à leur égard, en cas de changement soudain du classement décidé par le seul pouvoir exécutif ou en cas de décret potentiellement contraire à la préservation du patrimoine qui ne pourra plus être déclaré illégal par la Justice.
En ce sens, le passage potentiel de la catégorie D vers la catégorie C (déjà acté pour la reproduction d’armes de collection et pour les armes neutralisées, qui sont pourtant des objets inertes) conduira à de lourdes condamnations des collectionneurs et reconstitueurs par les tribunaux simplement pour avoir participé à la préservation du patrimoine. En effet, si l’acquisition et la détention des armes, éléments d’armes et munitions de la catégorie D est libre, en revanche, il n’en est rien pour les autres catégories. Ainsi, les articles L312-3 et L.312-3-1 du Code de la Sécurité Intérieure interdisent l’acquisition et la détention des armes des catégories A, B et C, tandis que l’article L 312-4 dudit code soumet l’acquisition et la détention des matériels, armes, éléments d’armes et munitions de la catégorie A à autorisation préfectorale sous conditions strictes (il prévoit même le dessaisissement de l’héritier), et l’article L312-4-1 soumet l’acquisition et la détention des armes, éléments d’armes et munitions de la catégorie C à déclaration sous certaines conditions strictes, notamment, pour les collectionneurs l’obligation d’être détenteurs de la « Carte du Collectionneur » qui n’a a jamais été mise en place depuis plus de 6 ans.
Enfin, l’article L317-4 du Code de la Sécurité Intérieure puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende l’acquisition, la cession ou la détention, sans l’autorisation d’armes, éléments d’armes et munitions des catégories A ou B, tandis que l’article L317-4-1 dudit code puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende l’acquisition, la cession ou la détention d’une ou de plusieurs armes de la catégorie C en l’absence de la déclaration et l’article L317-7 dudit code puni la détention d’un dépôt d’armes ou de munitions de la catégorie C de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise à plusieurs. Le tribunal ordonne, en outre, la confiscation des armes ou des munitions. Il ajoute même qu’en cas de récidive, des peines complémentaires d’interdiction de séjour et d’interdiction des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l’article 131-31 du Code Pénal peuvent être prononcées.
Ce projet de loiméconnaît donc d’une part, l’exigence de respect des compétences du Parlement et de séparation des pouvoirs prévus à l’article 34 de la Constitution et à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, d’autre part, l’exigence de proportionnalité de la règle de droit, et enfin celle de pouvoir utilement saisir une juridiction pour se défendre contre l’arbitraire d’une règlementation illégale ou disproportionnée prévus aux article 5, 8, 15 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Risques liés au port et transport
Par ailleurs, les articles 16 et 17 de ce projet de loi méconnaissent également la liberté individuelle et le respect de la propriété et de la liberté d’aller et venir prévus aux articles 34 et 66 de la
- Le jour ou le Préfet a interdit une commémoration avec des fusils factices ou neutralisés, les reconstitueurs sont sortis avec des manches à balais.
Constitution et aux articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
En effet, en l’absence de garantie légale, il créé sans raison un risque de surclassement en C en B ou en A en des armes et matériels historiques et de collection à la libre appréciation du pouvoir exécutif (déjà acté pour la reproduction d’armes de collection et pour les armes neutralisées, qui sont pourtant des objets inertes).
Or, compte tenu du retrait de la catégorie D des armes de chasse (anciennement D1 qui passent en C), seuls les matériels et armes historiques et de collection (D2) faisant partie intégrante du patrimoine (c’est-à-dire les véhicules, navires, aéronefs, radios …. d’origine militaire antérieurs au 1er janvier 1946, ainsi que les armes obsolètes antérieures au 1er janvier 1900) restent classés en catégorie D au paragraphes 1, 2, 5 et 6 de l’article L.311-3 du Code de la Sécurité Intérieure.
En ce sens, les paragraphes 3 et 4 portant d’une part sur « les armes rendues inaptes au tir de toutes munitions » (armes neutralisées) et d’autre part sur « les reproductions d’armes historiques et de collection » antérieures à 1900 sous réserve qu’elles ne tirent pas de munitions à étui métallique, il apparaît qu’ils pouvaient parfaitement être exclu (au besoin) de la catégorie D pour maintenir les armes et matériels historiques et de collection des autres paragraphes en détention libre comme le prévoit la Directive.
Or, le fait de sortir de la détention libre ayant une incidence sur la valeur de ces biens, sur leur libre propriété, sur la possibilité d’en hériter et de les collectionner en préservant le patrimoine ou encore de ne pas être poursuivi pénalement pour détention illégale ou tout simplement de circuler librement pour se rendre à une commémoration, le législateur ne saurait transférer au pouvoir exécutif le soin de régler un point relevant manifestement des libertés publiques dans la mesure où celui-ci reste de sa compétence exclusive et dont il a le devoir d’en garantir le plein et entier exercice.
Ainsi, l’article L.315-1 du Code de la Sécurité Intérieure interdit le port des armes et éléments d’armes des catégories A, B et C ainsi que leur transport sans motif légitime, tandis que l’article L317-8 dudit code précise que s’il s’agit d’armes ou d’éléments d’armes ou de munitions de la catégorie C, la peine encourue est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Elle est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende si le port ou le transport s’effectue par au moins deux personnes. L’article L317-10 du Code de la Sécurité Intérieure ajoute qu’en cas de récidive, les peines complémentaires de l’interdiction de séjour et l’interdiction des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l’article 131-26 du Code Pénal peuvent être prononcées.
En effet, dans la mesure où la lecture des articles L311-2 - L311-3 et L311-4 ne peut s’effectuer que combinée, il apparaît que les dispositions de l’article du projet de loimodifiant l’article L311-4 du Code de la Sécurité Intérieure conduisent à ce que les matériels et armes historiques et de collection (cités à l’article L311-3) ne seront plus classés par la loi en catégorie D et donc ne seront plus légalement en acquisition et détention libres.
Ce qui signifie qu’à tout instant l’administration pourra décider de modifier le classement ou pire sortir de la détention libre les matériels et armes historiques et de collection sans en rendre compte à personne.
Inégalité des citoyens devant la loi
Enfin, l’Article 17-1° de ce projet de loi méconnaît l’exigence de respect de l’égalité devant la loi et entre les citoyens, ainsi que devant les loisirs et la culture prévus à l’article 1er de la Constitution, l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux 11e et 13e considérants du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
En effet, il exclu les collectionneurs de la possibilité d’acquérir et détenir des matériels de guerre, armes et éléments d’armes de catégorie A bien que la Directive Européenne le permette expressément sous certaines conditions au même titre pour les activités professionnelles et sportives.
Dès lors, si pour les activités professionnelles ou sportives, des personnes sont autorisées dans le présent texte de loi à acquérir et à détenir des matériels de guerre, armes et éléments d’armes de catégorie A., en revanche, pour d’obscures raisons relevant davantage de la discrimination et de l’inégalité de traitement manifeste, les collectionneurs en sont expressément exclus. En ce sens, on peut constater que ni l’avis du Conseil d’Etat, ni l’étude d’impact, ni le rapport des rapporteurs ne donne une véritable raison susceptible de justifier la position retenue. Au contraire, il est reconnu qu’il n’existe aucune donnée ni étude sur le sujet. Il s’agit d’une position de principe pris par les services du Ministère de l’intérieur.
Par conséquent, la loi ne saurait instituer une inégalité de traitement ou une discrimination entre les citoyens basée simplement sur la nature de leur loisir ou au regard de la vie culturelle à laquelle ils s’adonnent, que si cela est strictement et évidemment nécessaire et dans la mesure où ledit loisir ou ladite vie culturelle serait manifestement nuisible à la société.
En l’état, la rédaction de ce projet de loi place ainsi le Parlement dans l’impossibilité de s’assurer que les mesures prises respecteraient les principes constitutionnels susceptibles d’être méconnus.
Pour ceux qui veulent en savoir beaucoup plus, consulter : |
[2] issus de la loi n°2012-304 du 6 mars 2012,
[3] Claude GUEANT, Ministre de l’Intérieur, Contrôle des armes, discussion en deuxième lecture et adoption d’une proposition