Sénat : proposition de loi du 8 décembre 2011

Ce que pense le gouvernement des collectionneurs

lundi 12 décembre 2011, par l’IFAL

Lors du passage au Sénat de la proposition de Loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, le gouvernement avait posé un amendement visant la suppression de la Carte de collectionneur, introduite par la Proposition de loi du Sénateur César.
Devant le tollé, chez les collectionneurs et les Sénateurs, le gouvernement a négocié le retrait de son amendement avec l’UFA. Mais il nous paraît intéressant de se pencher sur les motivations qui accompagnaient cet amendement restrictif. Elles dévoilent les intentions réelles du gouvernement vis-à-vis des détenteurs respectueux des lois d’armes mêmes antiques et obsolètes.

Pour faciliter la lecture nous avons découpé cet amendement en
4 encadrés la suite de chacun nous faisons un commentaire. nous donnons des explications.

« L’article 8 de la proposition de loi a pour objet de créer un statut du collectionneur d’armes.

Cette disposition instituerait pour la première fois un «  droit à détention d’armes » pour une nouvelle catégorie de personnes : les collectionneurs. Elle permettrait à des personnes qui ne sont actuellement pas titulaires d’un permis de chasser ou d’une licence de tir de pouvoir détenir des armes soumises à déclaration au motif de la collection, dès lors qu’elles ont l’agrément préfectoral, matérialisé par la carte du collectionneur d’armes. »

Le droit de détenir et d’utiliser des armes est un acquis de la Révolution. Il a été jugé si évident « de par sa nature » que les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ont estimé superfétatoire de l’inscrire expressément dans ce texte fondateur. Voir article.

Ils l’ont qualifié lors des débats publics de la séance de l’Assemblée nationale du mardi 18 août 1789, comme l’un des principaux garants de la liberté politique et civile ; que nulle autre institution ne peut le suppléer. Ce n’est donc aucunement de l’institution d’un « droit à détenir des armes » qu’il s’agit, celui-ci ayant déjà été affirmé par l’Assemblée nationale il y a plus de deux siècles.

En France, les armes longues, sauf celles automatiques ou de calibres militaires ont été longtemps entièrement libres à l’acquisition et à la détention, le tout sans aucune formalité.

Si l’enregistrement des armes de chasse rayées a été imposé par de la directive du 18 juin 1991, rien dans ce texte n’impose les restrictions d’acquisition introduites à partir du décret de 1998, comme aucun texte supranational conditionne la possession d’un permis de chasse ou d’une licence pour les détenir.

Aujourd’hui encore la détention des armes soumises à déclaration est libre. Seule leur acquisition, hors héritage, nécessite un permis de chasse ou une licence de tir. Cette situation est la norme dans la majorité des pays européens sans que l’ordre public en soit affecté. Et dans beaucoup de pays, une grande partie de ces armes est même considérée comme «  armes de collection » et n’est pas soumises à l’enregistrement.

Il est difficile de voir le problème que cela pose, sauf à admettre l’inutilité de cet enregistrement ou pire que les bases de données ainsi constituées ne sont pas sécurisées.

« Or, aucune structure de régulation n’encadre actuellement l’activité des collectionneurs, à la différence du tir sportif (fédération française de tir) ou de la chasse (fédération nationale des chasseurs). »

L’activité des collectionneurs s’exerce à leur domicile et par définition, elle ne consiste pas à pratiquer la chasse ou le tir sportif. Si pour chasser un permis de chasse est obligatoire, pour la pratique du tir hors compétition avec des armes non soumises à autorisations, il n’est pas nécessaire d’avoir une licence de tir. Beaucoup de clubs de tir ne l’exigent pas. La F.F.Tir ayant un monopole, une telle exigence enfreindrait la liberté d’association. D’ailleurs, ce sont les clubs qui adhèrent à la F.F.Tir, pas les licenciés.

La Fédération Nationale de la Chasse a plus une vocation cynégétique que de contrôle des armes. Quant à la F.F.Tir, elle n’est qu’une Fédération Olympique et ses règlements ne s’appliquent que dans les stands des clubs qui lui sont affiliés. Surtout, ce ne sont pas les fédérations qui encadrent les utilisateurs d’armes dans l’exercice de leurs sports, mais les clubs de tir et les sociétés de chasse. Rien de similaire ne peut exister pour les simples collectionneurs qui conservent leurs armes à domicile.

Le préfet est titulaire de pouvoirs de police administrative spéciale s’agissant des armes, est en charge du contrôle de la conformité de leur détention avec la réglementation quelque soit la situation du détenteur.

« Le statut du collectionneur risque en outre d’augmenter considérablement la détention d’armes de la catégorie C. Cela pourrait aboutir à la création de véritables arsenaux, susceptibles de constituer une source d’approvisionnement pour la délinquance. En outre, il sera difficile, en l’absence de toute procédure judiciaire, pour les forces de police ou de gendarmerie de procéder sur place, au domicile du détenteur, à des vérifications des conditions de sécurité et de stockage de la collection. « 

Il y a actuellement environ 2 millions d’armes soumises à enregistrement, dont un certain nombre n’est pas détenu par des pratiquants de la chasse ou du tir, anciens chasseurs ou tireurs dont beaucoup ont dû momentanément arrêter leur sport pour des raisons de santé ou pécuniaires, des collectionneurs d’armes ou de militaria ou même au titre de souvenirs familiaux.

Assimiler les collections d’armes dépareillées à des arsenaux est particulièrement spécieux. Actuellement seules les armes soumises à autorisation subissent des contraintes d’entreposages. Et il ne semble pas que les vols d’armes longues chez les particuliers alimentent la petite délinquance et encore moins le grand banditisme.

Les collectionneurs « platoniques » conserveront leurs armes de la catégorie C dans les mêmes conditions que les chasseurs ou les tireurs. Une collection d’armes représente une valeur marchande non négligeable et leurs heureux propriétaires prennent pour les sécuriser des mesures adéquates et plus efficaces qu’une armoire forte.

Il semblerait même que ces armes au moins obsolètes, sinon vétustes sont plus sécurisées dans le cabinet d’un collectionneur que les armes de services dans certaines gendarmeries, sans évoquer les disparitions dans les greffes des tribunaux.

Le contrôle de ces armes de sport est inutile. Le Canada qui en a été l’initiateur vient d’en décider l’abandon. Les parlementaires canadiens ont estimé que « le registre » était une gabegie inutile.

Enfin, l’aveu du gouvernement de son incapacité de défendre les biens ne manque pas de sel !

« En outre, la modification du régime du classement des armes (nouvelle rédaction de l’article L. 2331-1) permettra à l’avenir à une personne titulaire d’un permis de chasser ou d’une licence de tir en cours de validité d’acquérir des armes jusqu’à présent classées en catégorie B.
Pour des raisons de sécurité publique, il est nécessaire de supprimer cet article. »

Le classement en 1ère catégorie (catégorie B) d’armes à feu longues ayant les mêmes caractéristiques que les armes de chasse ou de tir (catégorie C) du seul fait de leur calibre militaire, souvent beaucoup moins puissant et moins létale que les munitions de chasse , une exception française qui n’a plus depuis longtemps de raisons de sécurité ou d’ordre public. C’est une routine héritée de la lutte contre les ligues factieuses à une époque où justement les armes militaires avaient des caractéristiques de répétabilité identiques aux carabines civiles. C’était la quantité de munitions pouvant être disponibles et non l’arme en elle-même qui expliquait ce classement. En effet, étaient classées en 1e catégorie, « les armes de toute espèce » tirant une munition classée en 1e catégorie !

Ces armes à feu longues à un coup ou à répétition sont détenues en grand nombre dans les foyers sans menace particulière pour l’ordre public. Aujourd’hui, les armes à feu qui alimentent la délinquance sont des armes individuelles automatiques interdites en France pour les civils avant même leur conception.

Heureusement, les Sénateurs ont rejeté cet amendement et amélioré la loi très controversée votée en catimini par les députés le 25 janvier 2011. Mais, le résultat est loin de nous convenir !

La volonté de l’administration, réduire à n’importe quel prix quoiqu’il en coute le nombre d’armes détenues par les citoyens respectueux des lois est connu depuis longtemps. Mais la mascarade qui se déroule depuis plus d’un an nous apprend aussi que l’administration veut embrigader et ficher les collectionneurs.
Comme l’a déclaré monsieur le sénateur Ladislas Poniatowski : « Je sais pertinemment que la volonté légitime du gouvernement est d’avoir un interlocuteur unique pour les collectionneurs…. » « à l’image des fédérations de chasseurs et de tireurs sportifs… »

C’est à la fois irréaliste et liberticide.

Concernant la proposition de loi du 8 décembre 2011 examinée par le Sénat, lire aussi
- Comment la loi a été votée, pourquoi certains amendements n’ont-ils pas été discutés,
- Les armes de collection, - Ce que pense le gouvernement des collectionneurs.
- Le classement en catégorie A : interdiction totale ou...?
- La loi passée au crible : tous les défauts épinglés,
- Le classement en image,
- Un concert de louanges autour de la nouvelle loi,
- L’élargissement aux utilisateurs de la Commission de classement des armes est refusé,
- Ce qui reste à obtenir du prochain passage à l’Assemblée Nationale.