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Pour une arme à feu, la seule « apparence » peut changer son classement et son port

mercredi 18 mai 2022, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Fiche technique de classement

Le Code de la sécurité intérieure classe en catégorie B2° e) les « Armes à répétition semi-automatique ayant « l’apparence » d’une arme automatique. »

Ce terme « apparence  » est repris de nombreuses fois dans différents textes, sans jamais avoir été formellement défini juridiquement. Dans le milieu des armes, il est qualifié de « délit de sale gueule ». Le dictionnaire le définit ainsi : « Aspect, conforme ou non à la réalité, sous lequel quelque chose apparaît à la vue ou à l’esprit. » Au sens figuré : « aspect extérieur, considéré comme différent de la réalité »

L’inventeur du classement par l’apparence [1] ne s’est certainement pas rendu compte à l’époque, sur quel terrain il s’est aventuré alors qu’il exprimait sa phobie des armes de guerre. Le droit positif doit être clair et précis et ce terme d’apparence est tout le contraire.

Pour être classée en catégorie B2° e) il faut donc que l’arme remplisse deux condition :
- qu’elle soit semi-automatique [1]. Donc les armes à répétition manuelle et les armes à un coup restent classées dans leur catégorie normale malgré leur apparence d’arme automatique.
- qu’elle ait l’apparence d’une arme automatique. Pour cette seconde condition, la notion est vague et difficile à interpréter.
Cependant, comme le CSI ne donne aucune précision, sont concernées aussi bien les armes rayées à percussion centrale qu’annulaire ou des fusils à canon lisse dont le seul tort est d’avoir l’apparence d’un M16 ou d’une AK47. A condition, bien entendu, que le fonctionnement soit semi-automatique.
Malgré son apparence, une arme à répétition manuelle de moins de 11 coups, sera classée en catégorie C.

En ce qui concerne la précision relative à la catégorie B 2° e) :
En pratique, le classement est appliqué quasi-exclusivement aux plates-formes AR et AK, lesquelles constituent l’essentiel du marché actuel de ce type de matériel. Il convient à ce sujet de remarquer deux choses :
- Si pour les plates-formes d’armes à répétition, il s’agit pratiquement toutes d’armes neuves produites aujourd’hui par d’innombrables fabricants du monde entier, pour les plates-formes AK et associées (VZ-58, Valmet, Galil, etc.) la plupart sont au contraire issues de transformations d’armes militaires relevant dès lors de la catégorie A1 11°, les quelques fabrications neuves actuelles relevant à bon droit de la B 2° e) dans leurs versions semi-automatiques.
- Du fait de leur succès, des quantités produites, les configurations et les profils en sont innombrables, ce que permet leur design et leur conception intrinsèques. Ces deux systèmes d’armes se trouvent ainsi parmi les plus modulaires existant à ce jour. Aussi le ministère à choisi de ne retenir pour qualifier leur apparence que leur seul dénominateur commun, à savoir la carcasse ou boîtier qui en constitue par ailleurs l’élément à la fois le plus reconnaissable et le plus important du point de vue constitutif et fonctionnel.

Pour résumer on peut dire que le e) du 2° de la catégorie B selon l’Article R.311-2 du CSI désigne donc toute arme dont ce qui en est visible évoque sans ambiguïté une arme capable de tirer en rafales, et qui regroupe les fusils d’assaut, les pistolets mitrailleurs, fusils mitrailleurs et mitrailleuses, toutes armes de catégorie A conçues pour l’usage militaire et exclusivement réservées aux services de l’État. Il est à noter que cette notion s’étend également au sens figuré du terme « apparence », dans la mesure où elle s’applique donc même si cet aspect extérieur est différent de la réalité.

A noter que dans le décret n°2013-10, la définition était : « Ayant l’apparence d’une arme automatique de guerre ; ». La modification de 2018 a apporté une condition nouvelle : ce doit être une « arme semi-automatique » et a retiré le terme « guerre ». La définition actuelle de l’article R311-2 du CSI est : « A répétition semi-automatique ayant l’apparence d’une arme automatique ; »
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Exemples d’armes touchées par « l’apparence »

- Ex M16A1 Colt export de 1975, en .223 REM, dont les éléments non numérotés ont été remontés sur un Lower civil (AM-15), pourrait être en B 4º b) mais restera en B 2° e).

- Armi Jager AP-74 de 1979, en .22lr, catégorie libre lors de son achat, classé en B 2º e).

- FAL australien L1A1 de 1968, d’origine semi-auto, en .308W, chargeur bridé à 10 coups, classé en B 2º e). Cette version du FAL n’a jamais existé en mode Full-Auto. C’est le L2A1, dit FALO, qui est en full et on ne peut pas les confondre. Le L1A1 se distingue clairement des versions full du FAL des autres pays. Pourrait être classé en B 2º a bis) avec un chargeur d’origine de 20 coups, ou en B 2º a) avec un chargeur bridé à 10 coups ; Mais vu l’aspect, il est classé en B 2º e).

Dans la pratique, quelles sont les armes touchées ?

Le ministère d’abord eu une interprétation stricte dans son classement RGA. Ainsi toutes les armes à feu semi-automatiques ressemblant à un fusil d’assaut, y compris celles à canon lisse (comme certains fusils turcs d’allure militaire) et celles modifiées en 2 coups + 1 à chargeur inamovible (qui auraient éventuellement pu classer en C 1° a)). Seules les armes à percussion annulaire (exemple AP74 Armi Jager) ont échappé un temps à ce classement. Mais finalement le ministère a choisi d’homogénéisé le classement, d’autant plus que des armuriers ont profité de cet effet d’aubaine en soumettant des armes semi-auto d’aspect militaire en .22 modifiées 2 coups + 1 + chargeur fixe par l’intermédiaire d’une simple goupille.

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La carabine Manurhin CSA-MR, transformée en 2+1 semi auto est classée en catégorie B§2) -RGA BY 690 ou à moins de 10 coups en répétition manuelle en catégorie C1°b) - RGA BT924.

Semi-automatique ou répétition ?
Seules les armes à répétition semi-automatique sont touchées. Ainsi la même arme peut être classé en catégorie B §2) ou C 1°b) selon son mode de fonctionnement.

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Exception des factices

L’Art R311-1 Code de la Sécurité Intérieure définit ainsi l’arme factice : 4° du §II « Arme factice : objet ayant l’apparence d’une arme à feu susceptible d’expulser un projectile non métallique avec une énergie à la bouche inférieure à 2 joules ».
Et, pour être certain de bien faire comprendre la définition, au § IV du même article il est dit « Ne sont pas des armes au sens du présent titre les objets tirant un projectile ou projetant des gaz lorsqu’ils développent à la bouche une énergie inférieure à 2 joules ».

A noter que les armes factices ne sont pas classées dans les catégories d’armes et restent considérées comme des jouets.


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Voir :
- Article R311-2 du CSI ; qui classe l’arme en B2° e) ;
- Décret n°99-240 du 24 mars 1999 qui règlemente à la vente aux mineurs la vente d’objets ayant l’apparence d’une arme à feu ;
- Le port « d’objet » ayant l’apparence d’une arme à feu peut être interdit par les collectives locales ;
- Jusqu’à 2013, le Famas à plomb était victime de son apparence ;
- L’USM1 en calibre transformé (30 court ou 30-222) est classé en B2°e) en raison de son apparence avec l’USM2 qui est en tir automatique ;
- Information sur le Service Public ;
- L’article 132-75, alinéa 3 du Code Pénal réprime à l’identique l’usage d’une arme réelle et l’usage d’une arme factice ;

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L’apparence et la directive :
La révision de la directive européenne qui a été proposée au vote des parlementaires en 2016 prévoyait que toutes les armes semi-auto ayant « l’apparence » d’une arme full-auto soient classées en catégorie A  ! Cela aurait notamment surclassé dans cette catégorie de nombreuses armes de type AR ou AK, même semi-auto d’origine, les rendant ainsi inaccessibles aux tireurs sportifs !
Mais des parlementaires européens ont fait très justement remarquer que ce terme « d’apparence » est imprécis et sujet à interprétation. De plus la simple apparence ne les rend pas plus dangereuses que d’autres armes aux caractéristiques techniques similaires qui sont pourtant classées en catégorie B. Cela a donc été abandonné… Même l’assemblée nationale française dans son rapport d’information n°3691 indiquait à l’époque à propos de l’apparence que « Cette disposition n’est pas compréhensible et elle est impossible à appliquer dans sa forme actuelle, étant donné qu’elle ne fait pas de distinction entre l’apparence physique et les caractéristiques techniques. Plutôt que de s’appuyer sur l’apparence de l’arme, ce sont les critères techniques qui devraient être pris en compte (…) ».
Mais finalement malgré ces remarques plus que pertinentes des parlementaires, et le rejet de la disposition surclassant en catégorie A un grand nombre d’armes légalement acquises à cause de leur simple apparence, la définition historique de la directive de 1991 n’a pas été modifiée, et sont ainsi toujours classées en B « Les armes à feu civiles semi-automatiques qui ont l’apparence d’une arme automatique » …. La définition du mot « l’apparence » ne figure toujours pas dans celle données par la directive.
Michaël Magi

Rel. L- 04/01/22

 

[1Introduit dans le décret du 6 mai 1995 ou il y avait non seulement les armes semi-automatique mais aussi les armes à répétition. (Paragraphe 9 : Armes semi-automatiques ou à répétition ayant l’apparence d’une arme automatique de guerre quel qu’en soit le calibre.)

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