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article paru dans la Gazette des armes n° 540 avril 2021

Collection : ajustement de la définition

par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Si les collectionneurs ont toujours été pugnaces pour défendre leurs droits, ils avaient l’impression que depuis 2013, ils étaient laissés pour compte. De nombreux problèmes non résolus ont tardé à être traités : une absence de définition du terme modèle ; une application à minima de la carte de collectionneur ; etc…

Il semble aujourd’hui apparaître une embellie : au cours d’une rencontre avec le nouveau directeur du SCAE, nous avons le sentiment d’avoir été écoutés et avons désormais l’espoir que nos demandes légitimes seront étudiées sans parti pris ni dogmatisme. Nous en avions perdu l’habitude.

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Le RGA, comporte à ce jour 45 000 fiches destinées à classer les armes.

Que faut-il comprendre par « Modèle 1900 » ?

En 2013, la loi a fixé la date de 1900 comme charnière entre les armes de collection et les armes soumises à formalités administratives. C’est le critère de modèle qui a été choisi sous l’avis du Conseil d’État, car la date de fabrication était souvent trop difficile à déterminer avec certitude. Mais jamais le terme de « modèle » n’a été défini juridiquement sans équivoque. Alors chacun l’interprète différemment. Nous n’avons jamais cessé de demander à l’administration de clarifier cette notion. Nous avons proposé aux services concernés du ministère de l’Intérieur de nombreuses définitions sans jamais avoir eu la moindre réponse. Seule la DGA répondait ponctuellement aux demandes de classement des intéressés fixant ainsi son interprétation du terme modèle ; ce qui a constitué une base de jurisprudence.
Tout s’est écroulé lorsqu’au cours d’une réunion au Ministère, nous avons appris que l’administration entendait remplacer la date du modèle par l’année de fabrication. Pour le gouvernement, il s’agissait de se caler sur le protocole de l’ONU qui définit « fabrication  » et non « modèle ». Ratifié par la Commission, il devrait être pris en compte. Objection réfutée par l’UFA puisque la directive elle-même exclue les armes anciennes de son champ d’application.
Cette modification aurait changé totalement la physionomie du régime des armes de collection. Sans compter que, sans boule de cristal, dans de multiples cas la date réelle de fabrication aurait été impossible à déterminer.
Le comble a été atteint lorsque nous avons découvert que le RGA, qui recense les armes pour les classer dans les catégories A, B ou C, classait indûment des armes que nous considérions en catégorie D§e (armes de collection). Ainsi l’administration prenait pour acquis le fait que l’année de fabrication allait être introduite dans la loi comme base de définition, alors que députés et sénateurs n’avaient rien voté. Ces référencements intempestifs du RGA ont jeté le trouble parmi les détenteurs d’armes, d’autant plus qu’armuriers et courtiers, bien forcés d’appliquer les directives du RGA, classaient et déclaraient des armes en catégorie C, alors qu’il s’agissait manifestement d’armes de collection. La confusion est au maximum, lorsque certains sites de vente en ligne classent des armes ayant strictement les mêmes caractéristiques indifféremment en C ou en D, sans raison apparente.

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Le SCA est nouvellement installé dans un superbe immeuble de bureau qui occupe l’ancienne usine Simca à Nanterre. Facile d’accès à partir de la Défense.

Finalement, en juillet 2020, nous avons publié un article dans la Gazette pour vous expliquer que l’État s’arrogeait le monopole de l’expertise en matière d’arme et qu’il décidait arbitrairement du classement d’armes, en contradiction complète avec les textes. Dans le même temps, nous avons protesté auprès du Ministère, etfélicité le nouveau ministre de l’Intérieur qui venait d’être nommé en parlant simplement de « maltraitance des collectionneurs ».
Heureusement les choses ont changé ! Depuis ce moment, nous avons eu de nombreux échanges avec l’administration dans un esprit commun d’arriver à une solution qui associe sécurité publique et intérêts légitimes des collectionneurs.

Une clarification de la définition

Le but commun est d’arriver à une définition « à base légale, constante, de façon claire et intelligible ». Il s’agit de lever toute ambiguïté dans les notions de classement.
Dans les grandes lignes : nous sommes en train d’aboutir à cette définition. Tant qu’elle n’est pas définitive, il nous est difficile de la révéler ici. Mais nous sommes d’accord sur le principe de rester au modèle antérieur à 1900 avec une date butoir de fabrication qui pourrait être différente pour les armes de poing et pour les armes d’épaule. Ce principe aurait l’avantage de différencier les répliques des armes d’origine. Mais aussi, lorsqu’il y a eu une poursuite de la fabrication du même modèle par le même fabricant, de ne classer comme pièces de collection (pouvant donc être acquises sans formalité), que les fabrications les plus anciennes et de classer dans les catégories supérieures (soumises à déclaration ou à autorisation) les fabrications récentes.
Mais tout cela va maintenant se régler finement par concertation entre le SCAE et l’UFA, afin d’éliminer toutes les sources d’hésitation et d’ambiguïté sur le classement des armes, dans le double souci de respecter les droits légitimes des collectionneurs, tout en ne prenant pas le risque de porter atteinte à la sécurité publique.
Le critère principal sur lequel ces ajustements se feront sera celui de la facilité d’accès (armes accessibles à bas prix ou disponibles en grande quantités sur le marché) assorti pour les munitions de leur disponibilité ou conception récente.

Nouvelle époque

Ces modifications ne vont pas provoquer un bouleversement dans le domaine des armes de collection, mais il y aura forcément des gagnants et des perdants. Pour ces derniers, nous négocieront des facilités transitoires, mais nous n’en sommes pas encore là.
Il faut bien comprendre qu’il y a aujourd’hui des paramètres qui n’existaient pas par le passé :
-  Le terrorisme avec des individus qui n’ont rien à perdre et sont capables de s’en prendre à n’importe qui pour semer la terreur.
-  Les voyous qui eux aussi peuvent prendre ce qui leur tombe sous la main pour s’affronter entre bandes rivales.
-  Les gens inquiets, qui pourraient être tentés de se munir illégalement d’une arme pour assurer leur « protection » alors qu’ils sont incapables d’en maîtriser l’usage.

Il y a aussi les gens cités comme « survivalistes » qui constituent une source d’inquiétude pour les autorités.
Imaginez que des armes de collection servent à autre chose qu’être admirées, alors le monde de la collection devra dire adieu à ses trésors patiemment accumulés. Donc, s’il faut faire quelques sacrifices, ce sera un mal pour beaucoup de bien.
Bien entendu, nous en reparlerons.

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Le 17 mars 2021, Laurent Varney et Jean-Jacques Buigné pour l’UFA ont été reçus par le SCA maintenant dirigé par le sous-préfet hors classe Jean-Simon Mérandat. Il y avait bien entendu le Pôle expertise du Ministère dirigé par Bertrand Boittiaux, assisté de Johan Brillant et de Philippe Couvreur. Ainsi que Thierry Ourgaud adjoint du chef de Service et le juriste Karim Brahiti.

Groupe de travail sur le classement des armes

Le SCAE met en place un groupe associant des experts de la société civile et ceux des administrations. Au rythme prévisionnel d’une réunion tous les deux mois, cette enceinte collaborative aura pour objectif de contribuer à la définition « d’une doctrine de classement des armes historiques cohérente » et d’aider au classement des armes les plus complexes.
Ce groupe sera composé des experts de la compagnie des experts judiciaires, des organisations d’armuriers, du Banc National d’Épreuve de St Etienne, de la Direction Générale de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale, de ceux du Pôle expertise du SCA et bien entendu des experts de l’UFA.
Comme on peut le voir, ce groupe est composé à la fois d’utilisateurs, de professionnels du commerce des armes, et d’experts privés et administratifs. Mais sans faire de procès d’intention, on peut s’attendre à des divergences profondes sur la « dangerosité » des armes.
Il faut saluer cette initiative d’ouverture qui mettra en contact les experts civils et ceux de la DGPN/DGGN qui sont souvent séparés par des positions dogmatiques qui n’ont rien à voir avec les réalités techniques des armes anciennes.
On pourrait rapprocher ce groupe avec l’ancienne «  commission de classement des armes » qui se prononçait en cas d’incertitude sur les catégories avant la réforme de 2013. Mais elle était essentiellement composée de fonctionnaires qui n’avaient pas nécessairement la vision juste des armes sur lesquelles ils devaient se prononcer, ni le souci de préserver les droits des particuliers. Le groupe formé en 2021 reste une instance informelle d’aide technique qui doit « éclairer » le SCAE pour les décisions de classement.
Il y a également eu le célèbre groupe de travail du Ministère de de l’intérieur qui au 1er semestre 2010 s’est réuni à 5 reprises pour travailler sur une réforme de la règlementation des armes. C’est justement parce que les collectionneurs se sont singularisés dans ce groupe que le préfet Molle avait demandé au Ministre de nommer une commission parlementaire pour écouter les collectionneurs qui déjà, ne rentraient pas dans le moule. Cela a été la mission du sénateur Gérard César.

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Quel que soit son état, l’arme garde sa catégorie d’origine ou il faut la neutraliser. Impensable pour cette « pièce de fouille ».

Et les autres sujets.

Au cours de la réunion avec le SCAE, nous avons présenté un certain nombre de sujets de réflexion en remettant des dossiers. Impossible je préjuger des résultats, mais les échanges se sont déroulés dans un climat d’écoute et de bienveillance :
-  Carte de collectionneur : accès à la catégorie A et B que nous proposons de limiter aux modèles antérieurs à 1946 ; possibilité de déclarer des armes de catégorie C déjà détenues.
-  Passage de 2 à 5 kg de poudre noire pour les reconstitueurs et les amateurs d’artillerie ancienne. Il faudra peut-être trouver un statut particulier.
-  Définition de l’épave d’arme en vue de son non-classement dans la catégorie des armes.
-  Déclassement des douilles d’artillerie dépourvues de projectiles, d’amorces vives et de matière explosive.
-  Amélioration du fonctionnement de l’accessibilité des musées aux armes, notamment pour recevoir des dons anonymes. Assouplir leurs transactions qui doivent actuellement s’effectuer par le biais d’un armurier ou d’un courtier ; ce qui est difficile à mettre en œuvre quand il s’agit d’un char d’assaut.
-  Autorisation de l’abandon d’armes de façon anonyme au profit d’un armurier.
-  Abandon de l’idée d’un agrément préfectoral pour les commerçants en arme ancienne.
-  Et bien sûr, augmentation de la liste des armes déclassées en catégorie D§g), ce qui n’a pas été fait depuis 34 ans.


En conclusion, on peut dire que le monde des armes est au seuil d’une nouvelle ère, dans une relation gagnant-gagnant.
Nous n’aborderons le contenu de nos proposition et le résultat du groupe de travail qu’après que celui ci aura avancé dans ses discussions et que nous approcherons de la solution qui sera adoptée.

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Soutien des parlementaires


Ces 10 dernières années, les collectionneurs ont toujours pu compter sur l’intérêt des parlementaires qui ont toujours soutenu et défendu les demandes des collectionneurs.

- Déjà en 2012, ils avaient accompli 3 révolutions des idées :
- hausser le curseur de la date avant laquelle les armes à feu sont de collection en choisissant 1900, cela alors que personne n’y croyait.
- reclasser toutes les armes militaires à verrou en catégorie C alors que jusqu’alors il fallait soit les neutraliser, soit en modifier le calibre.
- instituer la carte de collectionneur qui permet l’acquisition d’armes de catégorie C

- Avant cette loi, il y avait eu de multiples propositions de loi émanant notamment du député Franck Marlin, du sénateur Gérard César, Ladislas Poniatowski,

- Le point culminant de ce soutien a été lors de ce débat mémorable du 31 janvier 2018 à l’Assemblée Nationale, lorsque les mots collection, collectionneur ou reconstituteur ont été prononcés 175 fois. C’est 69 députés différents qui ont cosigné 45 amendements favorables. Il s’agissait de conserver la date de 1900 dans le marbre de la loi alors que le gouvernement voulait la fixer par décret. C’est à cette occasion que la carte de collectionneur a été promise dans les 6 mois.

- Et le député de l’Ain Xavier Breton vient de déposer une proposition de loi en faveur des collectionneurs.

Rel. L- 26/05/21

 

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