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Belgique : différents ports d’arme dans la loi de 2006.

jeudi 17 septembre 2020, par Maître Yves Demanet

Même si la notion de « port d’arme » s’applique à toutes les armes, il est important de relever la définition nouvelle des armes à feu telle qu’introduite par l’article 152 de la loi du 5 mai 2019 introduisant un nouvel article 11° /1 dans la loi du 8 juin 2006 qui définit ainsi cette famille d’armes :« arme à feu : toute arme à canon qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action d’un propulseur combustible, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être transformée à cette fin ».

Un objet est considéré comme pouvant être transformé pour propulser des plombs, une balle ou un projectile par l’action d’un propulseur combustible si :
- a) il revêt l’aspect d’une arme à feu, et
- b) du fait de ses caractéristiques de construction ou du matériau dans lequel il est fabriqué, il peut être ainsi transformé [1]

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Le moniteur Belge du 9 juin 2006 publiant la loi sur les armes.

La qualification juridique et sa conséquence.

Trois articles conditionnent le port d’arme dans la loi fédérale ; les dispositions varient en fonction du statut légal de l’arme. Cette qualification relève de la Loi. On distingue les armes prohibées, les armes dites « libres » (avec les exceptions de l’article 19 de la Loi) et les armes soumises à autorisation de détention qualifiées d’ « interdites » (sous-entendu interdites sauf au titulaire d’autorisation de détention !). On notera que la nouvelle législation de 2006 a supprimé le concept d’armes de chasse, de défense et de guerre, de poing et d’épaule. Celui-ci se retrouve cependant toujours dans les décrets régionaux relatifs à la chasse en ce que certains types d’armes et certains calibres sont autorisés dans la pratique de la chasse et d’autre pas. Il y a entre les Régions des discordances, notamment en matière de calibres autorisés qui posent problèmes tant pour les règles de détention que de transport. Cette problématique particulière est impossible à développer ici.

L’article 8 alinéa 1er relatif aux armes prohibées, en « prohibe » la détention (contrairement à l’ancienne loi de 1933), le transport ainsi que le port. Il ne peut donc être question de « porter » une arme prohibée. Le tir, l’usage, en est tout aussi évidemment prohibé. Tel serait le cas de l’usage d’une mitrailleuse ou de cartouches prohibées (incendiaires, perforantes, …) même utilisées dans une arme non-prohibée. Tel sera encore le cas d’une arme modifiée sans respect des formalités légales (Banc d’Epreuve notamment) ou sur laquelle un accessoire aura été monté la rendant prohibée (Silencieux, lunette de tir de nuit, …).
Il convient d’ajouter à la nomenclature des armes prohibées, l’appréciation du Juge qui peut se fonder sur l’article 3, §1, 17° nouveau [2] : « les objets et les substances qui ne sont pas conçus comme arme, mais sont remplacés par les mots « les objets et les substances qui ne sont pas conçus comme armes, mais qui ont été transformés, modifiés ou mélangés pour être utilisés comme armes et… ». Le port de ces objets ainsi qualifié est expressément prohibé.

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Sont prohibés : « les couteaux à cran d’arrêt et à lame jaillissante, couteaux papillon, coups-de-poing américains et armes blanches qui ont l’apparence d’un autre objet ; les cannes à épée et cannes-fusils qui ne sont pas des armes décoratives historiques ; les massues et matraques ; »
Il faut ajouter les spray de défense.

Les armes dites « libres » sont par exemple les couteaux (sauf les prohibés –article 3, §1, 5° de la loi) mais aussi les carabines à air comprimé, les arcs, certaines copies d’armes anciennes, certaines armes anciennes, les armes neutralisées (attention : l’art 5 de la loi du 23 avril 2020 introduit l’article 25/2 dans l’arrêté royal du 20 septembre 1991 qui oblige à déclarer les armes neutralisées avant le 14 mars 2021…cette déclaration obligatoire les rend « semi-libres »  ; voir le règlement d’exécution EU 2015/2403 du 15 décembre 2015 établissant des lignes directrices communes concernant les normes et techniques de neutralisation en vue de garantir que les armes à feu neutralisées sont rendues irréversiblement inopérantes), les armes factices (article 2, 9° de la loi) ainsi que les armes de spectacles (nouvel article 26 introduit par la loi du 5 mai 2019 « 26° /1 "armes de spectacle" : "les armes à feu spécifiquement construites ou transformées pour servir uniquement au tir de munitions à blanc, à l’occasion par exemple de représentations théâtrales, de séances de photos, de tournages de films, d’enregistrements télévisuels, de reconstitutions historiques, de parades, d’événements sportifs ou de séances d’entraînement » . Il s’agit principalement d’armes qualifiées comme telle par la loi, à tort appelées « armes en vente libre » (voir les restrictions de l’article 19 de la loi).
La loi dispose :« Art. 9. : Le port d’une arme en vente libre n’est permis qu’à celui qui peut justifier d’un motif légitime ». Pour illustrer ce motif légitime, on pensera à une pièce de théâtre où Cyrano porte fièrement son épée… le même Cyrano sera vu tout autrement s’il rentre dans un night chop avec une cagoule et son espadon. Cette notion et la liberté d’appréciation du Juge heureusement reprise se retrouvent dans la circulaire du 27 février 2011 [3] qui précise : Le port et l’utilisation d’armes en vente libre sont soumis à un motif légitime. A l’inverse de ce qui s’applique pour les armes soumises à autorisation, celui-ci n’est pas défini dans la loi. Il appartient en dernier ressort au juge d’apprécier la validité du motif invoqué par le porteur. Il va de soi cependant que l’admissibilité de ce motif sera fortement liée à l’adéquation de l’arme vis-à-vis de l’activité pratiquée par le porteur ainsi qu’à la manière responsable ou non dont cette activité est pratiquée. Les participants à des reconstitutions historiques (re-enactments) doivent bien prendre conscience du fait que les armes qu’ils utilisent à cette occasion peuvent tomber sous l’application de dispositions divergentes. Leurs armes peuvent être en vente libre (par exemple des armes neutralisées, des armes authentiques à poudre noire), elles peuvent être en vente libre sous certaines conditions (par exemple des armes appartenant à une association) et elles peuvent être soumises à autorisation (par exemple des armes modernes et leurs répliques prêtes à tirer). Le fait de ne tirer qu’avec des cartouches à blanc ne change rien au statut de l’arme. »

On sera attentif à l’article 153, § 4 de la loi du 5 mai 2019 qui modifie l’article 3 de la loi du 8 juin 2006 et surclasse certaines armes modifiée : « Les armes à feu qui ont été transformées pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou qui ont été transformées en armes de spectacle, et les armes à feu non transformées dans ce but servant uniquement à tirer les cartouches ou les substances précitées, demeurent dans la catégorie dans laquelle elles ont été réparties sur la base des paragraphes 1er et 3. »

Un mot sur les couteaux : ceux-ci peuvent être des outils qui échappent à la loi de 2006 « En ce sens, un couteau de cuisine ordinaire n’est pas non plus une –arme- [4] ou des armes dites libres ou des armes prohibées, jamais des armes « interdites ». La loi prohibe en effet certains couteaux dont les couteaux à lancer (ni les haches, ni les lances), les couteaux papillon (la raison est un mystère absolu), les couteaux à cran d’arrêt ET à lame jaillissante (couteau « automatique » jaillissant et bloquant) ainsi que les couteaux ayant l’apparence d’un autre objet (exemple : lame dissimulée dans une boucle de ceinture).Les baïonnettes sont des « couteaux » libres puisque non énumérées à l’article 3, §1,3° de la Loi. La canne épée, objet dissimulée, est prohibée sauf si elle est historique et décorative [5] et en ce cas, elle est « libre », le Juge est ainsi institué en arbitre des arts et de l’élégance.

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Le permis de port d’arme est une autorisation spécifique.

Reste la catégorie reine qui va nous occuper : les armes à feu interdites. Par armes « interdites » , on entend les armes soumises à autorisation [6].

Les deux natures d’autorisation

Le port d’arme par autorisation spécifique.
C’est l’hypothèse de la menace et du moyen de tenter d’y répondre. Il convient de ne pas confondre les régimes d’autorisation de détention et le permis de port d’arme. Le texte de la loi relatif au port d’arme est le suivant :
« Art. 14. Nul ne peut porter une arme à feu soumise à autorisation si ce n’est pour un motif légitime et moyennant la possession de l’autorisation de détention de l’arme concernée ainsi que d’un permis de port d’arme, délivré par le gouverneur compétent pour la résidence du requérant, après avis du procureur du Roi de l’arrondissement de la résidence du requérant. Le requérant doit présenter une attestation d’un médecin reconnu à cet effet par le ministre de la Justice et qui atteste que l’intéressé ne présente pas de contre-indications physiques ou mentales pour le port d’une arme à feu.
Si le requérant n’a pas de résidence en Belgique, le permis de port d’arme est délivré par le ministre de la Justice, conformément à la procédure prévue par la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations de sécurité.
Le permis de port d’arme est délivré pour une durée maximale de trois ans, mentionne les conditions auxquelles est subordonné le port d’arme et doit être porté en même temps que l’arme.
L’autorité qui a délivré un permis de port d’arme peut le limiter, le suspendre ou le retirer par une décision motivée selon une procédure définie par le Roi, s’il apparaît que le port de l’arme peut porter atteinte à l’ordre public, que les conditions auxquelles est subordonné le port de l’arme ne sont pas respectées ou que les motifs légitimes invoqués pour obtenir le permis n’existent plus. »

Il est donc important de constater que la question du port légal d’une arme ne se conçoit que pour une arme légalement détenue.
C’est l’hypothèse du transporteur de bijoux ou d’un magistrat menacé.

L’autorisation « automatique » de port d’arme liée à l’exercice d’activité licite.
C’est l’hypothèse de la pratique légale d’une activité légale. Le motif légitime justifiant le port d’arme, est strictement limité aux objectifs ou à l’activité autorisée comme l’affirme la cour constitutionnelle [7] :
« B.30.3. Eu égard à l’objectif de la loi, qui est d’éviter les utilisations impropres, par leurs détenteurs, des armes à feu soumises à autorisation, le port d’une arme soumise à autorisation ne peut être justifié par un motif légitime que lorsqu’il est nécessaire, compte tenu des circonstances de l’espèce, à la poursuite raisonnable de l’activité ou des objectifs pour lesquels le permis de port d’arme a été délivré ou pour lesquels les personnes visées à l’article 15 de la loi sont dispensées de l’obligation d’obtenir un tel permis. »

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Les « marches folkloriques » constituent un motif légitime de port d’armes.

La stricte interdiction de port d’arme ne connait que les exceptions prévues par la même loi.
Il est évident qu’utiliser une arme pour chasser, tirer, défiler lors d’une marche folklorique ou participer à des reconstitutions historiques suppose que l’arme soit portée. Cette arme peut être « libre » au sens de la loi du 8 juin 2006. Elle peut aussi être « interdite » au sens de la même loi. L’activité suppose que l’arme soit pourtant portée et même utilisée. Dans les conditions légales de l’exercice légale de l’activité légal, l’autorisation de port sera considérée comme « automatique ». Ceci suppose que les conditions de l’exercice de l’activité (accréditation, type d’arme et type de munitions, conditions de tir, …) soient strictement respectées. Ainsi, la loi rappelle l’obligation contingente du cadre : « Art. 15. Les personnes visées à l’article 12 peuvent porter les armes à feu qui y sont visées sans être en possession d’un permis de port d’arme, à condition qu’elles aient un motif légitime à cet effet et que le port se fasse exclusivement dans le cadre de la pratique des activités qui y sont visées. »

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Le permis de chasser permet de détenir des armes longues et de les porter.

Il est rappelé que la loi dispose en l’article 12 :
« Art. 12.L’article 11 ne s’applique pas :
1° aux titulaires d’un permis de chasse qui peuvent détenir des armes à feu longues conçues pour la chasse, ainsi que les munitions y afférentes, à condition que leurs antécédents pénaux, leur connaissance de la législation sur les armes et leur aptitude de manipuler une arme à feu en sécurité aient été vérifiés au préalable ;
2° aux titulaires d’une licence de tireur sportif pouvant détenir des armes à feu conçues pour le tir sportif et dont la liste est arrêtée par le ministre de la Justice, ainsi que les munitions y afférentes, à condition que leurs antécédents pénaux, leur connaissance de la législation sur les armes et leur aptitude de manipuler une arme à feu en sécurité aient été vérifiés au préalable ;
3° aux titulaires d’une carte européenne d’armes à feu valable délivrée dans un autre État-membre de l’Union européenne, pouvant détenir temporairement en Belgique les armes et les munitions qui y sont mentionnées ;
4° aux gardes particuliers qui peuvent posséder des armes à feu longues telles que celles visées aux articles 62 et 64 du Code rural ainsi que les munitions y afférentes dans le cadre de l’exercice des activités qui leur ont été attribuées par les autorités régionales compétentes et qui exigent selon ces autorités l’utilisation d’une arme sans préjudice des exigences visées dans le Code rural et ses arrêtés d’exécution.
Les personnes visées à l’alinéa 1er, 1°, 2° et 3° peuvent également tirer avec des armes détenues légitimement par des tiers.
Le Roi détermine les modalités de l’enregistrement de la cession et de la détention des armes à feu et des munitions visées par le présent article. »

Un exemple pour illustrer le champ stricte d’application : un chasseur dument accrédité et titulaire du permis de chasse portant une arme légalement détenue pourra pas justifier du port de celle-ci à l’occasion de menaces avec arme sur son voisin. Le port sera évidemment illégal.

 

[1Loi du 05 Mai 2019 « portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code pénal social ». – (Moniteur 24 Mai 2019)

[2(modifié par l’article 3 de la loi du 7 janvier 2018) de la loi du 8 juin 2006

[3Mise à jour le 25 octobre 2011, page 32, point 3.3.6), Moniteur le 24 Mai 2013)

[4Circulaire du 27 février 2011, page 32

[5art 3, §1,6°.

[6Articles 5, 11 et 12 de la loi du 8 juin 2006.

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