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Retour vers le futur : Pietta Snubnose face au Hammond Bulldog !

vendredi 23 août 2019, par Marc "Closdelif" Barret

L’autre jour en garant ma Delorean, je remarquais sur le siège de la passagère un Derringer extraordinaire, sans doute tombé du sac d’une fatale beauté de l’Ouest !
Machinalement, je ramassais l’objet qui me parut immédiatement d’un poids respectable. Ma nuit fut peuplée de rêves étranges, et, au petit matin, je tenais une idée de duel improbable :

Les armes présentées

J’ai à la maison un Colt 1851 revu et corrigé par Pietta qui en fit une sorte d’énorme Back Up avec sa poignée compacte en bec de corbin et son surprenant canon de 3 pouces. J’utilise fréquemment ce gros jouet pour tirer à la maison avec les sympathiques kits H&C ; pourquoi ne pas le confronter à ce Derringer Hammond Bulldog, témoin d‘une autre époque mais à la vocation autrement moins ludique ? Le calibre de ces deux armes est le même, c’est bel est bien le puissant 44, mais si l’un est un « Cap& Ball », l’autre est à cartouche métallique à percussion annulaire, le fameux 44 Henry des premières Winchester.

Mais, découvrons tout de suite ce Hammond Bulldog tombé du ciel ; ce qui saute aux yeux immédiatement c’est sa très grande taille : 20 cm de long, c’est énorme pour un Derringer ! Le deuxième point marquant en est la ligne bien particulière, toute en rondeurs avec un côté « galet » assez marqué. Ensuite, dès la prise en main, c’est le poids qui frappe : Rien moins que 700 grammes, ce qui est respectable ; et il n’y a pas que le poids qui l’est, le calibre aussi : 44 (11,17 mm) avec une longue chambre permettant d’accueillir la 44 Henry. L’arme n’est qu’à un seul coup…je serais presque tenté de dire deux, tellement l’aspect contondant de l’objet est frappant, si j’ose dire…

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Le Hammond Bulldog en main

Lors des premières manipulations, le système de l’arme se révèle lui aussi exceptionnel : Pour l’ouvrir, il suffit d’appuyer sur la hausse et ensuite de tourner la culasse vers la gauche, elle va alors simultanément reculer suffisamment pour laisser opérer l’extracteur. L’axe de rotation de cette culasse est par ailleurs énorme et constitue le support du canon qui commence en forme de console pour se terminer avec un profil polygonal à la bouche, surmontée d’un fin guidon en laiton. La rigidité de l’ensemble est sans faille et la finesse des organes de visée peut laisser espérer une certaine précision ; nous verrons bientôt ce qu’il en est. L’armement s’effectue le plus simplement du monde en armant le chien jusqu’au second cran avec le pouce et le départ est assuré par une détente encastrée dite « mexicaine » à la course très réduite et dont le poids est très raisonnable.

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Le Hammond culasse ouverte

La qualité de l’ensemble et du bronzage (pour le canon, la carcasse et la culasse sont jaspées par le procédé du « case hardening »), est vraiment exceptionnelle, ainsi que celle des marquages rencontrés sur l’arme. Enfin, le canon porte de larges rayures au pas très lent qui ont eu le bon goût de nous parvenir intactes. Le numéro de série est fortement mais discrètement apposé sur le bas de la carcasse, sous la plaquette gauche (en « gutta percha ») qui porte elle-même ce numéro.

Un peu d’histoire

Cette petite présentation de l’objet permet déjà au lecteur de se faire une idée de l’arme, mais, quid de son histoire ? Voici donc ce que j’ai pu en apprendre à travers le Net et la littérature, en essayant comme à mon habitude de trier le bon grain de l’ivraie : Les frères Hammond (Henry et Lewis) déposèrent un premier brevet en pleine guerre de sécession (1863) pour une carabine à culasse rotative chambrant une cartouche de 44 Rimfire…mais la fin du conflit fit tomber le projet à l’eau. Dès 1865 et après avoir créé la « Connecticut Arms & Manufacturing Co » à Naubuc (près de Hartford), ils purent enfin commercialiser leur Bulldog «  » établi sur ce brevet USPTO N° 44798 ; le marquage de l’arme en indique la date : 25 octobre 1864.

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Copie du brevet des frères Hammond (USPTO)

Ce modèle unique fut décliné en plusieurs finitions, dont une nickelée, et plusieurs calibres, semble t’il (41 à 50 RF). Cependant, jusqu’à ce jour, je n’ai rencontré que des armes en 44 RF et canon bronzé avec une carcasse jaspée, comme l’exemplaire qui illustre cet article. La production atteignit 7400 exemplaires selon les sources consultées et semble avoir pris fin vers 1868 ou 1880 suite à des difficultés financières. Enfin, pour la petite histoire, la légende américaine voudrait que cette arme ait été portée par Wild Bill Hickok et surtout par Mary Katherine Horony, maîtresse de Doc Holliday…voilà qui donne à rêver !

Passons maintenant à l’autre protagoniste de ce duel pour rire : tout le monde connaît de longue date la production western de Pietta, dont un des chevaux de bataille est le Colt 1851 dont je ne me lancerai même pas à esquisser l’histoire tant elle est connue. La firme Italienne commença cette épopée vers 1964 à travers une fabrication traditionnelle avec des machines capables souvent du meilleur, parfois du moins bon. Seulement voilà, depuis quelques années, les frères Pietta sont passés à l’ère du numérique et leur production, tout en demeurant à prix modique, a rejoint la qualité des meilleurs de la concurrence, voire mieux parfois !

Pour ma part, j’ai toujours aimé ces répliques, rapidement revendues pour cause de non emploi : les aléas de la poudre noire et de la capsule, ainsi que le nettoyage qui s’ensuit, m’ont toujours découragé…Jusqu’au jour où j’ai eu la chance de découvrir les remarquables kits pour munitions non létales de la sympathique firme H&C bien connue des collectionneurs. J’ai donc acheté un premier kit…puis deux, puis trois, et maintenant je dois en avoir six en tout ! Du coup, j’ai racheté des revolvers et redécouvert le plaisir du tir ludique au revolver et à la maison ! Comme tous, j’ai quelques revolvers qui sont des copies exactes des anciens Colts, mais je leur reproche un peu leur dimension importante ; aussi, quand Pietta a commercialisé son 1851 Snubnose en calibre 44, j’ai vite craqué malgré son caractère non strictement historique ! Sa magnifique poignée en « bec de corbin » finement quadrillée, est en effet d’un attrait majeur ; elle est similaire à celle du non moins réputé Colt Lightning !

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Le Pietta en main, remarquer les cheminées H&C amorcées

Pensez donc, j’ai enfin un revolver compact, avec une crosse au maniement tout en douceur, et grâce aux kits H&C faciles à utiliser et vite rechargés, d’autant que je dispose de plusieurs barillets, je peux tirer relativement rapidement 24 coups, sans crainte de long feu ou d’enrayage !

Passage au banc d’épreuve

Je rappelle au passage le principe de ces kits comportant six cheminées, forées de telle manière qu’elles peuvent recevoir des petites cartouches de 22 à blanc servant de propulseur à des diabolos en plastique souple de calibre 38 ou 44. Les projectiles sont extrêmement légers (environ 1 gramme en 44), réutilisables presque indéfiniment, et enfin faciles à arrêter avec un piège à balles réalisable en carton et plastique. Enfin, la précision est stupéfiante et avec un canon standard, il est facile de rester dans le noir d’une C50 jusqu’à vingt mètres, les jours sans vent !

Voici donc maintenant approcher l’heure de vérité : Quelle précision attendre de ce gros revolver aussi court que lourd (à peine 21 cm de long pour un poids de 950 grammes), doté d’une ligne de visée uniquement composée d’un cran dans le nez du chien et d’un minuscule guidon cylindrique en laiton ? Je publie ici une cible assez parlante, réalisée à 15 mètres, dont les trous irréguliers ne traduisent que la faible vitesse du projectile. (Nota : elle est plus importante avec un canon long, surtout en calibre 36, et la découpe du carton devient aussi franche qu’avec une « Wad Cutter ». Si vous comparez maintenant les deux armes côte à côte, vous pouvez comprendre comment l’idée de ce face à face a pu germer dans mon esprit !

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Le Hammond avec sa fausse douille en place, on voit bien l’emplacement vacant de la petite douille de 22 à blanc !

Il s’agit maintenant de mettre le Hammond face aux cibles, mais avant, un petit peu d’imagination et un peu de travail s’imposent ! En effet, rappelons-nous que cette arme, si elle est en calibre 44 (celui des diabolos H&C), est aussi en percussion annulaire …Je me suis donc simplement rappelé des productions de cette entreprise permettant d’utiliser les petites cartouches de 22 insérées en périphérie de quelques calibres désuets comme le 32 annulaire par exemple. Quelques prises de cotes, un morceau de laiton et un ami tourneur allaient permettre de faire revivre notre Derringer sans problème : voir photo de l’ensemble douille et balle posées telles qu’elles se présentent dans la chambre.

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Les éléments de rechargement mis au point pour le Hammond par un ami (G) et votre serviteur tels qu’ils se présentent dans la chambre (le diabolo est un H&C)

La procédure de chargement est donc très simple : ouvrir la culasse, pousser un diabolo dans la chambre avec le doigt, insérer la douille « laiton » derrière avec son petit fraisage en face du percuteur, poser la cartouche de 22 dans son logement, refermer la culasse…il ne reste plus qu’à armer le chien face aux cibles ! Nota : pour recharger l’arme il suffit d’ouvrir la culasse et l’extracteur fait son office…

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La cible tirée à 15 mètres avec le Pietta et son canon de 3 pouces (les 6 impacts dans une C50)

Après avoir maîtrisé la détente relativement dure (de sécurité, pourrions-nous dire) les résultats ne se font pas attendre…et ils sont très positifs car la ligne de visée est assez longue, ainsi que le canon. Par ailleurs, comme il n’y a pas d’entrefer comme sur un revolver, les vitesses obtenues sont supérieures, autre gage de précision. Voici la photo de ce qu’on peut obtenir avec cette arme historique (noter que j’ai réalisé cet essai à la distance maximum permise par ma cour et à bras franc : 23 mètres !).

En guise de conclusion à cette confrontation, je retiendrai la puissance et la précision hors du commun du Hammond Bulldog : Si on pense n’avoir qu’un coup à tirer, c’est l’arme qu’il faut choisir ! La réplique du Colt revisitée par Pietta et H&C offre pour sa part un aspect ludique extraordinaire, doublé d’une fiabilité que n’avaient sans doute pas les originaux avec leurs capsules capricieuses…

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La cible tirée à 23 mètres avec le Hammond Bulldog ; remarquable performance pour une arme vieille d’un siècle et demi et conçue pour la défense rapprochée !

Voilà, j’espère que cette petite aventure sans prétention vous a divertis…si c’est le cas, promis, je ressortirai la Delorean du garage pour aller vous chercher d’autres armes originales !

Sources et remerciements :
- Internet et Wikipédia
- USPTO pour le brevet
- H&C
- Mon ami G. pour le travail au tour et les conseils.

 

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