Accueil > Dossiers pratiques, études etc... > Armes et collectionneurs > Les armes neutralisées > Istres : Internet et Kalachnikov

Article paru dans la GA N°455 de juillet 2013

Istres : Internet et Kalachnikov

La neutralisation en question.

dimanche 28 avril 2013, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Depuis le malheureux drame d’Istres suivant en cela le Ministre de l’Intérieur, les journaux affirment : « Ce n’est pas normal qu’on puisse obtenir une Kalachnikov et des munitions sur internet »
Il faut ici rassurer la population : les armes d’assaut sont réservées aux militaires et il est impossible de les acheter légalement même avec une autorisation. Il y a donc une illégalité quelque part.

- Voir aussi : Est-il facile de remettre en état une arme neutralisée ?
- Renaud Dagorne, délégué de l’UFA témoigne sur FR3

Nous sommes submergés de questions de journalistes qui cherchent à comprendre comment une arme neutralisée a pu être remise en état. Nous leur répondons que la neutralisation française pratiquée par le Banc d’Epreuve de St Etienne, tout en respectant le mécanisme et l’aspect extérieur, ne permet pas la remise en état.

Nous avons demandé à plusieurs mécaniciens professionnels disposant de machines modernes à commandes numériques, le temps qu’il mettraient à effectuer cette remise en état. Tous ont été unanimes pour dire que rien n’est impossible. Mais que cela serait compliqué et long, ils iraient plus vite à fabriquer une arme de toutes pièces.

Ce n’est donc pas une question de neutralisation mais de phénomène de société. Celui qui veut quelque chose y arrive toujours.
On peu comparer la situation à la sécurisation d’un appartement. Les spécialistes disent bien que les portes blindées, alarmes, vidéo etc… vont ralentir le malfaiteur mais pas l’arrêter complètement. C’est pareil pour tous les systèmes de protection puisque les hackers arrivent à pénétrer même les ordinateurs du Pentagone.

France : technique de neutralisation
Sur une arme automatique, le canon est obstrué par un bouchon fileté qui est coincé par trois billes et il est indémontable de la boîte de culasse. Il ne peut pas être remplacé. Le percuteur est coupé et le canal bouché par de la soudure autotrempante, la rampe d’alimentation est meulée et une lèvre du chargeur coupée.

Les neutralisations à l’étranger

JPEG - 18.9 ko
Neutralisation allemande

Depuis un bon nombre d’années, les neutralisations à l’étranger posent un problème. Légalement elle ne sont pas reconnues en France sauf si elles présentent les mêmes garanties que celles pratiquées par le Banc d’Epreuve de St Etienne. Et comment le savoir si ce n’est les faire vérifier par le Banc d’Epreuve.

Il semble quel’Autriche et l’Espagne soient un peu « léger » dans leurs neutralisations et c’est peut être là l’origine du problème. Parfois le percuteur est conservé et le canon reste démontable. Mais il reste quand même très difficile de remettre en état une arme neutralisée dans ces pays : il faut des connaissances techniques, du matèriel et du réseau...

Sur certains sites de vente d’armes, francophones mais basés à l’étranger, on trouve des descriptions curieuses qui insistent justement sur les défauts de la neutralisation étrangère. C’est une façon d’inciter les acheteurs à la remise en état. Heureusement Naturabuy, le seul site français de vente aux enchères, fait une chasse impitoyable à ce genre d’annonces tendancieuses. On comprend pourquoi aujourd’hui.

Un soit disant passionné

La presse a repris le terme du parquet qui présente le tireur d’Istres comme un passionné d’armes. Nous nous opposons formellement à l’emploi de ce terme. Le tireur en question a été présenté comme une personne ayant des tendances schizophrènes. Le terme de "passion" ne s’appliquerait pas à ce personnage, mais plutôt de "fascination" ou "obsession". Il serait un pratiquant régulier de jeux vidéo violents. Il aurait confondu le réel avec le virtuel. On peut constater que jusqu’à présent personne ne demande l’interdiction de ces jeux, qui semblent devenir dangereux entre les mains d’un esprit faible, comme le montre ce drame. Pourtant, devant les ravages qu’ils font, on peut les qualifier "d’armes par destination," voila un sujet que l’administration pourrait creuser.

Cela n’a absolument rien à voir avec le monde des collectionneurs qui, s’ils sont passionnés, le sont pour la mécanique, l’histoire ou la sauvegarde du patrimoine. Et non pas pour un usage illégal. D’ailleurs le monde important des détenteurs légaux d’armes ne fait pas parler de lui.

A rapprocher du drame italien qui s’est déroulé le lendemain de celui d’Istres ou un tireur fou à tiré au moment de la nomination du nouveau Premier Ministre d’un gouvernement d’Union Nationale.

Un ONG qui condamne

Nous avons pu voir et entendre les propos de Patrice BOUVERET de l’observatoire des armements, ONG, de Lyon qui déclarait qu’il y a beaucoup d’armes en circulation en France. Tout y passe : chasseurs, tireurs, collectionneurs etc... Il déclare également que les "passionnés" d’armes se procureraient ce qu’ils veulent par le moyen d’internet.

- Très bon article du Figaro : armes faiblement neutralisées.

Encore une fois, des circuits totalement illégaux d’approvisionnement de marginaux en armes de guerre modernes, très éloignées du monde de la collection et du tir sportif, viennent jeter l’opprobre sur la population pacifique, responsable et bien intentionnée qui fréquente les armureries officielles, les salons et les stands.

En guise de conclusion

Une arme n’est qu’un objet de métal et tout bricoleur bien outillé peut en faire une, même si le coût en serait prohibitif, en regard de l’achat d’un tour électronique.

Les hors la loi ont toujours été armés, par définition ils ne respectent pas les lois de la République. Faire une nouvelle loi plus restrictive ne changerait rien au problème et ne pénaliserait que les citoyens honnêtes, chasseurs, tireurs sportifs et collectionneurs. La France, même avec 3.5 millions d’armes déclarées, reste un pays calme car ces armes sont aux mains de citoyens paisibles. Ce qui pose problème ce sont les hors la loi.

La police doit lutter contre les trafics d’armes qui empruntent les mêmes voies que les trafics de drogue et lutter contre les gangs.

Par contre cette triste affaire révèle que l’harmonisation des systèmes de neutralisation est indispensable au niveau européen. Lorsque l’UFA a été consultée, sur ce point, par la Commission Européenne en 2001, elle avait proposé de se caler sur la neutralisation de St Etienne, que nous jugeons la plus fiable en Europe.

Cette affaire révèle aussi l’absence de tout contrôle du Net. Mais celui-ci est-il possible quand on sait qu’il se vend des fausses montres, des faux médicaments, [1] des fausses pièces automobiles ? Il s’agit là d’une question de politique et de société, il ne faudrait pas que le gouvernement se trompe de cible, comme on l’a souvent vu dans le domaine des armes.
Sur le Net sévissent des hors la loi, des terroristes et des escrocs, ce sont eux qu’il faut pourchasser.

Dans un article de francetvinfo de ce dimanche on peut lire :

"Fanatique des armes, le jeune homme était même titulaire d’une licence de tir."

Dans quel club est-il inscrit ? Cette licence est-elle toujours active ?

"Il était depuis un an sous contrôle judiciaire pour port d’armes prohibées"

Un gros lieu commun pour les journalistes : Les armes en question étant prohibées, le "port" en est tout autant. Le port est déjà par lui-même prohibé !

"une information judiciaire avait été ouverte depuis la découverte d’un pistolet et de deux revolvers lors d’une perquisition à son domicile, effectuée à la suite d’un cambriolage au cours duquel une autre arme lui avait été dérobée. Depuis, le jeune homme cachait chez ses parents ou enterrait dans son jardin les armes qu’il réussissait à se procurer malgré son contrôle judiciaire"

Ahurissant !

 

[1le plus paradoxal n’est-i pas le Viagra de contrebande ?

Imprimer cet article

Imprimer

Dans la même rubrique