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Cour de cassation : application du CSI 1er trimestre 2023

vendredi 10 février 2023, par Yves De Coninck, ancien avocat.

La présente étude concerne le premier trimestre 2023 (recherche version beta sur judilibre du moteur du site internet de la Cour de Cassation). La plus haute juridiction judiciaire française a fait une application du CSI (Code de la Sécurité Intérieure) pour dire le droit dans une affaire.

Visite domiciliaire : saisie d’objet n’appartenant pas à l’occupant des lieux

Arrêt d’assemblée plénière de la cour de cassation n°21-23.719 du 16 décembre 2022.

Faits

Un juge des libertés et de la détention a autorisé une visite domiciliaire et des saisies de tout ce qui se trouve au siège social d’une société.

Procédure

Une requérante a fait appel de cette ordonnance d’autorisation de la visite et des saisies.

Arguments

La requérante soutient que, lors d’une visite domiciliaire, seuls sont saisissables les objets qui appartiennent au propriétaire des lieux.

Problème juridique
Est-ce que la saisie doit concerner uniquement les objets qui sont la propriété de l’occupant des lieux concernés par la visite domiciliaire ?

Décision

Le pourvoi est rejeté car les saisies opérées en exécution d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention peuvent porter sur tous les objets en lien avec l’enquête sans qu’il soit nécessaire que ces objets appartiennent à l’occupant des lieux de la visite domiciliaire.

***-***
En conclusion, nous rappelons ci-dessous l’extrait de la circulaire du Ministre de l’Intérieur toujours en vigueur NOR : INTA 1819189C du 30 juillet 2018 relative aux armes et munitions :
« 2.2 Interdiction des visites domiciliaires.
Il est rappelé que la justification des installations mentionnées aux articles R. 314-2 à R. 314-10 du Code de la Sécurité Intérieure, concernant la sécurisation de la conservation des armes (coffre-fort ou autre) est déclarative.
À défaut de facture ou d’une attestation prouvant l’achat ou l’installation, une attestation sur l’honneur du demandeur accompagnée d’une photo du coffre-fort peut suffire.
En tout état de cause, il est proscrit de diligenter une visite domiciliaire pour vérification administrative de ces installations.
En revanche, l’absence de justification de ces installations peut conduire à vous voir refuser une autorisation, voire à la mise en œuvre d’une procédure de dessaisissement ».


Précisions sur la confiscation des armes et les munitions et autres éléments

Les articles L. 317-12-2° et R. 317-13-3° du Code de la Sécurité Intérieure prévoient la confiscation, parmi les peines complémentaires obligatoirement prononcées en cas d’application des dispositions pénales spécifiques aux armes et munitions.
Ce 1er février 2023, La Chambre criminelle de la Cour de Cassation (en formation de section donc sans que cela pose de gros problèmes à la juridiction) vient de préciser le régime juridique de la confiscation lors de l’examen du pourvoir 22-81.085. Nous savions déjà la sévérité avec laquelle la chambre criminelle porte atteinte au droit de propriété des armes.

Faits :

Ici, nous sommes en présence d’une affaire de proxénétisme, blanchiment et de port d’arme prohibé.

Procédure :

Pour les faits ci-dessus rappelés, un tribunal correctionnel a condamné un individu à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et 18 000 euros d’amende. Il a également ordonné une peine de confiscation, sur le fondement des dispositions de l’article 131-21, alinéa 6, du code pénal.

  • Le requérant a relevé appel de la décision, en ses seules dispositions relatives à l’infraction de blanchiment et aux peines de confiscation prononcées.
  • Le Ministère public a formé appel incident des dispositions pénales.
  • Le 18 janvier 2022, la Cour d’appel de Rennes l’a condamné à trois ans d’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et a ordonné une mesure de confiscation sur le fondement non pas de l’alinéa 6 précité mais de l’alinéa 2.
  • Le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel.

Arguments :

La personne se pourvoyant devant la Cour de cassation soutient que les articles préliminaires du code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne sont pas respectés car le débat n’a pas permis la contradiction devant les juges du fond.
Le Ministère public soutient qu’il n’y a pas lieu de débattre contradictoirement des peines complémentaires prononcées obligatoirement en matière pénale.

Problème juridique :

L’article 6 sur le droit à un procès équitable de la convention européenne des droits de l’homme est-il respecté ?

Décision :

Le juge peut ordonner l’une quelconque des mesures de confiscation prévues par la loi, sans que le fondement de cette peine doive être au préalable contradictoirement débattu. Justifie sa décision la Cour d’appel qui confirme la confiscation ordonnée par le tribunal sur un fondement textuel différent de celui retenu par les premiers juges, sans avoir préalablement sollicité les observations des parties.

***-***

Bien que jugée sur une affaire de droit pénal général et non en application du droit pénal spécial relatif aux armes et munitions, cette décision s’appliquerait évidemment à fortiori aux cas de confiscation du Code de la Sécurité Intérieure sous réserve d’une éventuelle décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui peut toujours être saisie dans le délai de 4 mois.
A suivre…


Nécessité pour le juge de respecter le contradictoire

Exactement treize jours avant cette décision de la Chambre criminelle, la seconde chambre civile de la même Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris au motif que le juge doit aussi respecter le contradictoire (arrêt en formation de section du 19 janvier 2023 sur le pourvoi n° 21-22.028) et ce au visa de l’article 16 du Code de Procédure Civile.

Faits

Ici, l’affaire concernait les attentats de Charlie Hebdo où l’épouse d’une des victimes demandait indemnisation.

Procédure

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions refuse l’indemnisation au motif que l’épouse n’est pas la victime directe des attentats.
L’épouse assigne le Fonds de garantie en référé devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’expertise et du versement d’une provision sur indemnisation future.
Le 2 juillet 2021, la Cour d’appel de Paris rend un arrêt qui ne convient pas à ladite épouse.
La dame se pourvoit en cassation.

Arguments

La personne se pourvoyant devant la Cour de cassation soutient qu’elle est bien recevable et fondée à agir.
La partie adverse soutient le contraire et notamment que le juge pouvait soulever d’office un moyen d’irrecevabilité sans contradictoire.

Problème juridique

L’article 16 du Code de Procédure Civile doit-il s’appliquer à un moyen soulevé d’office par un juge du fond ?

Décision

Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire.

***-***

Avec treize jours d’écart, deux chambres différentes de la Cour de Cassation soutiennent des positions opposées. Nous savions que les chambres civiles étaient plus favorables que la chambre criminelle. CQFD - Ce Qu’il Fallait Démontrer...

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Rel. L-01/02/23

 

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