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Gazette des armes, Avril 2004 - n° 353

Article 215 et 215 bis du code des douanes

Fournir un justificatif d’origine, pour les armes.

mardi 5 juillet 2022, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA (publié initialement le 20 janvier 2008)

Dans notre article précédent, nous avons vu qu’avec l’article 215, la douane est en droit de demander des justificatifs d’origine pour des armes. Facture, preuve de succession, documents divers etc…
A défaut de preuve, elle saisit les armes et réclame une amende.

Il faut comprendre que l’article 215 est applicable sur le territoire douanier. Mais dès 1993, le territoire douanier limité jusqu’alors au territoire national, s’est étendu à toute l’Europe. Une arme venant de l’intérieur de l’Europe ne pouvait plus être contrôlée de la même manière. Pour prouver que l’arme est bien en règle, il suffit d’avoir une facture européenne.

Différents produits suivis auparavant par les déclarations en douane étaient déclarés conformes à la réglementation française, par les importateurs. Il y avait une espèce de contrôle à priori. Si l’administration était en droit de se retourner pour fausse déclaration en cas de non-conformité, aujourd’hui plus de frontière, plus de contrôle. Seules les armes à feu sont suivies d’un pays à l’autre par les permis de transfert délivrés par le pays exportateur après que le pays importateur ait délivré un accord préalable. [1]

C’est pourquoi le législateur a introduit en 1993 un nouvel article : le 215 bis. Cet article fait référence à tout ce qui est « dangereux » sans énumérer les produits dangereux. C’est vague et large à la fois ! Cela comprend les armes et bien d’autres choses (voir ci-dessous articulation juridique).
On peut comprendre ses motivations : pour des raisons de santé ou de sécurité publique, on contrôle un certain nombre d’objets susceptibles de trafic, dont les armes. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour lutter contre le grand banditisme international et les grands trafics organisés.

Mais on constate un détournement dont les petits collectionneurs font les frais. C’est un peu l’histoire du gendarme qui se poste à l’extrémité d’une ligne droite. Il est certain de sa moisson de PV en fin de journée. S’attaquer à un collectionneur pour un sabre révolutionnaire ou une baïonnette, c’est une proie facile qui paye pour avoir la paix.
Pour rester crédible, la douane doit appliquer la loi dans son esprit initial.

Justification au départ :
Un arrêté donne la liste des produits soumis au contrôle de l’article 215, dont les armes. Cet arrêté est revu régulièrement avec une constante en matière d’armes. Le dernier arrêté d’application du 215 [2] est largement postérieur à l’article 215 bis. On peut en conclure que l’administration n’a pas voulu aller plus loin pour les armes. Si le ministère avait voulu être plus restrictif, la liste des produits aurait été plus large et sans restriction. Il faut croire qu’il ne l’a pas souhaité.

L’inversion de la preuve :
En matière de douane, c’est au détenteur d’un objet de prouver que sa situation est en règle. Si l’arme qu’il possède a plus de cent ans, c’est à lui de le prouver. Cette disposition particulière date du XIXe siècle pour lutter contre la fraude. Il fallait à l’époque préserver l’économie et enlever toute chance au contrebandier. Sous le Second Empire, le code des douanes s’est adouci pour redevenir restrictif dès la IIIème république.

La douane a une mission de police en matière d’armes :
Les agents des douanes sont chargés de contrôler armes, munitions, poudres et substances explosives ainsi que les documents auxquels leurs transfert sont subordonnés. [3]
Article 215 bis : « … produire à la première réquisition des agents des douanes ….. des documents attestant que ces marchandises ont été introduites sur le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d’importation ….. » A défaut de document, les marchandises…. sont réputées avoir été importées en contrebande… » [4]


Articulation juridique

Deux lois ont apporté des modifications au code des douanes, l’une d’entre elles nous intéresse plus particulièrement. Elles ont été prises en prévision de la mise en place du marché unique au 1er janvier 1993, et sous la pression de plusieurs ministères qui s’étaient rendu compte des conséquences néfastes de la libre circulation des marchandises sur les divers contrôles que la douane exerce pour leur compte : santé, sanitaire et phytosanitaire, espèces protégées, contrefaçons, déchets, normes de protection, stupéfiants, biens culturels et bien sûr, armes.

Loi du 17 juillet 1992 (numéro 92/677)
- Création d’un article 2 bis qui rend le Code des Douanes inapplicable lors d’échanges de marchandises avec les Etats membres de la CE.
- Art 65 B permettant les contrôles à la circulation pour certaines marchandises par dérogation au 2 bis.
- Art 2 ter qui maintient l’ensemble de la procédure douanière pour les matériels de guerre, matériels assimilés et poudres et explosifs à usage militaire.
- Art 38 §4, 65 c, 322 bis et 215 bis. Rétablissement d’une partie du Code des Douanes, par dérogation au 2 bis en ce qui concerne le contrôle de certaines marchandises communautaires. Création d’une obligation de les présenter en douane et extension de la prohibition douanière aux prohibitions de droit commun.

Comment naît une interprétation restrictive

L’article 215 bis ne fait plus en effet référence, comme le 215, à l’arrêté du 11 décembre 2001 qui mentionne exclusivement les armes : Les matériels, armes, munitions et leurs éléments des catégories A, B et C, du 1° de la catégorie D et des a, b et c du 2° de la catégorie D soumis au régime d’autorisation d’importation avec une exclusion (voir ci dessous). Bien que le texte comporte encore la référence des armes D1° qui n’existe plus au jour de la mise à jour de cet article, il faut comprendre qu’il s’agit des fusils de chasse à un coup par canon lisse de la catégorie C1°§c).
Cette mention est précise mais ne s’applique qu’aux marchandises visées à l’art 38 §4 et 5. Cet article se réfère lui-même à la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restriction de circulation et à la complémentarité entre les services de douane, de police et de gendarmerie.
Toute cette construction juridique permet en fait un amalgame beaucoup plus vaste en matière d’armes. En faisant appel à des notions de sécurité publique, cela permet de classer n’importe quoi comme armes. De plus, la notion d’usage personnel n’apparaît plus comme dans le 215.

C’est donc un pas en arrière par rapport aux textes concernant les marchandises extra-communautaires, ce qui peut sembler surprenant pour notre époque.

Ecxlusions : (Art1 de l’arrêté du 11 décembre 2001).
- des armes, munitions et leurs éléments à percussion annulaire figurant aux 1°, 2° et 8° de la catégorie C ;
- des fusils et carabines de chasse ainsi que des projectiles et munitions de chasse des 1°, 7° et 8° de la catégorie C et du 1°, pour lesquels les détenteurs et transporteurs justifient qu’ils sont exclusivement affectés à leur usage personnel. Cela comprend l’ancienne catégorie D1 devenue C1°§c).
On entends par usage personnel les armes qui ne sont pas destinées à être vendues ou louées.

Références :
- L’article 215 du code des douanes.
- Jurisprudence et les articles 215 et 215 bis.|

Rel. L- 21/07/22

 

[1art 13, Directive 91/477/CEE du Conseil, du 18 juin 1991, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes.

[3Loi du 31 décembre 1992, JO du 5 janvier 1993, page 198

[4Art 419 du code des douanes introduit par la loi du 31 décembre 1993.

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