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Les buralistes prennent la balle au bond

mardi 5 décembre 2023, par Jean Pierre Bastié président de l’UFA

Face aux remous engendrés par l’annonce de la vente prochaine de munitions par les buralistes, plusieurs professionnels de l’armurerie nous ont contacté pour évoquer le sujet.
Il en ressort que le 23 novembre dernier, c’est à la surprise générale que le SCAE a annoncé à la presse, l’implication prochaine des bureaux de tabac dans la vente de munitions.

Le projet était sur la table depuis quelques mois, mais la Chambre syndicale de l’armurerie n’y était pas franchement favorable. Elle n’en était encore qu’au stade des discussions avec le ministère.
Il semblerait que l’idée soit venue du Président de la confédération des buralistes de Corse. La profession est en difficulté et le chiffre d’affaires des buralistes continue de diminuer de façon drastique en raison de la hausse continue du prix du tabac.
Le Président national de la confédération ayant trouvé l’idée pertinente, l’aurait fait remonter au niveau du gouvernement.
Les buralistes, ils sont plus de 23 000 en France, pourraient vendre des munitions de chasse à partir du 1er janvier 2024. Cette décision s’appuie sur un décret [1] qui précise que cette activité peut être exercées sans avoir à justifier de l’intégralité des compétences professionnelles nécessaires jusqu’alors. Ce décret est à l’origine des différentes certifications dont on parle beaucoup depuis plusieurs mois, dont celle nécessaire à la seule vente de munitions des catégories C et D.

Cette annonce a complètement surpris l’ensemble de la filière et s’est faite concertation avec la Chambre Syndicale Nationale des Armuriers Détaillants français (CSNA).

Elle fait la une des journaux depuis plusieurs jours et de nombreuses voix s’élèvent pour douter de sa pertinence, même si la FNC semble y adhérer.
La Fédération Nationale de la Chasse précise toutefois qu’elle est sur la même ligne que les armuriers, et que les cartouches vendues chez les buralistes devront provenir de l’armurier local. Il n’est pas question pour elle d’affaiblir le réseau des armuriers. Elle précise : « Élargir l’accès aux munitions part d’une démarche positive du SCAE mais elle doit respecter les équilibres fragiles de la filière ».
Ce dispositif devrait viser particulièrement les départements dans lesquels les armuriers sont peu nombreux. Une situation qui impose aux chasseurs de longs déplacements pour se fournir en munitions.
Les bureaux de tabac concernés seraient sélectionnés en conséquence, afin d’éviter de faire de la concurrence aux armuriers à proximité.

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Un préalable quand même

Les buralistes devront d’abord obtenir la nouvelle certification « vente exclusive de munitions », puis leur agrément préfectoral avec l’honorabilité exigée.
Ils pourront ensuite obtenir l’autorisation d’ouverture de leur commerce, délivrée par le préfet, après avis du maire de la commune.
Le commerçant nouvellement agréé devra respecter les mêmes règles de sécurité que celles qui sont imposées aux armuriers. Il lui faudra ouvrir un compte dans le SIA, et se charger de vérifier les documents nécessaires à l’acquisition des munitions, les choses seront plus simples lorsque les passerelles informatiques avec les différentes fédérations fonctionneront.
Reste que ceux qui pensaient ne devoir qu’aligner quelques boites de cartouches sur leurs rayons vont être déçus.
Il va falloir sécuriser le stockage, passer un CQP dont on ne sait pas à cette heure combien de temps durera la formation et quel en sera le coût pour le demandeur.
En somme, beaucoup de tracas pour ne pas gagner grand-chose. Puisque le buraliste ne pourra s’approvisionner en munitions que chez l’armurier le plus proche.
Enfin, par définition puisque le buraliste s’ajoute à la chaine de distribution habituelle, les munitions seront forcément plus chères chez lui que chez un armurier.

Une sécurité qui fait débat

Les retours spontanés qui nous parviennent montrent que les armuriers sont surpris par cette évolution, qui va à contre-courant des mesures restrictives qui touchent les tireurs sportifs en particulier depuis plusieurs années. Les professionnels de l’armurerie qui sont régulièrement contrôlés s’interrogent sur la vente de munitions par les buralistes d’autant que leurs activités multiples : tabacs, vapoteuses, jeux, confiserie… produisent un turn-over permanent des clients, on imagine mal comment ils vont pouvoir trouver le temps de conseiller un chasseur sur le choix de ses munitions. Sans oublier le contrôle préalable des documents nécessaires aux achats : permis de chasse validé, licence de la FFTir ou de la FFBT…

Enfin, selon une étude menée en 2021 par le Comité national contre le tabagisme, 64 % des buralistes continuent de vendre du tabac à des mineurs et ce chiffre passe à 77% dans les villes de plus de 15 000 habitants.

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Souhaitons qu’ils soient plus rigoureux pour la vente de munitions. Cela étant dit, il faut raison garder. On ne va pas voir des cartouches sur les étals des buralistes aux quatre coins des rues. Seules les zones isolées, où les armuriers sont rares, devraient être concernées.

Beaucoup de buralistes ont déjà fait savoir qu’ils n’étaient pas intéressés.

Voir aussi :
- L’annonce du 23 novembre par le ministère ;
- Article de l’UFA : Cartouches : cigarettes ou munitions ? - Agrément d’armurier ;
- Mail adressé à se membres par la Chambre Syndicale de l’Armurerie ;
- L’article de Chassons.com qui à diffusé l’interview ;
- Willy Schraen : « La FNC n’était pas au courant que le ministère souhaitait lancer la vente de cartouches chez les buralistes » ;

La presse s’est déchaînée :
- Libération.fr : Fumer tue, les bureaux de tabac pourraient vendre des munitions aux chasseurs à partir de janvier ;
- Bfmtv.com : confirmé par le ministère de l’intérieur ;
- Brut : vidéo ;

Rel. LV-05/12/23

 

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