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Gazette des armes, juillet 2006

Le classement des armes de collection

mardi 19 février 2008, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Les magistrats font appel à des experts judiciaires pour les éclairer sur le classement, selon la réglementation, d’armes saisies. Ce classement va peser lourd dans la balance de la justice selon que les armes en question sont libres ou soumises à autorisation.

Il se fait qu’au bureau de notre association nous recevons souvent des plaintes de collectionneurs qui se sont fait saisir des armes de 8ème catégorie ou de 5ème et 7ème catégories et ont été condamnés pour leur détention.
Nous avions déjà évoqué le problème dans la Gazette. [1] ou un Colt Open Top de calibre 22, d’un modèle manifestement antérieur à 1870, et dont la fabrication s’est arrêtée en 1871 (donc largement antérieure à 1892) avait été classé en 4ème catégorie. Le magistrat qui a lu l’article de la Gazette, n’a pas voulu tenir compte de cette évidence se retranchant devant la conclusion de l’expert judiciaire qui classait en 4ème catégorie cet antique revolver.
Il est vrai que certains experts judiciaires se prononcent sur des catégories en disant le droit au risque de passer pour des Ayatollahs de l’arme , croyant (à tort) s’attirer les bonnes grâces de l’administration.
C’est pour préciser le rôle de l’expert judiciaire que votre président a posé le problème à la dernière assemblée générale des Experts. [2]
La question posée était la suivante : est-il vraiment du rôle de l’expert de se prononcer sur la catégorie d’une arme lorsque le classement est ambigu ? La réponse quasi unanime a été que l’expert est là pour éclairer le juge et non pour dire le droit. Lorsque l’ambiguïté existe c’est au juge de trancher et non à l’expert qui est et doit rester un auxiliaire de justice.

Le millésime du modèle ou de l’année de fabrication des armes authentiques.

Pour être classée en 8ème catégorie l’arme doit avoir un modèle antérieur au 1er janvier 1870 et une date de fabrication antérieure au 1er janvier 1892.
Comme on l’a déjà vu il est parfois impossible de trouver la date du brevet d’adoption du modèle. Il est alors facile pour un expert qui, en principe, connaît parfaitement l’histoire des armes, de trouver la date de la conception du système. En effet, par modèle le législateur sous-entend le principe technique qui a prévalu à la conception du système. L’idée est de classer en collection les armes dont l’obsolescence les rend inoffensives. La date de fabrication sert à séparer les originaux des répliques.
Si la date du modèle répertorié est postérieure à 1870 mais que l’arme est tout à fait similaire aux modèles d’avant 1870, l’arme est juridiquement classée en 4ème catégorie. C’est alors à l’expert judiciaire d’éclairer le juge en faisant ressortir la similitude des deux modèles. Le collectionneur peut bénéficier d’une vue élargie dans ce classement.

La liste des armes exemptées.

L’annexe de l’arrêté du 7 septembre 1995 a énuméré 74 armes dont les millésimes du modèle et de fabrication sont postérieurs à ceux normalement retenus pour les armes de collection. Cet arrêté reprenait deux anciens arrêtés [3] qui avaient libéré d’abord les réglementaires français calibre 11 mm à poudre noire et des armes rares.
Comme il s’agit d’une liste exhaustive, la tendance de certains experts est d’affirmer que lorsque l’arme n’est pas dans la liste avec les caractéristiques appropriées, elle n’est pas libérée. Mais cette interprétation restrictive méconnaît l’esprit dans lequel les différentes administrations [4] ont reconnu que la rareté de ces armes aux cartouches souvent introuvables rendait leur dangerosité statistiquement aléatoire.
L’exemple le plus flagrant est celui du revolver mle 1874. Le texte officiel cite juste revolvers d’ordonnance Mle 1873-1874, cal 11 mm . Certains experts auraient tendance à classer dans la 4ème catégorie les revolvers d’officier mle 1874 de fabrication civile. C’est méconnaître totalement la signification des mots de la langue française et la réalité historique. Jamais le texte n’a limité le classement en 8ème catégorie aux seuls modèles fabriqués dans les manufactures militaires. Cela d’autant plus qu’il y a de nombreux exemples historiques ou l’armée a fait appel aux fabricants civils français ou étrangers : le Ruby de 1914 en Espagne, le Kropatschek Mle 1878 en Autriche, les mousquetons Berthier par Delaunay, Belleville ou Continsouza. La notion d’arme réglementaire répond à un souci d’uniformisation du matériel, des calibres et d’exigence de qualité. D’ailleurs dans les siècles précédents, dans pas mal de pays, les armes étaient achetées par les colonels commandant les régiments. Le règlement militaire constituait simplement un cahier des charges dont les fournisseurs n’avaient pas le droit de s’écarter.
En France de la Belle Epoque, beaucoup de citoyens étaient officiers de réserve. Ils étaient propriétaires de leur uniforme et de leur revolver. Celui-ci pouvait soit être acheté auprès de l’armée ou dans le civil. Parfois, ils se contentaient de revolvers de type réglementaire tirant la munition militaire. Les 1892 civils (français ou espagnols) furent d’ailleurs réquisitionnés par l’armée en 14-18 et utilisés comme arme réglementaire.
Un autre exemple permet de dire que la liste d’exception doit être prise dans l’esprit plutôt qu’à la lettre . Pour le Webley Ric, il est question de modèle anglais ou belge British Bulldog de 1869 à 1900 cal .320, .380 ou .450. On voit bien que dans cette formulation la définition regroupe un grand nombre d’armes dans le genre . Un revolver Webley RIC est un modèle particulier en calibre 450 alors qu’un British bulldog est un succédané très répandu du RIC dans un calibre inférieur.
D’ailleurs, dans la liste il y a des oublis manifestes comme, justement, à propos des Bulldog. L’arrêté précise Anglais ou Belge , ce qui signifie que lorsque le Bulldog comporte les poinçons de Saint-Etienne, il n’est pas libéré alors que ce sont strictement les mêmes armes. A l’époque de nombreux vendeurs de Saint-Etienne importaient leurs revolvers de Liège et les marquaient à leur nom après les avoir parfois fait ré-éprouver à Saint-Etienne.

Le classement de l’arme ancienne demande parfois plus de bon sens que de science...

Un collectionneur averti donne son avis
Dans un de vos articles, vous proposiez de cesser de fonder le classement des armes sur la notion de calibre. Je partage tout à fait cette façon de voir. Par contre, c’est un choix qui implique une refonte totale de notre réglementation qui a été structurée en 1939 autour de cette notion de calibre pour les raisons historiques que nous connaissons. Une solution intermédiaire, peut être plus facile à mettre en application, consisterait à modifier simplement la liste des calibres classés en première catégorie.

Il me semble d’ailleurs que cette liste avait été modifiée en 1995 mais dans le mauvais sens. J’entends par-là : en classant en 1ère catégorie des calibres oubliés auparavant, puisqu’un fonctionnaire scrupuleux avait cru utile d’y ajouter des calibres aussi menaçants pour la sécurité de l’état que le 6,5 mm Daudeteau et le 8 mm Kropatscheck portugais !

Si l’on extrayait de la liste des calibres de première catégorie, tous ceux employés par les armes militaires à répétition manuelle, d’un modèle antérieur à 1939, cela permettrait d’en classer la majorité en 5 ème catégorie.

Les fusils semi-automatiques employant ces cartouches resteraient classés en 4ème catégorie s’ils sont en état d’origine ou passeraient en 5 ème en cas de limitation à deux coups ou de transformation irréversible en armes à répétition manuelle.

En choisissant comme date butoir la date de 1939, on écarterait d’emblée toutes les munitions actuellement employées par des fusils d’assaut : 5,56mm, 5,45mm, 7,62 mm Otan et 7,62 mm Kalashnikov (cette dernière cartouche a été adoptée en 1943). Pour le 7,62 mm OTAN, c’est un peu dommage car de nombreuses armes à répétition manuelle conçues pour la chasse et surtout pour le tir de précision sont chambrées pour cette cartouche. Mais ce sacrifice permet de mettre hors jeu toutes les cartouches de guerre modernes correspondant à des armes effectivement opérationnelles de nos jours. Par contre cela laisserait un énorme champ de recherche pour les collectionneurs et les tireurs (en particulier, toute la série des armes françaises chambrées pour la cartouche de 7,5mm modèle 1929C).

En parallèle, il serait bien sûr souhaitable :- que la date butoir pour les armes de 8 ème catégorie soit ramenée de 1870 à une date ultérieure (1892 pour les armes de poing et 1900 pour les armes d’épaule ?)

- qu’une extension des arrêtés du 7 septembre 1995 classe en 8 ème catégorie de nouvelles armes de poing rares et des armes d’épaule de notre patrimoine armurier comme les Daudeteau, les Lebel, les Berthier ainsi que toute la série des fusils semi-automatiques français du début du siècle : Meunier, A1, A4, A6 etc. jusqu’au FSA 1917 et 1918.

 

[1Ga n° 358, Gazette des armes en novembre 2004.

[2Assemblée générale du 15 mai 2006 de La Compagnie Nationale des Experts Judiciaires en Armes et Munitions

[3Pour les armes françaises, arrêté du 18 mai 1979, et pour la grande liste 8 janvier 1986.

[4Trois époques différentes, 1979, 1986 et 1995

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