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Fiscalité des musées privés en France.
vendredi 5 décembre 2014, par
L’analyse économique des structures muséographiques met en évidence un impact fondamental du mode de financement (subventions, ressources propres, dons) et de la fiscalité applicable (TVA, impôts locaux, impôt sur les sociétés, taxe sur les œuvres d’arts, …), sur leur politique en matière de gestion des collections, d’orientation artistique (vers le grand public ou les connaisseurs) et de mise en place d’activités destinées à augmenter leurs ressources.
Depuis les années 80, on observe l’émergence de quelques musées situés dans des destinations touristiques, logés dans des bâtiments spectaculaires et disposant dans leurs collections d’œuvres mondialement connues, ces musées attirant une part croissante des visiteurs alors que les autres musées (notamment privés), voient leur affluence décroître.
Malgré la grande variété des types de musées (d’art, d’histoire, de sciences et techniques, les écomusées, …), les problématiques sont similaires : comment concilier les objectifs de préservation, d’éducation et certains objectifs financiers de base ? Au cours des dix dernières années, les musées privés dépourvus de subventions publiques (pour les petits) ont généralement connu plus de difficultés à la fois financières et de légitimité que les musées publics.
- Les musées privés français souffrent d’une inégalité fiscale avec leurs homologues publics.
Les principaux musées existant aujourd’hui sont les héritiers d’institutions ou de collections privées remontant au début du XXe siècle, parfois bien plus anciennes. L’ouverture de musées plus récents, principalement publics, répond à des volontés politiques d’aménagement du territoire plus qu’à des raisons proprement économiques ou patrimoniales.
Pourtant le legs d’une collection à l’Etat est un parcours semé d’embûches.
De façon générale, les musées ont une structure des coûts sensiblement différente de la plupart des entreprises du secteur des services. Leurs bâtiments volumineux, en général situés au cœur d’agglomérations importantes, une large collection, peu ou pas cessible, ainsi que les dépenses d’assurance, de sécurité et de personnel représentent des coûts fixes importants.
En outre, comme la plupart des acteurs du secteur culturel, les musées sont soumis à une forme de la « maladie de Baumol » (ou loi de la fatalité des coûts croissants). Le coût d’entretien et de conservation de leur patrimoine augmente en effet à la vitesse du salaire d’une main d’œuvre qualifiée et des surfaces requises pour le présenter au public.
- Une collection privée dans un pays européen. Les délégués de la FESAC l’on visité lors d’un de leurs congrès annuels.
Impensable en France !
De ce fait, les règles comptables et fiscales applicables aux musées privés français ne prennent pas suffisamment en compte la nécessité de faire des provisions pour faire des travaux importants ou construire de nouveaux bâtiments (notion d’amortissement comptable), sous-estiment le plus souvent le coût d’entretien des bâtiments architecturalement audacieux, ainsi que le coût réel de l’organisation des expositions temporaires (susceptibles d’attirer des visiteurs, mais parfois financées aux dépens des activités fondamentales de conservation et de recherche).
Enfin, d’une part, la valeur potentielle des collections (achat, entretien) par rapport à l’activité économique ou touristique de présentation des œuvres au public est le plus souvent occultée dans les textes légaux et réglementaires applicables aux musées privés. Or, une œuvre d’art dans les réserves d’un musée représente un coût important, puisqu’elle pourrait être vendue pour financer le musée lui-même ou pour acheter d’autres œuvres passant sur le marché. Il existe de ce fait un arbitrage impossible entre l’envie de vendre des œuvres afin de combler les lacunes dans la collection d’un musée et le rôle de préservation du patrimoine dévolu au musée. D’autant plus que les ventes d’œuvres sont encadrées par des statuts très restrictifs et une imposition assez dissuasive. [1]
D’autre part, les musées privés sont systématiquement considérés comme ayant une activité a priori lucrative les excluant de facto des avantages alloués au secteur culturel par les textes en vigueur (exonération de TVA, de Contribution Economique Territoriale, de taxe sur les objets de collection, …), bien qu’ils répondent eux-aussi aux dispositions de l’article L. 410-1 du code du patrimoine, qui définissent ce qu’est un musée.
En effet, il apparaît qu’en réponse à de nombreuses questions parlementaires [2] portant sur la discrimination effectuée entre les personnes morales de droit public et de droit privé gérant des musées quant aux exonérations précitées, il est avancé que les musées de droit public auraient des obligations, tant en matière de missions que de modalités de gestion, auxquelles ne sont pas soumis leurs homologues du secteur privé, qui justifieraient une différence de traitement.
L’origine des collections : un critère inopérant
La présence des collections privées dans les musées publics est considérable. Les musées seraient bien vides si les collections privées n’étaient venues au cours des temps les enrichir. Il n’est pas un seul musée qui n’ait bénéficié de ces apports. Les vitrines et les salles offertes aux yeux du public en témoignent.
Certaines collections privées suffisamment importantes peuvent mêmes constituer un Musée, à elles seules. Tel est le cas de la prestigieuse collection Brunon qui a donné naissance en France au Musée de l’Empire à Salon de Provence, de la collection Sommer grâce à laquelle a été créée à Paris le Musée de la Chasse et de la Nature, dans le cadre magnifique de l’Hôtel de Guénégaud restauré à cet effet, de la collection d’automobiles des frères Schlumpf qui a donné le musée de l’automobile de Mulhouse, de la collection de peintures, sculptures, tapisseries, objets d’art et mobilier rare des époux André qui a donné le musée Jacquemart-André à Paris. Les finances publiques ne suffiraient pas à l’achat de ces trésors. Heureusement, la création de musées privés par des collectionneurs et les donations particulières émanant de leurs collections privées viennent les aider à réaliser une partie des ambitions des musées publics en ajoutant la pièce qui manque.
Plus d’un collectionneur privé veut ou voudrait créer ou transmettre sa collection à un Musée. Pourquoi ? Des éléments multiples entrent dans les motivations. Désir d’abord de partager en donnant aux autres l’occasion de voir et d’apprendre à travers les objets que l’on a soi-même réunis. Désir aussi de protéger les pièces que l’on a sauvées une première fois en les collectionnant et de les mettre définitivement à l’abri de la destruction en les confiant à un musée dont la vocation est de conserver le patrimoine. Naturellement la situation familiale du collectionneur joue aussi un rôle déterminant. Il peut se faire que le collectionneur n’ait pas d’enfant à qui transmettre son héritage. Il peut se faire que ses descendants n’éprouvent aucun intérêt pour sa collection. Il peut se faire qu’il ait de nombreux héritiers et qu’il répugne à voir sa collection éparpillée entre plusieurs ayants droit.
Une collection, en effet, ce n’est pas seulement une accumulation d’objets dont la valeur marchande est parfois élevée, c’est la réunion de pièces choisies pour former un tout autour d’un thème central. Une collection reflète les goûts et les connaissances de celui qui l’a faite. Elle a une cohésion et un sens. Elle veut dire quelque chose. C’est l’oeuvre d’une vie. On comprendra donc la crainte du collectionneur de voir sa collection éclater après sa mort, perdant ainsi sa signification essentielle.
Les musées publics auxquels il s’adresse répondent-ils à ses inquiétudes et à ses espoirs ? Bien souvent, malheureusement, non. Les musées ont leurs propres astreintes. Parfois, ils ne disposent pas des salles indispensables pour exposer la collection qui leur est proposée. Les crédits sont insuffisants pour faire les travaux nécessaires. Parfois, ils ne sont intéressés que par quelques pièces qui leur manquent, les autres seront condamnées à être stockées dans les réserves interdites au public, d’autres seront mises en dépôt dans d’autres musées. Et voilà la collection dispersée, ce que le collectionneur souhaitait justement éviter.
Certains musées ont tendance à considérer les dons dont ils sont bénéficiaires comme un dû. Il leur arrive de traiter avec quelque condescendance le donateur. Ils refusent de prendre en compte le moindre souhait timidement émis quant au devenir de sa collection. Le collectionneur donne. On veut bien prendre. Il n’a que le droit de se taire, il y a là de quoi dissuader plus d’un donateur potentiel.
Cependant, si la collection est assez importante par elle-même, elle pourrait devenir à elle seule un musée. Les collections Sommer et Brunon dont nous avons parlé précédemment en sont la preuve. Mais dans ce cas, le collectionneur se heurte à une réalité financière incontournable. Où est le mécène qui fournira le local ad hoc ? Qui pourvoira aux frais de fonctionnement ? Les collectivités publiques ont des choix à faire qui relèvent bien plus de l’aménagement du territoire que de la préservation du patrimoine. Ainsi le collectionneur privé prêt à donner sa collection à un organisme public se résignera-t-il peut-être, la mort dans l’âme, à voir sa collection dispersée au feu des enchères ou entre des héritiers qui n’en apprécient que la valeur marchande, au plus grand dam de la conservation du patrimoine culturel commun.
Pour certains, la solution passe par la création d’un musée privé !
Ainsi, en France (le musée de l’automobile de Mulhouse des frères Schlumpf, le musée Jacquemart-André et le musée Arnault à Paris, …), comme aux Etats-Unis (le musée Guggenheim de New York, la Corcoran Gallery of Art de Washington DC, The Getty Museum collections,…), certaines des principales collections, ainsi que les bâtiments, les fonds initiaux et les objectifs fixés, proviennent d’un unique collectionneur (Solomon R. Guggenheim, William Wilson Corcoran, Jean Paul Getty, ...) Toutefois, les principaux musées (le Louvre, le Metropolitan Museum of Art, …) procèdent de groupes importants d’individus privés prêts à confier des ressources financières via le mécénat.
La plupart de ces musées ont la forme d’une organisation à but non lucratif, qu’ils soient gérés comme une fondation ou comme un type particulier d’agence gouvernementale. Leurs objectifs sont donc plus flous que ceux d’une entreprise, et font l’objet de négociations entre les parties prenantes. Si le but initial des musées au XIXe siècle était de remplacer les « cabinets de curiosités » par des collections systématiquement organisées et convenablement documentées, les musées actuels cherchent à remplir deux rôles contradictoires : un rôle didactique et un rôle de préservation. La fonction didactique est d’exposer les pièces les plus représentatives des différents courants artistiques, de montrer les relations entre ces courants, et d’éclairer le visiteur avec une ample documentation. Le rôle de préservation, qui donne au musée une dimension sacramentelle, met au contraire en avant la nécessité de préserver les œuvres pour les générations futures, et de les présenter telles qu’en elles-mêmes, pour inciter le visiteur à ne pas les appréhender comme le produit d’une époque, mais à les considérer du point de vue de la pure esthétique.
La structure de financement des musées est très diversifiée, d’un continent à l’autre, même au sein des plus grands musées. À titre d’exemple, seul 56,2% du budget 2001 du Louvre provenait de subventions, tandis que cette part pour les grands musées américains n’était que de 33,6%, complétée par leurs recettes (18%), les revenus de leurs placements (14,1%) et une part importante d’apports privés (34,3%).
Les finances d’un musée public proviennent principalement de subventions publiques, provenant soit de l’Etat, soit de collectivités territoriales (60 % des musées français sont dans ce cas). Comme dans la plupart des systèmes de comptabilité publique, les bénéfices éventuels générés par un établissement ne lui appartiennent pas et retournent dans le budget de la collectivité, les gestionnaires d’un musée public ne sont pas encouragés à générer des revenus supplémentaires ou à limiter les coûts de fonctionnement. Cela d’autant plus qu’une augmentation des revenus propres des musées entraîne presque toujours une réduction correspondante des subventions publiques. C’est ainsi que les gestionnaires de ces musées mettent toujours en avant les aspects non commerciaux, sur le plan des apports artistiques, scientifiques ou historiques.
On s’attend donc à ce que les musées publics ne vendent pratiquement jamais de pièces de leurs collections (puisqu’ils ne pourraient s’approprier les produits de la vente), que le nombre de visiteurs (à tout le moins d’entrées payantes) ne soit pas un objectif, entraînant une politique de collection orientée vers les connaisseurs avec un appareil pédagogique minimal, et une faible attention prêtée aux sources de revenus connexes (boutiques du musée, restaurants liés au musée, …).
Les musées privés, eux, dépendent essentiellement des recettes liées aux entrées et aux revenus connexes (boutiques, restaurants du musée, …). Aux États-Unis, la moitié des musées est de cette nature et leur objectif est de maximiser leurs recettes. Cette politique passe par un recours fréquent au marché des œuvres d’art pour vendre les pièces qui s’insèrent mal dans la collection et utiliser les produits de telles ventes pour acheter des pièces cohérentes avec la collection installée. On s’attend également à ce qu’une grande attention soit portée aux sources de revenus annexes, par exemple par la possibilité de louer des locaux pour des événements non-artistiques. De même, ces musées sont plus enclins à organiser des expositions qui attirent un grand nombre de visiteurs, à l’aide d’œuvres très connues assorties d’un riche appareil didactique.
Les actions des musées publics et des musées privés sont donc totalement complémentaires !
Toutefois, les musées publics disposent d’un énorme avantage sur les musées privés, puisque le plus souvent, ils bénéficient de subventions, ainsi que de mise à disposition gratuite de locaux et de personnel, ce qui réduit leur coût de fonctionnement et permet d’avoir une politique tarifaire attrayante. Pour eux, demander à chaque visiteur de payer une somme correspondant au coût moyen du musée conduirait à exclure de nombreux visiteurs potentiels. De ce fait, la plupart des musées ont une politique tarifaire fondée sur la discrimination par le prix, notamment, entre les visiteurs occasionnels et les visiteurs potentiellement plus réguliers, dont le nombre de visites dépend du coût de la visite supplémentaire. Cette politique prend le plus souvent la forme d’une grille tarifaire partant d’assez bas avec en plus la possibilité d’abonnement offrant un accès illimité à tout ou partie des collections du musée, ce que les musées privés et notamment les petits ne peuvent pratiquer !
Le prix du billet d’entrée : un facteur économique prépondérant
Les différentes études économétriques réalisées suggèrent que le prix des billets d’entrée ne représente qu’un pourcentage assez faible des revenus pour les grands musées et les musées publics (10%) qui bénéficient de subventions diverses et d’un mécénat abondant (Martin S. Feldstein, The Economics of Art Museums, The University of Chicago Press, 1991, 374 p. (ISBN 0226240738), cité dans Benhamou, p. 57), contrairement au musées privés, notamment les petits, pour qui le prix des billets d’entrée peut représenter un pourcentage important, voir très important (entre 60% et 90%), auquel s’ajoute uniquement les recettes de la boutique de souvenirs.
En tout état de cause, toutes les études tendent à indiquer que le prix des billets d’entrée est un des critères significatifs de la fréquentation d’un musée pour les personnes à revenu modeste. En effet, pour un visiteur qui n’habite pas à proximité du musée, le choix d’aller visiter tel ou tel musée passe par la comparaison non seulement des prix des billets, mais de l’ensemble des coûts (transport, hébergement, restauration) liés à la visite, lesquels sont comparés à ceux d’activités alternatives (sur le cas des musées d’Écosse, une étude évalue ces coûts à plus de 80 % du coût total de la visite : Bailey, Falconer, Foley et McPherson (1998), repris dans Handbook, p. 1021).
La question du prix des billets d’entrée par rapport aux revenus des visiteurs influe donc directement sur le nombre de visites et donc sur le chiffre d’affaires d’un musée. Dès lors, s’agissant des musées privés, notamment des petits qui, en l’absence de subventions ou d’un mécénat significatif du fait de leur taille réduite, fonctionnent quasi exclusivement grâce au chiffre d’affaires généré par le prix des billets d’entrée, l’importance d’une politique publique prenant en compte cette spécificité est nécessaire.
Il convient de préciser ici que le choix du statut de société à responsabilité limitée pour la structure d’exploitation d’un musée privé est souvent dicté par le fait qu’il est beaucoup plus protecteur juridiquement que celui d’une association de loi de 1901 tant pour les dirigeants (qui ne sont pas engagés au-delà de leur apport) que pour les collections et leurs propriétaires (qui peuvent en garder la maitrise). Il faut ajouter que l’activité muséographique et de collection étant une action de passionnés, les personnes morales de droit privé gérant des musées ne font pas ou peu de bénéfices, mais se contentent, le plus clair du temps, d’équilibrer leurs comptes ou de réinvestir dans les collections permanentes.
En tout état de cause, l’action des musées privés est unanimement considérée comme bénéfique à l’ensemble de la société, puisque d’une part, certains individus acquièrent une meilleure connaissance du patrimoine artistique ou technique de l’humanité, et d’autre part, l’existence d’un musée génère des flux de visiteurs qui profitent aux commerces situés à proximité, ainsi qu’à l’image du lieu dans lequel ils sont situés (communes, départements régions). Dès lors, les conséquences économiques et sociales de l’existence d’un musée sur les profits des agents dont l’activité lui est reliée doivent également être prises en comptes dans l’élaboration des textes légaux et réglementaires qui leur sont appliqués.
Fiscalité et contraintes administratives : l’avenir des musées privés en péril
Depuis les dernières lois de finances, face à l’augmentation de la fiscalité leur étant applicable et à l’inégalité de traitement par rapport aux musées publics et aux associations de loi de 1901, l’avenir des musées privés français est remis en cause.
En effet, une réelle distorsion de concurrence existe désormais, qui prend la forme d’une discrimination effectuée entre les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé gérant des musées, tant en matière de TVA qu’en matière de contribution économique territoriale (CET) payée par les musées (notamment en matière de cotisation foncière des entreprises (CFE) et parfois de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Les personnes morales de droit public gérant des musées sont exonérées de TVA sur les droits d’entrée perçus pour la visite (DB 3 A 3141, n° 27 et DB 3 A 3182, n° 30), tandis que pour la même activité culturelle, les personnes morales de droit privé gérant des musées (hors cas tout à fait particulier des associations) sont soumises au taux intermédiaire de 10 % depuis le 1er janvier 2014 (5,5 % auparavant), conformément aux dispositions de l’article 279-2° b ter du CGI).
De même, les premières sont exonérées de la CET, les secondes y sont soumises de plein droit et ce de façon exponentielle en fonction de la surface des bâtiments du musée (CGI, art. 1447 et 1449 et suivants), …
Par rapport à cela, l’administration fiscale française indique que cette situation serait justifiée du fait que les personnes morales de droit privé se livraient à une exploitation « commerciale lucrative », et que les musées de droit public auraient des obligations, tant en matière de missions que de modalités de gestion, auxquelles ne sont pas soumis leurs homologues du secteur privé. Ainsi, les musées publics répondant à l’appellation de « musée de France » sont tenus de conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections en les rendant accessibles au public, et contrairement aux musées privés, leurs droits d’entrée doivent respecter les impératifs d’un service public. De plus, ils seraient tenus par la loi de concevoir et mettre en oeuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’accès de tous à la culture (questions parlementaires n°31804 - 43536 - 47580 - 47952 - 47953 - 47954 - 48760 - 49403 - 49404 -
50713 - 53049 - 58567 - …).
Toutefois, en ce qui concerne les droits d’entrée (c’est-à-dire les résultats hors boutique), ces arguments ne tiennent pas à l’analyse. En effet, la mission de tout musée « ouvert au public » est de conserver, restaurer, étudier et enrichir des collections en les rendant accessibles au public le plus large. On voit mal, sinon, à quoi servirait un musée. D’ailleurs, conformément aux dispositions de l’article L. 410-1 du Code du Patrimoine, un musée est défini comme « toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public ». Cette définition qui s’inscrit dans une logique de démocratisation culturelle accorde à tous les musées (publics comme privés) des fonctions d’éducation. Dès lors, s’abriter derrière de prétendues raisons de missions légales et d’exigences de service public des musées publics pour refuser d’aligner la fiscalité des musées privés (hors impôts sur les sociétés) sur celle de musées publics est incohérent et constitue bien un facteur de distorsion de concurrence sur les droits d’entrée, les deux types de musées ayant le même objectif de préservation du patrimoine et de présentation au public de leur collection.
En tout état de cause, la Contribution Economique Territoriale et la TVA sont des impositions qui sont indépendantes des éventuels bénéfices réalisés par l’une ou l’autre des personnes morales. En ce sens, seul l’impôt sur les sociétés basé directement sur les bénéfices de l’entreprise est ici justifiable pour les personnes morales de droit privé, mais en aucune manière l’assujettissement à la Contribution Economique Territoriale et à une TVA sur les droits d’entrée autre que celle du taux super réduit de 2,1%.
En effet, compte tenu du caractère culturel et identique de ladite activité, il convient d’offrir aux musées privés, notamment les petits réalisant mois de 150 000 entrées annuelles, un cadre juridique et fiscal garantissant la préservation effective de notre patrimoine, ainsi que le développement de tous les musées de France en assurant leur financement en permettant, via un accès au public le plus large grâce à des prix d’entrée raisonnables, que des charges ou des impositions trop importantes mettent en péril.
En tout état de cause, cette inégalité de traitement entre les deux types de structures crée manifestement une distorsion de concurrence au profit des musées publics qui peuvent réduire de façon déloyale leur prix ou augmenter leur marge au détriment des musées privés.
En ce sens, l’introduction d’un taux super réduit de TVA sur les droits d’entrée des musées privés et la possibilité d’un large abattement pour la CET dans sa part CFE constitueraient, notamment, une réponse appropriée aux attentes des personnes morales de droit privé gérant des musées, qui demandent un statut fiscal plus adapté et une reconnaissance plus importante de leur action en faveur du patrimoine.
De même, une exonération ou une réduction de la taxe forfaitaire de 7,5% sur le prix de vente d’objets de collection en faveur de musées privés, ainsi que l’introduction d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés ou d’un crédit d’impôt pour investissement dans les collections seraient des plus opportuns.
En ce sens, il faut saluer l’action de certains parlementaires, qui commencent à prendre la mesure du problème, puisque 58 députés ont déposé une proposition de loi n°1855 sur les musées privés le 1er avril 2014 devant l’Assemblée Nationale et 40 sénateurs ont déposé une proposition de loi n°429 sur les musées privés le 8 avril 2014 devant le Sénat. Enfin quelques amendements à la loi de finances de 2015 ont repris ce thème.
Il ne reste donc plus qu’à convaincre le Ministère des Finances de l’importance de l’enjeu !
[1] Article 150 VJ du CGI sur la taxe forfaitaire de 7,5% sur le prix de vente d’objets de collection), tandis que leur achat n’est pas favorisé via un taux réduit d’impôt sur les sociétés (CGI, art. 219 et s.), un crédit d’impôt (CGI art. 220 B et s.) ou une exonération (CGI, art. 207 et s.) pour investissement dans les collections.
[2] (n°31804, 43536, 47580, 47952, 47953, 47954, 48760, 49403, 49404, 50713, 53049, 58567, …)