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Colloque international de Bruxelles

Plaidoyer pour la collection d’armes blanches

Préservation du patrimoine

dimanche 24 octobre 2004, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Dans le cadre des manifestations et festivités organisées par la Société Royale des Amis du Musée de l’Armée de Bruxelles pour son 75ème anniversaire, s’est tenu avec la participation de la FESAC et en collaboration avec le Musée Royal de l’Armée et la Chaire de Balistique de l’Ecole Royale Militaire, un colloque international sur les collections d’armes dont le thème sera : "De la collection privée aux musées publics".
Cette manifestation s’est déroulée du 31 août au 2 septembre 2000 et a été suivie d’une exposition dans la salle technique du Musée de l’Armée, accessible au public. Pour cette exposition, chaque pays participant a présenté une vitrine à thèmes avec des pièces issues de collections privées.

Lorsque l’on parle de collection d’armes, on pense avant tout à la collection des armes à feu. Cependant les armes non à feu sont tout aussi importantes. Elles comportent une variété considérable d’armes : arcs, arbalètes, piques, lances, hallebardes, épieux et tout particulièrement les armes blanches qui regroupent épées, sabres, baïonnettes et couteaux. Ces armes blanches, pour ne parler que d’elles, ont une valeur culturelle égale à celle des armes à feu, qu’il s’agisse :
- du plan technique (évolution dans la fabrication et le forgeage des lames, précision accrue dans l’exécution des pièces),
- du plan historique (ces armes portant la trace, au même titre que les armes à feu, de l’évolution des moeurs, des modes, des guerres du passé),
- du plan esthétique (certaines pièces étant de véritables chefs-d’oeuvres, témoins du savoir-faire des artisans et des artistes qui les ont réalisées).
En les réunissant, le collectionneur d’armes blanches poursuit le même but que le collectionneur d’armes à feu : la préservation du patrimoine mondial.

En quête d’une législation

Aujourd’hui, en raison du développement de la criminalité et de la violence, les armes, qu’elles soient de collection ou non, suscitent dans le grand public une opinion largement défavorable partagée souvent par les Gouvernants soucieux de calmer les inquiétudes du peuple. En conséquence la recherche d’une réglementation est à l’ordre du jour à l’échelon mondial comme à l’échelon des Etats. Sur le plan européen, une Directive a vu le jour en 1991. Le moment est venu de voir si elle fonctionne bien ou si elle doit être modifiée. Si on analyse cette Directive on doit reconnaître qu’elle est globalement satisfaisante et qu’elle laisse aux Etats membres de la Communauté une liberté raisonnable et souhaitable. Mais certains perfectionnistes veulent saisir à tout prix l’occasion qui leur est offerte de la modifier. Il faut noter entre autres que la Directive telle qu’elle existe actuellement n’a pour objet que les armes à feu. Les tenants du changement veulent y introduire les armes non à feu et bien entendu, parmi elles, les armes blanches, sans les avoir d’ailleurs étudiées au préalable et sans se soucier du fait que ces dernières ne peuvent pas être réglementées selon des critères identiques à ceux convenant pour les armes à feu.

L’histoire des armes à feu est jalonnée d’inventions techniques (système de chargement, découverte d’un nouveau type de poudre, tir à répétition etc) qui les ont rendues progressivement de plus en plus efficaces et par là-même de plus en plus dangereuses. Fixer un millésime au-delà duquel l’arme à feu cesse d’être considérée comme arme de collection en raison de sa dangerosité accrue est donc concevable. Rien de tel pour l’arme blanche qui, à travers le temps, n’a jamais été rien d’autre qu’une lame munie d’une douille ou d’une poignée pour la saisir. Ces lames ont pu adopter des formes ou des longueurs variables au gré des modes. Mais les courtes lames à double tranchant qui caractérisent certains poignards contemporains ont existé aussi pour les baionnettes-bouchon et les dagues de chasse du XVIIIème siècle.

Tout critère d’âge pour définir l’arme blanche comme arme de collection serait donc arbitraire, car il ne correspond à aucune évolution vers une dangerosité accrue. Celui de 100 ans d’âge qui a pu être avancé est totalement absurde. Dans ce cadre, les baïonnettes Lebel 1er type (1886) seraient pièces de collection, mais pas celles du 2ème type (1915), alors qu’elles ne diffèrent que par la forme de croisière. Les modèles suisses d’ordonnance 1878 et 1906 d’essai, bien que comportant une lame identique et ne différant que par le matériau de leur poignée, seraient l’objet de traitements différents. On pourrait multiplier à l’infini les absurdités générées par un tel critère. Faudrait-il diviser par deux le nombre des pièces susceptibles d’être collectionnées ? Faudrait-il interdire de collection toutes les armes blanches de la Guerre de 1914, les ersatz, les couteaux de tranchée témoins d’un passé historiques qui remonte à plus de 80 ans ? Il y a des collectionneurs paisibles qui ne s’intéressent qu’à l’histoire de cette époque. Devront-ils renoncer à préserver les objets de ce passé ? Ajoutons que le critère d’âge est non seulement arbitraire et absurde mais aussi inapplicable. En l’absence de date frappée sur l’objet, dans bien des cas, il sera totalement impossible pour le fonctionnaire de police ou de douane de distinguer la pièce antérieure à 100 ans d’âge de celle qui ne l’est pas. A quoi sert une réglementation si elle est inapplicable en pratique ?

Un peu de bon sens !

De nombreux objets quotidiens, du couteau de cuisine aux ciseaux en passant par le taille haies ou la voiture que nous conduisons comportent un certain danger. Le danger n’est pas tant dans l’objet lui-même que dans l’utilisation que l’on en fait. Le collectionneur ne se procure pas une arme blanche pour aller blesser son voisin, son utilisation toute pacifique consiste à la sauver de la destruction, la placer dans sa maison à l’abri des voleurs et des voyous, l’étudier et au besoin la restaurer.

Ne nous trompons pas de cible. Ce n’est pas le collectionneur qui ira faire le coup de poing dans la rue avec une arme de sa collection. Il y tient beaucoup trop pour cela. Ce sont les fauteurs de trouble et les délinquants que l’on trouvera dans la rue une arme à la main, mais à coup sûr, à un vieux couteau de tranchée de la Première Guerre, ils préféreront une batte de base-ball, une chaîne, un pavé ou une barre de fer, voire un bon couteau de boucher. Dans ces conditions, en quoi le fait de soumettre le collectionneur d’armes blanches à une réglementation tatillonne et contraignante pourrait-il contribuer à lutter contre la violence ?

Les collectionneurs demandent le droit d’acquérir et de détenir toutes les armes blanches quelles qu’elles soient pour constituer une collection qui, un jour peut-être, reviendra d’ailleurs à un musée public. Ils veulent pouvoir le faire sans formalité et sans restriction.
Ils considèrent en bonne logique que dans le cas contraire il faudrait aussi réglementer les couteaux de cuisine et les ciseaux de couture et soumettre leur achat à déclaration... Ils pensent qu’un critère de date, à propos de ce type d’armes, est dénué de sens et inapplicable dans la pratique. Ils estiment que la nécessité de déclarer leur achat, en les portant par exemple sur un registre comme cela existe en Italie, reviendrait à signer l’arrêt de mort de la collection des armes blanches et à renoncer à l’héritage culturel qu’elles représentent.

En revanche, ils préconisent une application stricte de la loi concernant « le port et le transport sans motif légitime » des armes concernées. Cette loi existe en France. Il suffit de la faire respecter et d’en renforcer l’application non seulement en France, mais partout en Europe. Contrairement à une arme à feu (avec laquelle il est toujours possible de tirer depuis une fenêtre), une arme blanche conservée au domicile du collectionneur ne présente strictement aucun danger pour la sécurité publique. En revanche, elle n’a rien à faire dans la rue. C’est sur ce plan qu’il faut agir.

Les armes blanches et la directive

Que veulent les collectionneurs qui souhaitent introduire les armes blanches dans la Directive ?

Ils veulent, toute affaire cessante, fixer un critère de date pour les armes non à feu. Peu importe que ce critère soit inadapté, qu’il soit arbitraire, qu’il lèse les collectionneurs d’armes blanches. Peu importe qu’il soit inapplicable dans la pratique. Peu importe qu’il ne tienne aucun compte des caractères spécifiques des armes non à feu dont la diversité (de l’arbalète au couteau de combat) ne peut de toute évidence s’accommoder d’une réglementation unique. Comment se fait-il qu’ils soient allé chercher des particularités techniques touchant à des points secondaires et insignifiants quand il s’agit de la réglementation des armes à feu et qu’ils fassent une étude pointilleuse de ces dernières tandis qu’ils donnent le premier critère venu pour les armes non à feu, sans avoir ébauché la moindre étude à leur sujet et en ayant refusé la moindre discussion sur ce problème depuis le début de nos échanges ?

Ils souhaitent, disent-ils, une loi commune pour les 15 pays appartenant à la communauté européenne. C’est faire bon marché des différences de mentalité et de culture. L’harmonisation préconisées dans la Directive n’a jamais signifié uniformisation au mépris de la liberté des Etats membres et dictature de quelques-uns sur tous les autres.

Ils veulent, prétendument, introduire dans la Directive une réglementation sur les armes non à feu pour améliorer le sort des pays les plus sévèrement réglementés. C’est illusoire, car en vertu de l’article 3 de la Directive, rien n’oblige un Etat-membre à adopter la réglementation de la Directive s’il la trouve trop libérale. Donc rien à gagner pour les pays les plus mal lotis et tout à perdre pour ceux qui ont un peu plus de liberté. Certains pays dont la France jouissent d’une réglementation relativement libérale en matière d’armes blanches. Cela ne veut pas dire que la liberté y est totale. Une réglementation existe et elle est raisonnable. Pourquoi accepterions-nous de fixer un critère (d’ailleurs absurde et inapplicable) qui viendrait l’aggraver sous prétexte que la réglementation est plus sévère que chez nous en Hollande ou ailleurs ? Les Finlandais qui, en matière d’armes à feu, ont le droit de détenir les armes de guerre modernes, sont-ils prêts à renoncer à leurs privilèges, sous prétexte que les Espagnols n’ont aucune liberté, surtout en sachant que leur sacrifice ne servirait à rien ?

Que voulons nous ?

Nous demandons la liberté de collectionner les armes blanches sans limitation de date, accompagnée d’une application stricte de la réglementation du port et du transport sans motif légitime de ces armes.

Nous estimons que ce sont les conditions indispensables pour permettre de satisfaire les légitimes aspirations des collectionneurs et la conservation du patrimoine dans le respect de la sécurité publique.

Nous refusons en tout cas que les armes non à feu et en particulier les armes blanches soient introduites subrepticement dans une Directive qui a pour objet essentiel les armes à feu. Nous ne voulons pas qu’elles servent de monnaie d’échange et que l’on propose pour elles une réglementation inutilement restrictive afin d’essayer d’obtenir en contrepartie des règles plus libérales concernant la collection des armes à feu modernes (soumise à déclaration ou même prohibées) qui n’intéressent qu’une minorité. Telle est cependant l’intention déclarée de certains.

Si les armes non à feu et en particulier les armes blanches doivent être réglementées sur le plan européen, nous ne voulons pas que ce soit fait à la sauvette et aux dépens d’une catégorie de collectionneurs. En tout état de cause, nous pensons qu’une telle réglementation ne pourrait se faire que dans le cadre d’une Directive spécifique et après une étude approfondie des armes non à feu, comme celle qui a été faite sur les armes à feu.

 

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