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Tempête à Liège : les Français rendus indésirables à l’école d’armurerie ?

jeudi 13 février 2025, par UFA

Avec le changement de majorité politique à la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), qui supervise l’enseignement secondaire en Belgique francophone, un décret-programme a été adopté en novembre dernier. Celui-ci introduit plusieurs réformes ayant un impact direct sur l’école d’armurerie de Liège et ses sections phares.

- Réduction de 3 % du nombre de périodes de cours organisables l’an prochain : cette baisse aura un impact direct sur l’encadrement des élèves et limitera les projets que l’école peut mettre en place.

- Interdiction d’inscription en 7ème année de spécialisation pour les étudiants majeurs titulaires d’un diplôme équivelent au BAC G : cette mesure touche trois formations emblématiques de l’école.
- La spécialisation bois, qui forme à la fabrication, la réparation et l’entretien des crosses.
- La spécialisation métal, axée sur l’acquisition de gestes techniques avancés pour la réparation et l’entretien des armes.
- La spécialisation gravure, qui permet d’apprendre des techniques uniques, notamment en incrustation.

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L’atelier de mécanique

En restreignant l’accès à ces cursus, c’est tout un savoir-faire qui risque de disparaître.

  • Interdiction d’inscription en 4ème année pour les étudiants majeurs n’ayant pas fréquenté une école en Belgique au préalable : une décision qui menace directement la formation en armurerie et spécifiquement ciblée vers les étudiants français.

Ce cursus exige trois années complètes pour atteindre un niveau suffisant à la fois pour le marché de l’emploi pour les standards élevés de l’École. La 4ème année est essentielle : c’est celle-là qui permet aux étudiants d’acquérir la maîtrise des outils et des gestes techniques indispensables à leur futur métier (lime, ajustage, machines-outils). Sans cette base, les années suivantes – consacrées aux mécanismes internes et à la fabrication de pièces et systèmes complets – deviennent inaccessibles.

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La mise "à bois"

Cette restriction d’inscription pour les élèves étrangers, confirmée par le Cabinet de la Ministre, entraînera une chute brutale des inscriptions, mettant en péril la survie même des sections et de l’école.
La situation est similaire pour la formation en gravure, la seule au monde dédiée à la gravure sur arme, où l’excellence et la maîtrise demandent un apprentissage tout aussi rigoureux. Il en va de même pour les sections de bijouterie et d’horlogerie, qui subissent des contraintes identiques.

Ces mesures ne sont pas de simples ajustements administratifs : elles compromettent la transmission de savoir-faire rares et menacent l’avenir de formations uniques.

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Un fusil très spécial ; le développement du génie provoqué/développé par l’école !

Conséquences concrètes de ces mesures ?

Le modèle économique de l’école repose sur les élèves inscrits, dont le nombre de périodes de cours détermine la viabilité des sections l’année suivante. L’armurerie, la gravure, la bijouterie et l’horlogerie sont des formations phares qui attirent les étudiants et assurent la pérennité des 20 autres sections, réparties sur trois bâtiments principaux. Restreindre l’accès des étudiants français et étrangers entraînera un effet domino : une baisse drastique des inscriptions, compromettant le financement des sections et pouvant aller jusqu’à la fermeture pure et simple de l’école.
La structure unique de l’école, issue de la fusion de trois établissements, repose sur un socle de périodes larges pour fonctionner. Sans les apports des formations clés, l’ensemble du système devient intenable.

Impact chiffré :
Si ces mesures sont appliquées, ce seront 120 étudiants en moins, soit un quart de l’effectif total, 350 périodes de cours perdues, 15 postes d’enseignants supprimés (minimum).
Ces chiffres sont des estimations basses. Les scénarios internes les plus pessimistes envisagent jusqu’à 30 % des options supprimées, voire la fermeture complète de l’école.

Une spécificité qui interdit toute alternative :
Les formations en armurerie et en gravure sont soumises à l’agrément du gouvernement fédéral. Aucune autre école en Belgique ne subit cette contrainte, rendant toute alternative impossible et justifiant une demande de dérogation urgente.

Si ces restrictions sont maintenues, c’est un savoir-faire unique qui disparaîtra, et avec lui, une institution d’excellence reconnue bien au-delà des frontières belges.

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La touche finale de la fabrication d’un fusil de chasse

Échéances et Urgences

Le calendrier des décisions est serré, et chaque étape est cruciale pour l’avenir de l’école :
- le nombre d’élèves déterminant le financement de l’école est fixé après passage d’un vérificateur au début du mois de mars. C’est à partir de cette date que le destin de l’école et des sections sera déterminé et que le nombre de périodes de cours disponibles sera alloué.
- Les portes ouvertes ayant lieu le 31 mars prochain, l’école doit impérativement être en mesure de rassurer étudiants et parents quant à l’avenir de ses formations.
D’ici là, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles doit prendre conscience de l’impact de ces restrictions sur des filières artisanales uniques qui forment des artisans qualifiés, reconnus et recherchés dans le monde entier.

Une Dérogation : une nécessité absolue

L’octroi d’une dérogation pour permettre l’inscription des étudiants étrangers, conformément aux accords de mobilité estudiantine de Bologne, est indispensable pour assurer la continuité de des formations et la pérennité de l’école.
Des actions de résistance sont en cours, notamment organisées par des associations visant à protéger le patrimoine armurier en Belgique ou sa pratique ainsi que le secteur industriel lié. Une réponse officielle a été promise avant le 31 mars. En attendant, il est impératif de communiquer que l’école continue de fonctionner normalement et que les portes ouvertes auront bien lieu. Toute confusion ou doute risquerait d’entraîner une baisse des inscriptions, ce qui serait fatal pour l’établissement.

La résistance doit donc maintenir la mobilisation et faire entendre son message :
- L’école, ses enseignants, l’industrie liée et ses élèves, actuels et anciens, sont parfaitement motivés ;
- L’école est bien ouverte et continue d’accueillir des étudiants ;
- Les portes ouvertes du 31 mars auront bien lieu.

L’enjeu est clair : garantir la survie de l’école et la transmission de savoir-faire rares et précieux.

L’UFA a adressé une lettre au président du Parlement wallon pour lui exprimer sa consternation.

Il est impensable qu’une école ou une université se replie sur elle-même. Peut-on imaginer Oxford et Cambridge accessibles uniquement aux Anglais, ou la Sorbonne réservée aux Français ?
Liège doit, elle aussi, rester ouverte sur le monde !

Voir aussi :
- 2024 - École de liège : symbole de l’armurerie en danger ;
- 2015 - Journée Journée "portes ouvertes" à l’Ecole d’armurerie de Liège "portes ouvertes" à l’Ecole d’armurerie de Liège.
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La façade de l’école fondée le 8 février 1897, telle qu’elle existe depuis ce jour.

Rel. LV-13/02/25

 

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