Article paru dans la GA N°462 de mars 2014

Les munitions et les collectionneurs

mardi 1er septembre 2020, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Depuis 40 ans, les munitions tirées par les armes de collection sont classées dans la catégorie des armes de collection libres à l’acquisition et la détention.



- Le décret de 1973 limitait ce classement à « sous réserve qu’elles ne contiennent pas de substances explosives ». Mais cela était équivoque et pouvait éliminer toutes les munitions chargées.
- Celui de 1995 a clarifié la situation en la complétant : « sous réserve qu’elles ne contiennent pas d’autre substance explosive que de la poudre noire ».
- L’article R311-2 du CSI, classe dans la catégorie D§j) :
« j) Munitions et éléments de munition à poudre noire utilisables dans les armes historiques et de collection... »

Ainsi, selon la règlementation actuelle, pour qu’une munition soit classées "collection" il faut qu’elle remplisse plusieurs conditions cumulatives :
- qu’elle soit chargée à poudre noire,
- qu’elle soit utilisable dans les armes de catégorie D§e), D§f) ou D§g).
Il est clair que les munitions chargées à poudre vive ne sont pas considérées comme munitions de collection. Cette poudre inventée dès 1886 s’est généralisée sur le marché civil à partir de 1895. Le texte précise que ces munitions (à poudre noire) peuvent être détenues par des mineurs de plus de 9 ans [1] avec l’autorisation de l’autorité parentale, et que pour les majeurs la détention est libre [2].

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Un obus destiné à une pièce d’artillerie d’un modèle antérieur à 1900, vide ou chargé à poudre noire, est une pièce de collection classée en catégorie D§j).
Si la douille est neutralisée, alors cela devient un matériel non classé.

En outre, les éléments de ces munitions sont également classés en collection. La liste de ces éléments n’est pas reprise dans les définitions, mais il est facile de supposer qu’il s’agit des étuis, projectiles et amorces. La poudre étant incorporée dans une règlementation particulière qui limite à 2kg la détention [3]. A noter que sous la révolution française, la quantité permise était de 5kg [4].

Ce qui est permis

- les munitions d’origine ou refaites pour les armes classées en D §J) et qui n’ont pas été reclassées. A la condition que le chargement soit bien effectué avec de la poudre noire.

- les douilles, projectiles ou amorces.
Des collectionneurs ont eu des difficultés avec des armuriers qui leur demandaient une licence de tir ou permis de chasser alors que cela n’est pas nécessaire pour l’acquisition de munitions ou éléments utilisables dans les « armes historiques et de collection » qui sont libres !

- la détention de 500 munitions actives de catégorie C §6, 7 et 8  [5]. Il s’agit d’une mesure générale qui permet la détention des munitions et (non l’acquisition) sans avoir à présenter quoique ce soit comme justificatif ni récépissé d’armes. C’est une sorte de passe droit fait à l’origine pour éviter que les anciens chasseurs ou tireurs soient embêtés avec les munitions qui leur resteraient après la vente de leurs armes. Cela n’a rien à voir avec l’interdiction faite aux titulaires de la carte de collectionneur de posséder des munitions actives [6] Il tombe sous le bon sens que ce qui est autorisé pour tout le monde ne pourrait pas être interdit aux seuls titulaires de la carte de collectionneur.

- Les munitions inertes.
Le CSI en donne la définition claire : « munition factice qui ne peut être transformée en une munition active ». Aucune information n’est donnée sur la provenance d’une munition inerte. Précisons qu’une munition factice est fabriquée à partir d’éléments neufs ou récupérés ; ce n’est pas une munition neutralisée. Ces matériels ne sont pas classés dans les catégories.

Ce qui n’est pas libre à l’acquisition

  • les munitions d’origine ou répliques qui seraient chargées à la poudre vive, En effet le texte est bien clair sur ce point, les munitions doivent être chargées à poudre noire pour être classées en D § j).
  • les munitions conçues pour des armes classées dans une catégorie supérieure. Ces munitions ne seront délivrées uniquement qu’aux :
    • détenteurs d’autorisation de catégorie B pour les munitions utilisables dans leurs armes ainsi que celles reclassées en B par l’arrêté du 24 août 2018
    • titulaires d’une licence de tir ou d’un permis de chasser pour les munitions utilisables dans les armes de catégorie C ou reclassées dans cette catégorie par l’arrêté du 2 septembre 2013
    • A noter que certaines munitions de catégories C [7] ne sont délivrées que pour les titulaires d’un récépissé de l’arme correspondante.
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Les pyrotechophiles
Durant tout le processus législatif, l’UFA a demandé à ce que soit reconnue la collection de munitions. Mais il y a eu une farouche opposition du gouvernement d’alors et les parlementaires ont suivi. Dommage !
Les collectionneurs en sont donc réduits à ne s’intéresser qu’aux munitions à poudre noire, inertes ou neutralisées.
Document aimablement fourni par Rest-Art.

Rechargement

Le rechargement est autorisé dans un cadre privé et pour soi-même. Il est interdit aux particuliers de vendre les munitions qu’ils auraient rechargées : Art R311-1 du CSI : « Fabrication illicite : Fabrication, transformation, modification ou assemblage d’une arme, de ses éléments essentiels finis ou non finis, ou de munitions sans autorisation ou sans avoir appliqué les marquages d’identification, à l’exclusion des opérations de rechargement effectuées dans un cadre privé à partir d’éléments obtenus de manière licite ; »

Attention c’est pourtant une pratique courante si l’on en croit les munitions qui sont en vente sur les « petites annonces. »

Attention aux dérives

Certains tireurs utilisent des munitions chargées à poudre noire alors qu’à l’origine ces munitions n’ont été chargées qu’à la poudre vive. C’est à notre avis trop tirer sur la corde et à déconseiller.
Par exemple : on pourrait imaginer charger une munition de 38 auto à poudre noire et dire qu’elle est destinée au Colt 1900 classé en catégorie D§g). Elle serait en effet à « poudre noire » et « utilisable dans des armes de collection » . Mais il faut être raisonnable et éviter cela.

C’est avec raison que les pouvoirs-publics acceptent que les collectionneurs puissent faire revivre occasionnellement leurs "vénérables ancêtres".
Si beaucoup de collectionneurs ne sortent jamais leurs "trésors" historiques d’une vitrine, il en est quelques-uns qui ont le souhait bien légitime de faire naître quelques nuages blancs avec leur "pétoire", avec le respect dû à ces pièces souvent de grande valeur.
Il est important bien sûr d’user de toutes les précautions d’usage et de mériter, par un comportement exemplaire, la confiance accordée par les pouvoirs publics aux collectionneurs d’armes historiques, cela dans la continuité des textes précédents. Cette confiance est méritée du fait que depuis 1939 les collectionneurs n’ont jamais défrayé la chronique.

Munitions neutralisées

Dans son Art. R311-1 § 26° le CSI définit ainsi la munition neutralisée : « Munition neutralisée : munition dont le projectile a un diamètre inférieur à 20 mm et dont la chambre à poudre présente un orifice latéral d’un diamètre au moins égal à 2 mm ne contenant plus de poudre et dont l’amorce a été percutée. Ces matériels ne sont pas classés dans les catégories.
Les munitions à chargement d’emploi particulier, explosives ou incendiaires, restent dans tous les cas réputées fonctionnelles ; »
Auparavant, il fallait passer par un armurier pour cette neutralisation, cette obligation vient de disparaître.

Ce qui signifie que : L'artisanat de tranché
- les munitions explosives ou incendiaires ne peuvent pas être neutralisées.
- les gros calibres non plus. Les autorités veulent ainsi éviter la recherche d’anciens explosifs sur les champs de bataille.

L’artisanat de tranchées

Les soldats de la Grande Guerre ont réalisé de véritables oeuvres d’art à partir de matières premières trouvées sur le champ de bataille. Les douilles d’obus d’artillerie que l’on trouvait alors à foison ont permis aux soldats d’occuper leur temps libre en réalisant des objets en laiton qu’ils décoraient artistiquement. Véritable art populaire, l’artisanat de tranchées rappelle aujourd’hui ce terrible conflit du XXe siècle. Egalement, les ouvriers des manufactures ont souvent occupé leurs « heures creuses » à faire des objets décoratifs qu’ils fabriquaient à partir de pièces détachées d’armes ou de munitions. Cet art populaire n’est pas classé dans les catégories.

Les douilles vides d’artillerie

Pour les douilles vides de plus de 20 mm, en prenant les textes actuels à la lettre, tous ces vestiges du patrimoine encore bien présents dans les familles, seraient interdits. Cela serait inconcevable. C’est pourquoi l’UFA fait le siège des deux Ministères (Défense et Intérieur) depuis 2013, et est en passe de réussir.

Voir aussi :


[725-20 Winchester (6,35 × 34 R) ; 32-20 Winchester (8 × 33 Winchester) ou 32-20-115 ; 38-40 Remington (10,1 × 33 Winchester) ; 44-40 Winchester ou 44-40-200 ; 44 Remington magnum ; 45 Colt ou 45 long Colt ; 7,5 × 54 MAS ; 7,5 × 55 suisse ; 30 M1 (7,62 × 33) ; 7,62 × 51 ou (7,62 × 51 OTAN) ou 308 Winchester ou 308 OTAN ; 7,92 × 57 Mauser ou 7,92 × 57 JS ou 8 × 57 J ou 8 × 57 JS ou 8 mm Mauser ; 7,62 × 54 R ou 7,62 × 54 R Mosin Nagant ; 7,62 × 63 ou 30,06 Springfield ; 303 British ou 7,7 × 56.