Article paru dans la Gazette des armes N° 528 d’avril 2020
La définition des armes anciennes possiblement remise en question ?
samedi 9 mai 2020, par
Tout le monde se souvient de notre succès législatif avec la loi de 2012 qui a inscrit dans le marbre de la loi, la date de 1900 comme date butoir pour le modèle des armes anciennes. Le Conseil d’État avait rejeté définitivement l’introduction d’une quelconque date de fabrication, avec pour argument que celle-ci est impossible à déterminer et ouvrirait la porte à de nombreux contentieux ou querelles d’experts.
Et rebelote avec la loi de 2018, alors que le gouvernement voulait supprimer de la loi la fixation du classement des armes de collection en catégorie D pour le faire par décret. A cette époque, nous avons été magistralement soutenus par les députés qui ont beaucoup parlé des collectionneurs dans l’hémicycle.
Nous pensions que cette définition raisonnable franchirait les décennies. Mais faudrait-t-il croire que, si les parlementaires aiment les collectionneurs, l’administration reste plus réservée à leur encontre ?
Mais faudrait-il croire que l’État n’aime pas les collectionneur, car le Ministère nous a annoncé en juin dernier qu’il pensait être contraint par la règlementation européenne de substituer au mot « modèle » celui de « date de fabrication ». Pour ne pas déclencher la tempête dans le monde de la collection, l’UFA a choisi de garder pour elle cette menace. Pour convaincre le Ministère, nous avons produit un rapport de 12 pages [1] (!) pour expliquer l’articulation juridique du millésime par rapport à l’Europe. Nous ne savons même pas si notre dossier a été lu parce que nous n’en avons eu aucun retour.
Si aujourd’hui nous sortons de notre silence, c’est parce que le RGA classe en catégorie C toutes les armes d’épaule qui ont été modifiées par rapport au modèle d’origine.
Soit par le calibre sur les armes à verrou que, dans les années 2000, on a voulu faire passer de l’ancienne 1ère catégorie en calibre civil de 5ème catégorie. Ainsi on retrouve le Lebel rechambré en 8X348 classé en catégorie C1°§b) alors que le modèle original reste en catégorie D§e). Et la loi de 2012 avait définitivement abandonné le classement par calibre.
Soit pour des modifications mineures postérieures à 1900 et qui ne modifient pas la dangerosité de l’arme.
Comme vous avez été très nombreux à vous étonner de ces classements, nous nous sentons obligés à communiquer sur ce sujet alors que nous voulions tout vous raconter une fois l’orage passé.
Conséquences si la mesure passe
C’est la résurgence du bon vieux fantasme écolo-administratif : « les armes c’est mal et ce n’est qu’en les réprimant, que l’on désarmera les criminels potentiels. »
Ceux qui soutiennent cette contre-vérité, oublient que les armes concernées sont en majorité des antiquités conçues au XIXème siècle, qui sont aujourd’hui dépourvues de toute valeur opérationnelle. Il s’agit seulement d’objets qui peuvent comporter un danger s’ils sont placés entre les mains d’un forcené, d’un fanatique ou d’un imprudent : tout comme un couteau, un marteau, une automobile ou une tronçonneuse, par exemple.
Il est à noter que les 30 ans gagnés sur la date de référence modèle (1870 auparavant 1900 depuis 2013), n’ont donné lieu à aucune « infraction avec arme » de la petite ou grande délinquance, il est vrai que ces « gens-là » se procurent du matériel plus moderne et performant !
Si le changement législatif évoqué était opéré :
d’un simple trait de plume, de très nombreux collectionneurs, tireurs ou chasseurs, se retrouveraient détenteurs d’armes qu’ils avaient acquises légalement en catégorie D§e) collection et qui ne le seraient plus ! Ces armes nouvellement surclassées en catégorie C) feraient d’eux des victimes de « la criminalisation du citoyen ordinaire » et à ce titre passibles de sanctions pénales dont l’inscription au FINIADA. Une « insécurité juridique » d’une telle envergure est inacceptable !
le marché noir des armes reprendrait de plus belle, non pas parce que les contrevenants voudraient échapper au risque d’inscription au FINIADA, mais tout simplement par « phobie administrative », comme a jadis osé l’affirmer un ancien ministre [2] malgré son devoir d’exemplarité.
En créant cette situation de « chaos » dans le monde de la collection d’armes, par son intransigeance et son arbitraire, l’administration précipiterait beaucoup d’amateurs d’armes dans l’illégalité avec un risque avéré de délinquance et réactiverait un trafic d’armes, qui avait pour un temps quasiment disparu en dehors des milieux du banditisme et du terrorisme.
Et pour ceux qui se mettraient en règle, le nouveau « SIA » devrait prévoir la régularisation d’armes dispersées dans la nature, ce qui s’est toujours avéré compliqué à gérer.
Ajoutons enfin, que certaines de ces armes ont été achetées fort cher par leur actuel détenteur, souvent au prix d’efforts financiers considérables. Leur surclassement se traduirait par une dévaluation qui constituerait une véritable spoliation pour leurs propriétaires.
Comment la mesure pourrait passer ?
La définition des armes historiques et de collection est inscrite dans la loi de 2012 : « Sauf lorsqu’elles présentent une dangerosité avérée, les armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900 ». Ces armes « historiques et de collection ainsi définies sont classées en catégorie D, armes et matériels dont l’acquisition et la détention sont libres », donc il faudrait que les parlementaires modifient la loi ! Difficile d’imaginer que les 577 députés et 348 sénateurs qui avaient voté à l’unanimité en 2012 cette définition puissent faire volte-face.
Sur le plan pratique, si cette modification devait être initiée par le gouvernement, ce serait dans le cadre du projet de loi sécurité 2020 qui est dans les tiroirs, peut être en raison de la pandémie ?
Pourquoi être optimiste ?
Ce changement de modèle par fabrication relèverait de la pure idéologie. C’est-à-dire que l’administration ne tiendrait pas compte de la réalité du terrain.
Dans sa grande sagesse, le Conseil d’État en 2012 avait vu juste : le « modèle » est relativement facile à déterminer et l’information est bien souvent inscrite sur l’arme elle-même. La date du brevet protégeant le mécanisme de l’arme ou la date d’adoption d’un « modèle » par une armée sont assez faciles à déterminer. A l’UFA nous avons des historiens qui se sont fait une spécialité de répertorier toutes ces dates.
Alors que la date de fabrication est souvent impossible à préciser. En dehors de certains grands fabricants américains comme Colt, Smith & Wesson ou Winchester, les archives de fabrication sont perdues depuis longtemps ou ne sont plus accessibles. L’établissement de tableaux de correspondance entre les numéros de série de tel ou tel modèle d’arme et la date de fabrication des exemplaires correspondants nécessiterai un travail de recherche qu’aucune administration ne peut se permettre à une époque où l’on cherche au contraire à rationaliser le travail des fonctionnaires, afin d’en diminuer le nombre.
Cette mesure est absolument impossible à mettre en place et, comme disait Saint Thomas d’Aquin, « a l’impossible nul n’est tenu ». Toute cette affaire n’aurait été qu’une grande frayeur inutile.
Clin d’œil : |
A lire aussi. Il est facile de constater que si nous sommes dans cette situation, ce n’est pas faute d’avoir porté la réflexion depuis 2013 : Interprétation du terme « Modèle ». Plaidoyer pour définir le mot « Modèle ». Modèle n’est pas date de fabrication ! Modèle ou date de brevet ? Notre rapport sur l’aspect juridique de la fixation du millésime à 1900 |
[1] Rapport sur l’aspect juridique de la fixation du millésime à 1900, date de fabrication ou de modèle ? En l’absence de réponse, nous ne savons même pas si l’administration en a pris connaissance.
[2] Thomas Thévenoud condamné pour fraude fiscale,
[3] Mais vu que la situation pandémique entraine le report de tous les évènements à l’automne, il est possible que nous décalions au printemps 2021