Article paru dans la gazette des armes 524 de novembre 2019

Armes anciennes : un agrément pour les commerçants ?

dimanche 20 octobre 2019, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Depuis la parution de notre article le monde de l’arme ancienne est en émoi, comme si tout était déjà décidé. Non, rassurez-vous, c’est juste une interrogation du Ministère. Et nous pensons avoir donné les arguments nécessaires pour que cela n’arrive pas. La finalité de cet article se veut rassurante.

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Pendant des siècles, la profession d’armurier était libre. Tableau d’Edgar Melville Ward, 1885.

La question qui se pose est de savoir si les commerçants en armes anciennes doivent obtenir l’agrément d’armurier pour vendre des armes à feu classées armes de collection (catégorie D§e) ou g), la Directive Européenne l’obligerait.

Ce que dit la Directive

Ce sont les États qui établissent un système réglementant les activités des armuriers de la manière suivante « contrôlant de l’honorabilité professionnelle et privée et des compétences pertinentes de l’armurier » [1]. Ainsi, les armuriers doivent être agréés par l’État pour la vente des armes qui rentrent dans le champ d’application de la Directive. Il s’agit des armes des catégorie A, B et C, la Directive ne reconnaissant pas d’autre catégorie, la catégorie D étant propre à la France.
Concernant les armes de collection, la Directive les exclut expressément de son champ d’application : « sont considérées comme armes anciennes dans la mesure où elles n’ont pas été insérées dans les catégories figurant dans la partie II et sont soumises aux législations nationales . » [2]
A noter que la Directive a été faite pour organiser et sécuriser le marché intérieur et organiser la libre circulation des armes au sein de l’UE. Elle n’a aucun pouvoir en matière de sécurité qui reste le privilège des États, ouf !

Ce que dit l’ONU

Le protocole de l’ONU stipule que les armes anciennes doivent être définies par les États tout en « n’incluant en aucun cas les armes à feu fabriquées après 1899 ». Par une déclaration la France a confirmé qu’elle appliquera « la définition des armes historiques et de collection donnée par son droit interne ».
A notre sens, une distinction s’impose entre armes anciennes, qui sont plus des antiquités que des armes et armes de collection (catégorie D), qui peuvent être d’un modèle postérieur à 1900 (comme les carabines-pistolets Luger modèle 1902 par exemple), qui peuvent être détenues librement par les collectionneurs sur décision du gouvernement.

Douanes et jurisprudences européennes

Le marché de l’objet ancien et de collection est un marché ne répondant pas aux critères habituels des biens de consommation courante. Il n’existe pas de production récente, mais des objets du passé qui ont survécu.
Cette distinction est consacrée par une différenciation douanière dont la nomenclature internationale a réservé aux « antiquités de plus de cent ans d’âge », une rubrique à ce type d’échange qui échappe à la mécanique traditionnelle. [3]
La cour de justice européenne a produit une jurisprudence abondante, notamment :
-  « …sont relativement rares, ne sont pas normalement utilisés conformément à leur destination initiale, font l’objet de transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires utilisables, ont une valeur élevée et marquent un pas caractéristique de l’évolution des réalisations humaines ou illustrent une période de cette évolution. » [4]
-  « …la finalité de la franchise vise à faciliter les échanges culturels et éducatifs entre les peuples… » C’est donc bien pour son but « culturel » que l’arme de collection doit être considérée et sa détention facilitée. [5]

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La vente d’armes à feu anciennes par des professionnels ou les transferts par des particuliers sont complètement du domaine de l’antiquité et des bourses d’échange. Il n’y a aucun rapport avec l’armurerie.

Nous déduisons

Du fait de sa nature, l’arme de collection ou arme ancienne (selon les terminologies), échappe au droit commun des armes. L’organisation de son commerce est atypique et relève plus de celui de l’antiquité que de celui des armes.
Dans le monde entier, elles sont vendues par des antiquaires, même si exceptionnellement des armuriers en font le commerce.
L’ONU ne les reconnaît pas comme « arme » et l’UE renvoie leur réglementation aux États.
Obliger les commerçants à passer un CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) pour obtenir un agrément serait hors de proportion avec le sujet lui-même, comme si on prenait un char d’assaut pour écraser une fourmi. Et puis, au fil des années de pratique sur le terrain, ces spécialistes sont devenus des experts dans le domaine de l’arme de collection. Cela s’exprime par le nombre d’ouvrages sur le sujet.
Et cela entraînerait une conséquence sur les particuliers qui se « transfèrent » des armes anciennes entre eux, soit par une vente soit par un échange. Avec la mise en place de l’agrément d’armurier pour les armes à feu de la catégorie D, ils devraient passer par un armurier comme pour les armes des autres catégories. C’est probablement excessif comme situation, d’autant plus que ces transactions n’ont pas de finalité lucrative, mais simplement de faire « vivre » une collection d’armes pour des raisons « historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine. » Il s’agit d’y adjoindre la pièce rare qui manque !

Et pour l’administration, ce serait une formalité lourde de plus à gérer, alors que dans la pratique elle est parfaitement inutile, et que les institutions internationales laissent la liberté aux États de décider. Alors, décidons simplement qu’il n’y aura pas besoin d’agrément pour les commerçants en armes anciennes !

Agrément allégé
D’autres professions touchant aux armes seraient soumises à l’agrément. Il s’agit des graveurs sur armes, des professionnels du traitements de métaux, ceux qui pratiquent le marquage laser, les importateurs qui ne travaillent qu’avec des grossistes ou des administrations, ceux qui ne vendent que des munitions (Decathlon, Game Vert, etc..). Pour eux l’agrément serait allégé, ils n’ont pas à connaître les mêmes éléments que les armuriers.
Notre intervention : nous avons fait un rapport à l’administration sur ce problème.

[3Directive CEE 2658/87 instituant la Nomenclature sur le Système Harmonisé de désignation et de codification des marchandises, appelée "Nomenclature du SH",