L’arrêté du 2 septembre 2013 est plus connu des collectionneurs sous l’appellation de « liste des armes à dangerosité avérée » . Ce texte répondait à une exigence formulée par les parlementaires au moment du vote de la loi du 6 mars 2012. L’acceptation de cette nouvelle législation avait été conditionnée par l’exclusion de la catégorie D2 d’un certain nombre d’armes antérieures à 1900, jugées trop répandues et vues comme des sources potentielles d’insécurité publique.
A l’époque, l’UFA avait adressé des propositions constructives au Ministère de l’Intérieur pour le rédaction de ce texte mais elles n’avaient pas été prises en compte et ce n’est qu’à l’avant-veille de la publication de l’arrêté que notre président avait été averti de sa teneur par un appel téléphonique du ministère !

La rédaction de ce texte était un travail à hauts risques car les armes de la période 1880/1900 ne constituent pas forcément le domaine d’excellence des « experts » du ministère, dont les préoccupations quotidiennes tournent probablement plus souvent autour des Kalachnikov et des Glock ! Mais aussi, pourquoi se priver de l’aide d’une association de collectionneurs qui avait parfaitement compris que la mise en vente libre d’armes dangereuses pour la sécurité publique ne pourrait que nuire à leurs libertés !

Nous imaginons que les rédacteurs de ce texte ont été pris par les obligations du calendrier : la loi devait enter au plus tard en vigueur 18 mois après son vote, soit le 6 septembre 2013 et il fallait impérativement publier la liste des armes exclues de la catégorie D2 auparavant. Nous imaginons sans peine le marathon administratif que la finalisation de ce texte en pleines vacances d’été a dû représenter pour ses auteurs !
L’arrêté du 2 septembre 2013 classe les armes d’un modèle antérieur à1900, exclues de la catégorie D2 par :
– pays, d’origine,
– dénomination,
– marque, modèle,
– calibre métrique.

Malheureusement, le terme « marque » ouvre la voie à toutes les dérives !
Le dictionnaire Larousse le définit comme : « Nom, chiffre ou signe spécial à un commerçant ou à un fabricant », c’est-à-dire : un « logotype », que nous appelons plus couramment aujourd’hui un « Logo ». Une marque, c’est donc l’étoile à trois branches du constructeur automobile allemand Mercedes-Benz, le lion debout du français Peugeot ou le poulain cabré de Colt.
Les rédacteurs de l’arrêté n’ont pas perçu cette nuance et ont confondu « marque » et "fabricant. En outre, ils se sont totalement fourvoyés sur les fabricants réels des armes citées. Voici quelques exemples :

Les revolvers français Modèles 1892 de marque « MAS TOUS MODELES »
Cette rédaction avait pour but de maintenir en catégorie B les revolvers français modèle 1892, jugés encore trop nombreux dans les familles françaises.
« MAS » constitue bien une marque : celle de la « manufacture d’armes de Saint-Etienne », mais en la citant de cette façon dans son texte, l’arrêté a de fait exclu les copies et les fabrications civiles de cette arme, comme les modèles « acier Forgé St Etienne » ou « Lamure et Gidrol ».
Ces fabrications civiles ayant été produites en nombre restreint, l’administration s’est assez bien accommodée de cette faille dans la réglementation, qui fait aussi le bonheur des collectionneurs et il ne faudrait surtout pas revenir là-dessus maintenant !
Les revolvers Suisses modèles 1882 et 1882/29

Parmi les grandes déceptions que l’arrêté du 2 septembre 2013 apportait aux collectionneurs, figurait le classement en catégorie B des revolvers suisses modèles 1882 et 1882/29.
![]() ![]() Cet exemplaire de revolver suisse modèle 1882, produit par la Fabrique Fédérale d’Armes de Berne (Waffenfabrik Bern) ne tombe donc pas sous le coup de l’’arrêté du 2 Septembre 2013 et se trouve classé en catégorie D2. Le fabricant est identifié par la « marque » WF surmontée d’une croix, ici indiquée par une flèche.
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Ces jolies armes à barillet non basculant, tirant des cartouches chargées à poudre noire ne paraissaient pas spécialement dangereuses, mais l’administration s’était inquiétée du trop grand nombre de revolvers de ce type en circulation. L’armée suisse n’a en effet pas pour habitude d’abîmer où de détruire son matériel et une fois que ses citoyens soldats arrivent à la limite d’âge supérieur du service armée, elle a la sympathique habitude de leur faire cadeau de leur arme personnelle. De ce fait, un grand nombre de ces revolvers qui ne sont plus enregistrés, sont disponibles sur le marché, sans pour cela que la Confédération se soit jamais trouvée mise à feu et à sang !
Ces revolvers furent produits par la fabrique fédérale d’armes de Berne (Waffenfabrik Bern) et par la société industrielle suisse (SIG) de Neuhausen. L’arrêté du 2 septembre 2013 mentionne le classement en catégorie B des « revolvers d’ordonnance suisse 1882 et 1882/29, tous modèles et tous calibres de marque Schmidt/SIG. ».
La société SIG constitue indéniablement une « marque ». Les revolvers fabriqués par SIG sont donc classés en catégorie B. Le nom Schmidt évoqué dans l’arrêté est celui de l’officier de l’armée suisse : le colonel Rudolf Schmidt, qui a contribué à la mise au point de la platine du revolver modèle 1882. Ce nom respecté dans le domaine de l’histoire de l’armement ne correspond aucunement à une « marque. »


Un collectionneur nous a récemment fait remarquer que les modèles 1882 et 1982/29 fabriqués par la « Waffenfabrik Bern » étaient ignorés par cet arrêté. En conséquence, puisqu’ils sont d’un modèle antérieur à 1900, ne figurant pas sur la liste des armes à dangerosité avérée, ces armes se trouvent classées, pour un temps, en catégorie D.
Les modèles 1889 « BODEO » italiens

L’arrêté mentionne également les revolvers italiens « Bodeo » modèle 1889 de marque « Bodeo », ce qui est une sottise, car Bodeo n’est pas la marque d’un fabricant : c’est le nom du président de la commission d’armement qui a proposé l’adoption de cette arme : Carlo Bodeo.
A notre connaissance, les fabricants de ces armes sont : « MIDA-Brescia », « N&V Castelli », « Toschi-Castelli », « Siderurgica Glisenti », « Fabrica d’Armi di Brescia », « Fabrica d’Armi Metallurgica Bresciana », « Bernadelli » et peut-être aussi « Beretta, » auxquels il faut ajouter quelques fabricants du pays basque espagnol comme : « Arizmendi y Goenaga », « Eulogio Arostegui » et « Antoni Errasti »… Mais en aucun cas Bodeo !
Un collectionneur qui se verrait inquiéter pour la détention d’un revolver italien modèle 1889 pourrait donc parfaitement objecter que son arme ne tombe pas sous le coup de l’arrêté du 2 septembre 2013 et est classée en catégorie D2 !
Les revolvers russe « NAGANT MODELE 1895 »

Le revolver russe Nagant modèle 1895 est à l’origine de la suppression des armes de panoplie (équivalent de la catégorie D2 française) chez nos amis belges. Ces armes, fabriquées à des millions d’exemplaires par les manufactures soviétiques pendant la Seconde Guerre Mondiale, ont en effet été mises en vente en grande quantité en Belgique pour des prix avoisinant 200 euros, munitions comprises. C’était donc l’exemple même de l’arme à dangerosité avérée, non par ses caractéristiques techniques assez obsolètes, mais par sa grande disponibilité et son faible coût.

Ici encore, la rédaction de l’arrêté est passée à côté de l’objectif ! On lit en effet que les armes exclues de la catégorie D2 sont les revolvers russes Nagant modèle 1895 de marque Nagant.

Or, les revolvers russes modèles 1895 n’ont été fabriqués que pendant quelques années pour le gouvernement du Tsar par la société Emile et Léon Nagant [1]. Les Russes se sont empressés de mettre sur pied une fabrication nationale, qui a commencé à produire des modèles 1895 en 1900 avant d’être interrompue en 1917 par la révolution bolchévique. Après la fin de la guerre civile la production a repris lentement de 1921 à 1933, date de la mise en service du pistolet automatique Tokarev TT33. L’usine polonaise de Radom a également fabriqué des Nagant M95 dans les années trente. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Soviétiques ont relancé à grande cadence la fabrication des Nagant Mle 1895 pour compléter les TT33 disponibles en nombre trop réduit. Les manufactures de Toula et d’Ishevsk en ont fabriqué à pleine cadence enter 1941 et 1945. Les millions de modèle 1895 fabriqués à cette époque et encore souvent disponibles par caisses complètes dans les arsenaux russes et ukrainiens ne sont donc pas de marque Nagant. Ils ne sont donc pas exclus de la catégorie D2 !


Un texte pris sans concertation avec les collectionneurs
Les exemples pourraient être multipliés à l’envie et beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites sur l’inadaptation de ce texte bâclé et établi sans concertation avec les collectionneurs. Voir notre article.
L’UFA demande donc que ce texte soit refondu en concertation avec les amateurs d’armes anciennes qu’elle représente et que cette réécriture soit effectuée dans un esprit plus libéral, car cinq ans après sa publication, il apparaît que les peurs des parlementaires qu’il reflétait se sont révélées vaines et que, s’il faut effectivement exclure de la catégorie D2 les armes qui risquent de troubler l’ordre public, beaucoup des modèles cités dans cet arrêté mériteraient une traitement plus bienveillant.
Ce que les collectionneurs attendent
Alors qu’il était Ministre de l’Intérieur, Bruno Leroux s’est attaché à redéfinir le partage des prérogatives en matière de contrôle des armes et des matériels militaires, entre le Ministère de l’Intérieur et celui de la Défense Nationale. Il a créé au sein du Ministère de l’Intérieur un service centralisé chargé des armes : le SCA.
Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2012, il reste encore à opérer un travail d’actualisation des textes. Mais il importe que cette actualisation soit faite de façon bienveillante et en association avec les collectionneurs que nous représentons.
Il est prudent d’attendre…

Cet article, qui vient de souligner les failles de l’arrêté du 2 septembre 2013, va fatalement entraîner une réaction des autorités. Notre but est de renégocier cette liste d’armes dites de « dangerosité avérée » pour n’y inscrire que les armes qui le méritent en raison de leur trop grande facilité d’accès et leur faible coût. Nous connaissons bien le problème.
En attendant, nous conseillons la plus grande prudence aux collectionneurs qui seraient tentés d’acquérir les armes qui, par les insuffisances de rédaction, seraient classées en catégorie D2. Ce conseil s’adresse également aux professionnels qui seraient tentés d’en importer !
Cet arrêté a été republié le 24 août 2018 avec toutes ses erreurs à l’exception d’une erreur, celle du calibre du MAN, nous l’avions signalé à la DGA il y a quelques années.
Intervention officielles :
– Courrier envoyé à la Ministre Jacqueline GOURAULT sur les anomalies de l’arrêté du 2 septembre 2013. Sa réponse. – Courrier envoyé au SCA sur les anomalies de l’arrêté. Tableau synthétique qui y était joint. – Article qui était joint aux deux courriers, – Extrait de l’article paru dans la Gazette des armes n° 507 d’avril 2018. |
Voir aussi : Comment classer un Colt SAA selon son matricule ? |