Questionnements autour des armes à blanc

jeudi 28 janvier 2016, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Tout le monde sait maintenant que les armes qui ont servi à Coulibaly en janvier étaient vendues pour le tir à blanc par une entreprise Slovaque. Il se fait que de nombreux collectionneurs ont importé ces armes qu’ils trouvaient intéressantes et qu’il y a une volonté de l’administration pour en faire la chasse. Nous avons voulu faire le point sur la question juridique.

Que dit la règlementation sur les armes à blanc : « objet ou dispositif ayant ou non l’apparence d’une arme à feu conçu et destiné par la percussion de la munition à provoquer uniquement un effet sonore et dont les caractéristiques excluent le tir ou la conversion sans recourir à un procédé industriel pour le tir de tout projectile (arme de starter, arme d’alarme) ». Donc, il suffit que l’arme ne puisse pas tirer des munitions normales et qu’un simple particulier ne puisse pas la remettre en état « sans faire appel à un procédé industriel ».

Par ailleurs, les armes sont classées dans la catégorie D2° §i) dont l’acquisition et la détention sont libres pour les personnes majeures.

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Sur le site slovaque www.afg.sk on trouve en un simple clic des armes à blanc pour le cinéma. Si elles posent des problèmes de sécurité,
juridiquement elles sont libres. Alors pourquoi poursuivre ceux qui ont importé des armes non règlementées ?

Perquisitions

L’entreprise slovaque a donné la liste de tous ses clients français. Et, peu à peu, ces derniers reçoivent des visites matinales à la suite d’un ratissage systématique. Parfois, les policiers découvrent des trafics inquiétants, dans ce cas ils ont fait du bon travail, chapeau ! Mais ils tombent souvent sur des collectionneurs parfaitement en règle : toutes les armes détenues sont couvertes par des autorisations, déclarations ou enregistrements. De plus le stockage est conforme aux règles. Malgré tout, un certain nombre d’entre eux sont poursuivis. La raison officielle que l’on a pu voir sur FR3 Alpes c’est « mettre un coup d’arrêt à ce type d’importation ». On a même pu entendre dans des couloirs de palais de justice dans la bouche d’un Procureur : « la bonne foi de ces collectionneurs n’exclue pas le délit pénal ». Pour remettre le droit à sa juste place, rappelons qu’il n’y « pas de délit sans intention de le commettre » [1] de même qu’un texte doit préexister. Ainsi lorsque des collectionneurs sont d’emblée reconnus de bonne foi, pourquoi encombrer la justice qui ne doit s’occuper que des délinquants ? D’autant plus qu’ils détiennent des armes classées en D2° §i).

Confusion

Actuellement policiers, gendarmes et procureurs confondent armes neutralisées et armes à blanc. J’ai même entendu « arme neutralisée pour le tir à blanc », ou encore : « arme à blanc pouvant être facilement remilitarisée ! » Ce sont deux régimes juridiques différents qui répondent chacun à des définitions propres. A tel point qu’un tribunal a remis les choses en clair : « les armes à blanc ne sont pas des armes neutralisées [2]. Mon arrière-grand-mère disait : « quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage », mais quand même, dans nos pays civilisés, il y a d’autres méthodes !

Homologuées

Aujourd’hui, il est connu de tous que Coulibaly a utilisé des armes à blanc venant de Slovaquie qui ont été remises en état. Il est évident que cette remise en état a été faite avec « un procédé industriel » , mais il est interdit d’en savoir plus puisque le dossier est classé secret défense.

En France, il n’existe pas de procédure d’homologation des armes à blanc comme en Allemagne (PTB) ou en Italie le (BNP).
Ainsi, lorsqu’un collectionneur est poursuivi pour l’importation d’armes à blanc, la justice doit apporter la preuve que pour les transformer en armes actives, il puisse le faire sans procédé industriel, c’est à dire un autre outillage qu’une simple perceuse sur une table de cuisine. Et cette preuve ne peut être apporté que par une expertise indépendante, pas l’autorité qui diligente ou contribue à la poursuite. C’est cela l’Etat de droit.

Pourtant il est évident que les contrôles vont s’intensifier ; si cela ne sert à rien, au moins les statistiques ne s’en porteront que mieux. Par contre, il n’est pas exclu qu’un collectionneur qui aura été poursuivi à tort et en toute connaissance de cause poursuive les fonctionnaires fautifs au pénal. Ce n’est pas l’esprit français, mais cela va finir par arriver.

Malgré tout, des collectionneurs se font poursuivre tous les jours et condamnés.
- 2 mois de prison avec sursis. à Longueil-Annel.
- Saisie d’armes à blanc Slovaque à Grenoble. Les honneurs du JT de FR3 Alpes.
- Euronews : la piste Slovaque.