article paru dans la gazette des armes 546 de novembre 2021

SIA : le meilleur avec le risque du pire !

samedi 27 novembre 2021, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Grâce au SIA (Système d’ Information sur les Armes), un très gros travail a été effectué par le ministère de l’intérieur. Il permettra de sortir l’enregistrement des armes d’un système départemental utilisant des outils informatiques déjà obsolètes pour le faire entrer dans le vingt et unième siècle.

Ce nouveau dispositif permettra de mettre fin aux enregistrements effectués sous des noms fantaisistes voire complètement erronés grâce à un gigantesque fichier des armes existantes : le RGA (référentiel général des armes), qui associe chaque modèle d’arme à un code alphanumérique de référence, ce qui évitera les erreurs et les imprécisions dans la saisie des informations. L’étape finale de cette évolution consistera à donner accès à chaque détenteur à son « râtelier numérique », dans lequel seront enregistrées toutes les armes soumises à contrôle de l’État qu’il détient. Ce système permettra à chacun de contrôler l’état de ses déclarations et de modifier les éventuelles erreurs ou les évolutions qui n’auraient pas été prises en compte.
A terme, on peut imaginer que chaque patrouille de police ou de gendarmerie disposera dans son véhicule d’un terminal lui permettant de se connecter au SIA afin de s’assurer que l’arme transportée dans un véhicule contrôlé est bien enregistrée au nom de son détenteur.
Tout ceci paraît à première vue aller dans le bon sens et permettra de libérer chaque détenteur d’armes de la paperasserie qu’engendrait la possession d’un grand nombre d’armes.

Risque d’indiscrétion

Malheureusement, ce merveilleux système comporte une contrepartie : le risque d’intrusion d’individus malveillants dans les fichiers. Le système permettrait alors aux malfaiteurs, extrémistes politiques et terroristes de tout poil, de savoir qui détient des armes et à quelle adresse elles se trouvent. La précision du fichier permettrait même à ces malfaiteurs d’organiser une attaque de domicile (home jacking) ou un cambriolage en fonction des armes qu’ils désireraient se procurer et qu’ils auraient choisi dans les fichiers qui seraient devenus pour eux un catalogue. (Voir article)

Nous avons déjà indiqué l’inquiétude qu’avait suscité chez les détenteurs d’armes l’attaque criminelle perpétrée à la préfecture de police de Paris en 2019 par un informaticien de la direction générale du renseignement criminel : Mikaël Harpon. Cet homme avait poignardé quatre de ses collègues avant d’être abattu par un jeune policier stagiaire. Outre les meurtres abjects qu’il a commis, il est effrayant d’imaginer les dégâts qu’aurait pu causer un tel personnage s’il avait voulu communiquer les fichiers confidentiels auxquels il avait accès à des personnes malveillantes.

Les diverses affaires de vol de données médicales dans les fichiers de la sécurité sociale ou de divers hôpitaux, celle du vol des données personnelles des abonnés de Yahoo, ne sont pas pour rassurer notre communauté et montrent que les hackers parviennent toujours à contourner ou à percer le système de sécurité. On retrouve ici l’éternelle course entre l’obus et la cuirasse !

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Dans l’état actuel des choses, les risques d’indiscrétion sont en effet tels qu’être inscrit au SIA revient pour les détenteurs d’armes à clouer sur leur portail une pancarte « Cette maison contient trois pistolets de calibre 9mm, deux fusils semi-automatiques de calibre 5,56mm et un fusil calibre 12 » !

Des adresses de chasseur mises en ligne pour les « harceler » !

Une récente affaire survenue en Grande Bretagne vient confirmer les craintes des amateurs d’armes. Dans ce pays, ces derniers sont répertoriés sur un fichier appelé « Guntraders ». Ce fichier contenant le nom, l’adresse et la liste des armes détenues par plus de 100 000 chasseurs et tireurs sportifs, a été mis en ligne en consultation publique indiquant ainsi à tout un chacun, leurs adresses où se trouvent leurs armes.
Il semble que ce méfait soit imputable à des activistes anti-chasse, dont certains, dans ce pays, sont particulièrement radicaux et violents. Leur action avait pour but de cartographier sur Google Earth, le domicile de tous les chasseurs du Royaume, pour inciter la population à les harceler.

Les détenteurs d’armes ont donc tout lieu de se préoccuper des risques d’intrusion dans le SIA, que ce soit de la part de pirates informatiques ou de fonctionnaires radicalisés.
Pour limiter ce risque, il serait souhaitable que, d’une façon ou d’une autre, l’adresse personnelle du détenteur ne soit pas corrélée automatiquement à la liste des armes détenues et que l’administration admette qu’un détenteur soit autorisé par exemple à indiquer une adresse professionnelle ou une boîte postale au lieu de son adresse personnelle. On peut aussi imaginer que le fichier n’indique que le seul numéro SIA du détenteur et que la mise en concordance de ce numéro avec son adresse soit assurée par un fichier séparé dont la diffusion serait particulièrement restreinte et protégée.

Il n’est pas non plus prévu une destruction dudit fichier en temps de guerre si le pays devait être occupé par l’ennemi comme entre 1940 et 1945, ce qui empêcherait d’organiser une quelconque résistance de l’intérieure contrairement à ce qui pu heureusement être le cas à l’époque !

Nous ne doutons pas que les informaticiens du ministère de l’intérieur, qui ont été capables de concevoir le système complexe et ingénieux qui va bientôt être mis à la disposition des personnes privées, soient aussi capables d’apporter une réponse à cette problématique inquiétante ! Il faut rassurer ceux qui figureront dans ce fichier.

Rel. L- 27/11/21