Le classement selon la nouvelle doctrine des Armes Historiques et de Collection

Comment classer les Smith & Wesson à un coup ?

lundi 31 juillet 2023, par Charles LE GOFFIC, Erwan

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Article conforme à la nouvelle doctrine

Le classement de certaines armes fabriquées à cheval sur les 19e et 20e siècles entraîne des débats passionnés chez les collectionneurs. Et s’il y a des armes qui suscitent bien des interrogations, ce sont les pistolets Smith & Wesson à un coup, aussi appelés « Single Shot pistols ». Il nous a paru important de revenir sur tous les modèles afin que les idées soient claires.

D’abord rappelons l’origine du modèle

Le pistolet S&W FIRST MODEL SINGLE SHOT a été produit entre 1893 et 1905 en 22 RF, 32 S&W et 38 S&W et en canons de 6, 8 ou 10’’ à environ 1 500 exemplaires (les registres de l’usine sont incomplets et ne tracent que 862 exemplaires en 22, 230 en 32 et 160 en 38, soit au total 1 252).

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« S&W » « Single Shot » première version, encore muni du bouclier arrière de barillet hérité du revolver auquel il emprunte sa carcasse. Le marquage « Model of 91 » permet de le classer sans hésiter en catégorie D§e).
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Il se présente initialement comme une conversion du S&W SINGLE ACTION THIRD MODEL, également référencé comme MODEL OF 1891. Devant le succès rencontré, l’usine produit alors des modèles complets fonctionnels à un coup.
On peut identifier ces derniers au fait que le numéro de série se trouve sur le renfort avant de crosse, étant donné que la crosse spéciale surdimensionnée « Target » couvrait le talon de crosse et aurait empêché de lire ce numéro. Ces armes produites directement à un coup peuvent aussi ne pas proposer de verrouillage de barillet rendu sans objet.
Disponible en version bleue ou nickelée, le FIRST MODEL pouvait être
commandé seul ou sous forme de set comprenant le revolver plus sa
conversion monocoup.

A première vue, la question paraît simple : c’est en 1891 que Smith & Wesson a l’idée de proposer aux détenteurs de ses revolvers calibre .38 à simple action, un canon doté d’une chambre monobloc, leur permettant de transformer leur revolver en pistolet de tir à un coup. Deux ans plus tard, la société décide de commercialiser, non plus des canons de conversion, mais des pistolets à un coup complets. C’est le début de la série des « Single Shots ».

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S&W « Single Shot » seconde version reconnaissable à la cannelure verticale fraisée à l’emplacement où se trouvait le bouclier de barillet sur la version précédente. Il reste classé en catégorie D§e).

Les dates de 1891 et 1893 semblent régler d’une façon définitive la question du classement en catégorie D§e) de ces armes. Le problème provient de ce que la série des Single Shots comporte quatre variantes de pistolets :

- La première variante, constituée d’une carcasse de revolver .38 à simple action sur laquelle a été monté un canon à une seule chambre, est fabriquée de 1893 à 1905. Il s’agit du S&W SECOND MODEL SINGLE SHOT qui a été produit entre 1905 et 1909 à 4 617 exemplaires avec sa propre numérotation, rompant dès lors avec le concept modulaire. Il sera disponible en version bleue ou nickelée, uniquement en 22 LR et en canon 10" standard (6" et 8" sur commande spéciale). S&W a continué sa production tant que les carcasses de SINGLE ACTION THIRD MODEL restaient disponibles.
A partir de 1909, la firme continue à subvenir à la demande mais en utilisant une autre carcasse en 38, celle du PERFECTED 38 DOUBLE ACTION , d’où le changement d’appellation.

- La seconde variante résulte de la décision de S&W de supprimer les éléments rappelant que l’arme était à l’origine un revolver converti. Le bouclier arrière du barillet, ainsi que les passages de l’arrêtoir de barillet et de la barrette sont supprimés. Cette version est fabriquée jusqu’en 1909. Il s’agit du S&W THIRD MODEL SINGLE SHOT également appelé pour cette raison PERFECTED SINGLE SHOT.
Le pontet fait désormais partie intégrante de la carcasse, et la plaque de recouvrement se situe à droite et non plus à gauche. Ce modèle est fabriqué de 1909 à 1923, uniquement en finition bleue et canon 10" avec des plaquettes larges en noyer au lieu du caoutchouc durci, et reprend la numérotation précédente de 4 618 jusqu’à 11 641. Du fait de la nouvelle carcasse utilisée, il s’en trouve en double action. Une variation intéressante est l’OLYMPIC MODEL expérimental avec une chambre raccourcie pour améliorer la précision.

- La troisième variante résulte de l’épuisement du stock de carcasses de revolvers à simple action calibre .38. La demande des tireurs sportifs persistant pour les « Single Shots », il est décidé de remplacer les carcasses initialement utilisées par des carcasses de Smith & Wesson double action « perfected model ».
Cette troisième version est fabriquée de 1909 à 1923.

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S&W « Single Shot » troisième version, monté sur une carcasse de revolver à double action « perfected model », reconnaissable à son pontet usiné dans la masse et non plus rapporté, comme sur les versions précédentes. Est classé en catégorie B.
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Smith S&W « Single Shot » quatrième version dit « Straight Line ». Cette arme qui a été en détention libre jusqu’en 1998, mais est classé catégorie B malgré sa rareté et sa désuétude. Cela est confirmé par la nouvelle doctrine.

- La quatrième version apparaît en 1923, lorsque que les carcasses de revolvers à double action « perfected model » sont arrivées à épuisement. S&W décide alors de proposer aux tireurs une arme d’aspect plus moderne et dotée d’un système de percuteur en ligne, qui lui a valu le surnom de « Straight Line ».
Ce quatrième « Single Shot », dont la silhouette évoque celle d’un pistolet automatique, ne fait pas une grande carrière. Le dispositif de percussion en ligne se révèle d’un fonctionnement irrégulier et sa fabrication est arrêtée rapidement.

Notre analyse sur le classement

- les deux premières versions relèvent de la catégorie D§e). Ce classement est moins à mettre sur le compte qu’elles dérivent toutes deux d’une version initiale de revolver apparue en 1891 qu’au fait qu’elles portent le marquage « MODEL OF 91 ». La deuxième version, bien que produite à partir de 1905 seulement et avec de nouveaux numéros de série, satisfait cependant à la doctrine en ce sens que la date de brevet est 1891 et qu’elle ne comporte que des modifications mineures antérieures à 1914.

- La troisième version, le THIRD MODEL est plus ambiguë dans la mesure où elle utilise la carcasse du S&W DOUBLE ACTION PERFECTED MODEL dotée d’un poussoir renforçant le verrouillage du barillet et apparu vers 1902 (même si le THIRD MODEL SINGLE SHOT en est évidemment dépourvu). Le marquage sur le canon « MODEL OF 1891 » ayant logiquement disparu au profit d’un marquage plus basique, il est plus difficile de plaider l’éligibilité à la catégorie D§e). C’est donc une arme classée en catégorie B.

- la quatrième version ne comporte pas plus de dangerosité que les trois premières, mais elle résulte néanmoins d’un remaniement complet de l’arme, qui n’a plus comme point commun avec les modèles précédents que d’être un Smith et Wesson à un coup. Il s’agit d’une arme conçue en 1923, qui relève donc de la catégorie B.

Si vous détenez une arme déclassée en catégorie D§e) ou malheureusement surclassée en catégorie B), pour couler des « jours heureux » vous devez impérativement vous mettre en règle. Dans cet article nous expliquons toutes les possibilités pour le faire.

Vous verrez que nous demandons depuis des années le déclassement du Smith & Wesson Single Shot fourth Model dit « Straight Line. » sans succès jusqu’a présent. Mais les collectionneurs ont tout leur temps : ils ont mis 12 ans pour faire passer le millésime de 1870 à 1900, 6 ans pour obtenir la mise en place de la carte de collectionneur prévu par la loi et 10 ans pour faire préciser la signification de « modèle 1900. »


Maj. L - 5/01/23 - Article paru à l’origine dans la Gazette des Armes n° 471.Archive de l’ article avant sa mise à jour.