La législation suisse sur les armes

samedi 29 mars 2025, par Patrick FORTERRE

Suite à la présence de l’Association Suisse pour l’Étude des Armes et Armures (ASEAA) au colloque Armes et Patrimoine de 2024, notre réputation a essaimé en Suisse. PROTELL, la grande sœur suisse de l’UFA, a souhaité un rapprochement entre nos 2 associations, qui a été formalisé par des adhésions croisées.
PROTELL a été fondée en 1978 avec le but de défendre le droit des citoyens suisses d’acquérir et posséder des armes à feu ainsi que de pouvoir pratiquer le tir sportif. Dans un pays qui compte environ 130 000 tireurs et 30 000 chasseurs, PROTELL compte environ 13 000 adhérents.

C’est donc l’occasion d’examiner la législation suisse sur les armes. Elle est cousine de la nôtre car la Suisse est concernée par la réglementation européenne, faisant partie de l’espace Schengen, et a été durcie par la dernière réforme malgré un référendum.
Dans cet article nous allons examiner la classification des armes, mais il convient d’abord de définir qui a accès aux armes en Suisse. Faute de quoi, cette législation pourrait vous sembler parfois plus restrictive que la nôtre. Mais si vous allez jusqu’à la fin, vous allez trouver cette législation globalement bien plus favorable ...

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Qui peut acheter / détenir une arme en Suisse

Il s’agit là de la principale différence : être un simple particulier suffit, point n’est besoin d’être licencié de tir sportif, pour acheter une arme soumise à déclaration ou à autorisation. En effet en Suisse, au-delà des tireurs, des chasseurs, des collectionneurs et des porteurs d’armes, être amateur d’armes suffit comme motif. Avec une différence pour les étrangers, résidents (si non titulaires d’une autorisation d’établissement), ou non, en Suisse : dans tous les cas l’autorisation est nécessaire. Et à l’exception des ressortissants de certains pays qui ne peuvent acquérir des armes [1].

  • 4 conditions sont nécessaires :
    • Avoir 18 ans révolus ;
    • Ne pas être protégé par une curatelle de portée générale ou un mandat pour cause d’inaptitude ;
    • Ne pas laisser craindre que l’arme soit utilisée d’une manière dangereuse pour soi-même ou pour autrui ;
    • Ne pas être inscrit au casier judiciaire pour un acte dénotant un caractère violent ou dangereux ou pour la commission répétée de crimes ou de délit.

Une autre particularité est que l’armée est une armée de milice ; tous les hommes de nationalité suisse [2] ont l’obligation de servir et les femmes la possibilité. La grande majorité effectue un service armé. Durant la durée au cours de laquelle s’échelonne le service militaire, soit 9 ans, la personne conserve à domicile, dans le cadre de la loi militaire, son arme de dotation (soit un pistolet, soit un fusil d’assaut, mais possible de déposer l’arme dans un magasin de rétablissement pour éviter de l’avoir à domicile). À l’issue, la personne a la possibilité de l’acquérir en fournissant une autorisation.

À ce stade, vous devez être perplexe : À quoi cela sert-il d’être tireur sportif ou collectionneur si les armes à feu soumises à déclaration ou autorisation sont accessibles à tous ? Voyons d’abord les différences de classification entre nos 2 pays.

Ne constituent pas des armes :

  • Couteaux à lame fixe ;
  • Couteaux à lame pivotante actionnable à deux mains ;
  • Couteaux à lame pivotante actionnable à une seule main (sans mécanisme d’ouverture automatique) ;
  • Couteaux de poche de l’armée suisse ;
  • Poignards à lame asymétrique ;
  • Sabres de samouraï ;
  • Sprays au poivre ;
  • Arbalètes ;
  • Arcs.
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Le mousqueton K31 à armement linéaire, réglementaire jusqu’en 1957 ici muni d’un dioptre.

Armes soumises à déclaration

La déclaration consiste dans tous les cas à établir un contrat écrit qui contient des données sur l’acquéreur, l’aliénateur (celui qui se sépare de l’arme) et l’arme. Chacun en conserve un exemplaire, s’il s’agit d’arme à feu, une copie du contrat doit être envoyée dans les 30 jours à l’office des armes du canton de l’acquéreur.

Armes ne nécessitant que le contrat écrit (donc pas déclaration dans le sens utilisé en France) :

  • Arme soft air ;
  • Arme factice ;
  • Arme de painball ;
  • Arme à air comprimé, arme au CO2 ;

Armes à feu a déclarer (au sens où nous l’entendons en France) :

  • Arme à feu d’alarme ;
  • Pistolet à un coup ;
  • Copie d’armes à un coup se chargeant par la bouche
  • Arme à répétition manuelle (fusil de sport ou de chasse) ;
  • Arme de chasse à un coup et à plusieurs canons ;
  • Fusil d’ordonnance suisse à répétition manuelle.

Armes soumises à autorisation

Nécessite un permis d’acquisition d’armes (PAA), rappel : possibilité ouverte à toute personne majeure. La liste est la suivante :

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Scène courante dans un bus (ou un train) : direction le stand de tir. Deux générations (d’armes d’ordonnance) : le FASS57 chargeur engagé (réglementaire, à condition d’être vide), le FASS90 sans son chargeur engagé (recommandé).
  • Arme d’ordonnance personnelle reprise directement de l’armée. À savoir soit le pistolet P75 ou P49 (pour ceux qui ont le P12/75 en dotation, càd un Glock 17), soit le fusil d’assaut P90 ;
  • Pistolet avec magasin de capacité maximale de 20 cartouches ;
  • Revolver ;
  • Fusil à répétition à levier sous-garde ;
  • Fusil à répétition avec système à pompe ;
  • Fusil à répétition d’ordonnance étranger ;
  • Fusil semi-automatique à canon lisse avec magasin de capacité maximale de 10 cartouches ;
  • Fusil semi-automatique avec magasin de capacité maximale de 20 cartouches.

Armes à feu interdites :

Et là, vous allez comprendre l’intérêt des statuts de tireur sportif ou collectionneur.

- Qui nécessitent simplement d’obtenir une autorisation exceptionnelle simplifiée pour les tireurs sportifs (AET) ou pour les collectionneurs et les musées (AEC) :

  • Arme à feu de poing semi-automatique munie d’un magasin de plus de 20 cartouches ;
  • Arme à feu à épauler semi-automatique munie d’un magasin de plus de 10 cartouches.

- Qui nécessitent d’obtenir une autorisation d’acquisition exceptionnelle (AAE)  :

  • Armes à feu automatiques ;
  • Armes à feu automatiques transformées en armes à feu semi automatiques (sauf arme d’ordonnance suisse, un PAA suffit) ;
  • Armes à feu à épauler semi-automatiques avec crosse pliable ou télescopique dont la longueur totale peut être raccourcie à moins de 60 cm sans perte fonctionnelle ;
  • Lanceurs militaires de munitions à effet explosif (par ex. lance-roquettes) ;
  • Mitrailleuses légères ;
  • Dispositifs de visée laser ou de visée nocturne, silencieux, lance-grenades comme dispositifs d’appoint à une arme à feu ;
  • Appareils produisant des électro-chocs qui inhibent la force de résistance de l’être humain ou portent durablement atteinte à sa santé ;
  • Couteaux dont la lame est libérée par un mécanisme d’ouverture automatique pouvant être actionné d’une seule main (dont couteaux à ouverture assistée). Il faut savoir que les autorités cantonales compétentes délivrent des autorisations exceptionnelles pour ces couteaux en particulier lorsqu’ils sont utilisés par des personnes handicapées et certaines catégories professionnelles ;
  • Couteaux papillon ;
  • Poignards et couteaux à lancer à lame symétrique ;
  • Armes imitant un objet d’usage courant (par ex. poignards camouflés en peignes ou « stylos-pistolets ») ;
  • Engins conçus pour blesser des êtres humains (par ex. matraques, étoiles à lancer, coups de poing américains, frondes avec repose-bras).

À noter que :
Le tir avec une arme automatique nécessite une autorisation exceptionnelle supplémentaire généralement délivrée pour une seule journée (ne concerne pas les armes d’ordonnance FASS 90 et 57) ;
Suivant le canton, il sera plus au moins difficile d’obtenir une autorisation exceptionnelle. Mais le refus est susceptible de recours devant le tribunal administratif, avec de réelles chances d’aboutir ...
Par ailleurs la législation ne prévoit pas de quotas pour la possession d’armes correspondant à nos catégories A et B.

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La distance standard de tir à l’arme longue, même en visée ouverte est de 300 mètres en Suisse.

Carte Européenne d’armes à feu : La Suisse la délivre aussi à ses ressortissants puisqu’elle est liée à l’espace Schengen.Les conditions diffèrent légèrement de celles en France [3].

Tireur sportif

Il faut tout d’abord savoir que les motifs principaux d’acquisition d’armes en Suisse sont l’attrait des armes et le tir sportif. Mais tous ne se revendiquent pas du statut de tireur sportif, vous avez compris pourquoi. Par ailleurs ce statut s’acquiert de 2 manières possibles :
- En mesure de prouver 5 tirs sur une période de 5 années (sachant que durant la période de 9 ans de service militaire, il y a un tir annuel obligatoire, sous peine d’amende) ;
- Titulaire d’une licence de tir sportif. La Fédération sportive suisse de tir est née en 2002 de la fusion de 3 associations : la société suisse des carabiniers, l’association suisse des tireurs sportifs et la fédération suisse des ouvriers tireurs. Elle ne compte parmi ses adhérents que 56 000 licenciés et regroupe 2 600 sociétés de tir.

Tireurs sans frontières : pratiquer entre Suisse et France, mode d’emploi

Collectionneur

Là aussi possibilité d’acquérir des armes interdites pour la constitution d’une collection ou à des fins éducatives, culturelles, historiques ou de recherche.
Logique puisque la législation européenne permet la collection des catégories A, B et C.
D’ailleurs un tribunal a infirmé le refus d’un canton de délivrer une autorisation exceptionnelle pour une arme automatique qui devait constituer la première pièce d’une collection.
L’Association Suisse pour l’Étude des Armes et Armures regroupe environ 700 membres à travers la Suisse. Elle est constituée d’une section centrale et de sections régionales.

En conclusion le principal avantage d’être reconnu tireur sportif (au-delà de celui propre à une licence sportive pour ceux d’entre eux qui la détiennent) ou collectionneur, est de pouvoir acquérir certaines armes interdites, voire de tirer avec !
Pour aller plus loin :
- La législation suisse sur les armes expliquée (version pour les nuls) par la Swiss Federal Police (Fedpol) ;
- Petit vade mecum de la législation suisse actuelle ;
- La loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions ;
- L’ordonnance sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions ;
- Détenteur français résidant en Suisse ;
- Mise en oeuvre dans le droit suisse de la directive de l’UE sur les armes.

Rel. LV-30/03/25


[1Liste des pays sur www.fedpol.admin.ch.

[2Des particularités pour les Suisses de l’étranger, les bi-nationaux et naturalisés, à lire ici.

[3Pour ceux qui veulent plus de détail : voir liens sur le site du Canton de Genève et du Canton de Vaud.