Tireurs sportifs : encore victimes d’amalgames

samedi 18 février 2023, par Christian PUJOL

Dans l’Hérault, l’homicide d’un sapeur-pompier commis par un gendarme, semble t il par dépit sentimental, a conduit à la publication par un ensemble de médias de données relatives à la nature et au mode de fonctionnement de l’arme utilisée.

Un des nombreux articles publiés par les médias.

Vocabulaire inadapté

A l’unisson, les médias rapportent les propos du procureur de la république saisi des faits « La victime a été abattue de 6 à 7 balles tirées sans doute en rafale à l’aide d’un fusil d’assaut de calibre 5,56. Il s’agissait d’une arme personnelle du mis en cause qui était tireur sportif »’.
Le propos du représentant du Parquet apparaît surprenant de la part d’un magistrat au parcours professionnel entamé dans la police nationale, sauf à envisager la reprise d’un compte-rendu inexact du directeur d’enquête.
En effet, le vocable « fusil d’assaut » s’applique à une arme d’épaule équipée d’un sélecteur de tir offrant le choix entre un tir en mode automatique ou en mode semi- automatique.
La différence entre ces deux modes de fonctionnement réside dans la précision recherchée du tir et/ou l’économie des munitions. En effet, dans le premier mode il s’agit de tirer à une distance de 300 m au plus, au coup par coup, avec le souci de la précision. Dans le second mode, le recours au tir par rafales de 2 à 3 cartouches voire plus est privilégié à courte distance pour saturer le terrain, limiter la capacité d’action de l’adversaire et le neutraliser à la proximité de son contact

Amalgames source de confusions

En tout état de cause, « fusil d’assaut » ne ressortit pas au Code de la Sécurité Intérieure [1] qui distingue les armes en fonction de leur nature, épaule (fusil carabine) ou de poing, du type de canon lisse ou rayé, du mode fonctionnement, répétition, répétition semi automatique ou automatique.
A ce niveau, la définition de ces deux derniers modes précise : armes à répétition automatique pour celle qui après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui peut, par une seule pression sur la détente, lâcher une rafale de plusieurs coups, ou à répétition semi-automatique pour celle qui, après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui ne peut, par une seule pression sur la détente, lâcher plus d’un seul coup.
Enfin, le CSI distingue les armes de guerre interdites à la détention car relevant des catégories A 1 en fonction de leur mode de fonctionnement et de la capacité de munitions, et en A 2 les éléments spécifiquement conçus pour elles et tout dispositif additionnel pouvant se monter sur une arme à feu à répétition semi-automatique permettant le tir en rafale de projectiles ou s’assimilant au tir en rafale par l’augmentation de sa vitesse de tir.

Consécutivement, un tireur sportif ne peut être autorisé à détenir que les seules armes de catégorie B /
à répétition semi-automatique :
- à percussion centrale, offrant une capacité de tir supérieure à 3 coups ou équipées d’un système d’alimentation amovible et n’excédant pas 11 coups sans qu’intervienne un réapprovisionnement,
- à répétition semi-automatique à percussion annulaire, d’une capacité supérieure à 3 coups ou équipées d’un système d’alimentation amovible n’excédant pas 31 coups sans qu’intervienne un réapprovisionnement.

Pour ce qui concerne la munition du calibre 5,56 mm, elle relève de la catégorie B, délivrée par l’autorité préfectorale à un tireur sportif avec son emploi dans une arme semi-automatique et sous l’appellation commune de calibre 223 Remington, version civile de la cartouche militaire 5,56 mm OTAN.
Le propos pourrait donc prêter à confusion avec l’emploi potentiel du fusil G 36 KA3, arme en dotation dans l’unité d’affectation (Psig) du gendarme impliqué. Une arme de calibre 5,56, avec sélecteur de tir à quatre positions ; sûreté, coup par coup, deux coups, rafale.
A tout le moins, il peut laisser envisager que la qualité de gendarme, licencié à la Fftir, faciliterait l’accès à la détention d’une arme de la catégorie A l ou au non dessaisissement d’une arme antérieurement autorisée.

Un précédent préjudiciable aux tireurs sportifs

En effet, avant l’homicide de trois gendarmes commis à Saint-Just (Puy de Dôme) en 2020, la détention d’une arme automatique modifiée en vue de réaliser le seul mode semi-automatique pouvait être autorisée à un tireur sportif.
Cette disposition n’existe plus par décision du Ministre de l’Intérieur, considérant que ce type d’arme ne posséderait pas les garanties nécessaires en matière de sécurité, c’est à dire que leur mode de fonctionnement pouvait être de nouveau modifié. Un sentiment très éloigné de la réalité au regard des matériels et compétences nécessaires pour y parvenir.
Depuis, les détenteurs ont eu l’obligation de se défaire de ce type d’arme, par vente, neutralisation ou abandon à la destruction et ce sans compensation de sa valeur d’acquisition.

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L’utilisation de photo sans rapport avec le drame est de nature à induire que c’est bien un fusil d’assaut qui a été utilisé.

Une décision survenue après les faits de Saint-Just et les propos du représentant du parquet compétent : « une véritable scène de guerre … des centaines de douilles … un individu surarmé… un fusil d’assaut américain équipé d’une torche et d’un système de visée laser » et l’auteur « aguerri au maniement des armes et qui aimait cela … il pratiquait le tir en compétition dans le sud de la France » pour décrire ce qu’il avait constaté sur le terrain en compagnie des gendarmes primo-intervenants et des enquêteurs.
L’arme dont il s’agissait est une arme d’épaule d’origine américaine connue sous l’appellation AR 15, commercialisée en France sous sa seule version semi-automatique, quand bien même elle a pu être à l’origine outre-Atlantique du fusil M 16 utilisé notamment au Vietnam.
Il semblerait que l’expertise judiciaire réalisée au titre de l’enquête ne démontrerait rien d’autre !

Sourcer l’information par la référence documentaire adaptée

On doit donc pouvoir s’inquiéter de cette forme de « bis repetita placent » sur la perception de l’arme utilisée sur une scène de crime et qui n’a pas lieu d’être pour peu de s’être assuré de l’information recueillie, de se référer à la source puisée dans le Code de la Sécurité Intérieure et le fichier national informatisé des armes.
Ceci éviterait toute offre potentielle de comparaison ultérieure avec la situation outre- Atlantique, de nature à porter préjudice aux pratiquants d’une activité sportive ou de loisir, en fonction de l’intérêt affecté à la compétition dans la discipline « tir aux armes règlementaires ».

Par ailleurs, l’illustration de tout article par une photo sans rapport avec l’arme potentiellement utilisée valide et accentue la méprise née du discours initial. Cela peut être d’autant plus vrai pour l’appellation arme d’assaut attribuée à des fusils qui n’en sont pas : AR 15 et Ruger Mini 14. car relevant de la catégorie B.

Le nouveau procédé mieux ciblé d’enregistrement des armes (SIA/RGA) doit permettre de corriger celui d’Agrippa aux capacités moindrement affinées. Il affichera donc une autre image de la nature et du nombre d’armes légalement détenues en France entre les chasseurs, les tireurs sportifs, les collectionneurs ...
Cela n’épargnera pas le chiffre noir des armes de chasse ou autres détenues du fait de leur absence d’enregistrement en raison d’une réglementation antérieure non remise en cause, enfin des armes utilisées par les petits ou grands voyous provenant de pays de l’Est.

En tout état de cause, les tireurs sportifs n’ont accès qu’à des armes à mode de fonctionnement semi-automatique, donc excluant celui en rafale, avec des munitions version civile de calibre militaire ; le tout classé en catégorie B.
Rel. L-028/02/23


[1Articles R 311-1 et R 311-2