Armodromes : opacité dans la remise des armes
mercredi 30 novembre 2022, par
Le Ministre de l’intérieur se félicite du succès de l’opération « abandon simplifié des armes dans des armodromes » que nous avons largement couverte sur notre site.
En effet 150 000 armes et 4 millions de munitions récupérées. TF1 titre avec « l’incroyable succès de l’opération nationale d’abandon, Des milliers de personnes ont rendu leur bien, hérité ou acheté, aux forces de l’ordre. »
Des Français souvent âgés, ont fait la queue pour se « débarrasser » de leurs armes. Ouf, nous voilà rassurés, la France n’est plus en danger !
Rel. L-02/12/22
Le ministère de l’intérieur reconnait lui-même qu’il y a dans le pays, 5 millions d’armes détenues illégalement par les particuliers, il en resterait donc encore 4 850 000 à récupérer au cours de prochaines opérations.
Quelles sont les armes rendues ?
Pour une grande majorité, ce sont des carabines de jardin en 9 et 12 mm Flobert, mais aussi des vieux fusils de chasse. On dénombre aussi des pistolets semi-automatiques en calibres 6,35 ou 7,65 rapportés par des octogénaires, souvenirs passés des gloires militaires de leurs grands-pères. Jusqu’en 1939, ces armes étaient en vente libre et se trouvaient facilement dans le catalogue de Manufrance. On voit bien que ce sont des armes qui sortent directement des greniers où elles dormaient paisiblement depuis près d’un siècle.
Suivant les armodromes, les proportions des dépôts ont été très variables avec pour certains beaucoup d’armes de poing héritées de parents tireurs. Ces armes avaient disparu des radars de l’administration, pour elles l’opération a bien rempli son rôle.
Là où le bât blesse, c’est qu’il y a eu également de belles carabines de grande chasse dans leur mallette d’origine. Des armes anciennes de la catégorie D, dont certaines de valeur, qu’il était possible de conserver ou vendre librement.
|
Pourquoi les Français ont déposé les armes ?
Les communications officielles relayées par les médias ont déclenché une peur panique chez les personnes âgées voire très âgées. La presse annonçait que conserver des armes illégales à la maison, pouvait conduire à 3 ans de prison et 70 000 € d’amende. Mais sans quasi jamais préciser qu’il convenait de s’assurer au préalable que l’arme pouvait être détenue légalement de par sa catégorie (D). Alors, pouvoir se débarrasser de ces armes encombrantes leur a procuré un véritable soulagement dans le climat de panique qui avait été créé en l’absence de cette discrimination pourtant essentielle.
Mais tous n’ont pas réagi comme cela. Les fonctionnaires des préfectures se plaignent d’avoir reçu des coups de fils de gaulois réfractaires qui venaient les narguer en leur disant « vous n’aurez pas mes armes » le tout accompagné de « noms d’oiseaux » très blessants.
Ce qui contrarie profondément l’UFA dans le déroulement de cette opération d’abandon d’armes ?
Les préfectures avaient reçu instruction de récupérer toutes les armes promises à l’abandon. Des « sachants » de l’UFA ont été rappelés à l’ordre : on leur a interdit de renseigner les déposants, de leur expliquer la règlementation. Donc de leur dire qu’ils pouvaient garder leur fusil de chasse détenu depuis avant décembre 2011 sans le déclarer ou l’abandonner. Pire, quand la personne venait avec un revolver mle 1873 ou un pistolet 1822 t bis, il fallait laisser faire car elle était venue pour l’abandonner, donc c’était sa démarche. Sauf que n’étaient pas communiquées toutes les informations à même d’éclairer le jugement. A tel point que l’on a vu aussi des sabres de cavalerie dans les abandons.
Malheureusement, ceux qui après coup regretteraient leur abandon n’ont aucun recours légal possible : l’abandon étant un geste volontaire. Et cela même si le déposant a été trompé par une information incomplète qui met à mal leur patrimoine et fait hurler les collectionneurs et certains tireurs qui se seraient volontiers portés acquéreurs.
Que vont devenir les armes abandonnées ?
Cette opération d’abandon n’a aucune structure juridique particulière. C’est donc le droit commun qui s’applique : tout arme abandonnée à l’État doit être détruite, d’ailleurs ce sont bien les instructions qui viennent du Ministère. Dommage, car nous aurions bien vu une vente aux enchères au profit d’une grande cause.
Ces armes seront regroupées dans les SGAMI et les régions de gendarmerie.
Cependant, le Ministère nous a promis d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’envoyer les experts du SCAE pour analyser les armes « afin d’écarter de la destruction les armes à haute valeur historique ou patrimoniale qui pourront rejoindre un ou plusieurs musées (une liste sera dressée à cette fin). »
Mais comme il va y avoir des centaines de revolvers 1873 et que les musées en regorgent déjà, ces armes n’iront pas dans les musées et seront détruites. En cette période financièrement difficile pour beaucoup, non seulement des citoyens ont perdu par méconnaissance de l’argent mais l’État ne va même pas en tirer un profit financier.
Pour la première fois dans la vie de l’UFA, nous ne récriminerons pas si la « part des anges » s’exerce ! [1]
L’argument invoqué par les pouvoirs publics est la sécurité des Français. Il est dérangeant d’entendre l’argument de la tentation à recourir à la violence du simple fait de la disponibilité d’une arme à feu, c’est désobligeant vis-à-vis des Français et c’est un procès d’intention. C’est contredit chaque jour par les faits, si c’était le cas, avec 10 millions d’armes en France dont la moitié non déclarée, notre territoire devrait être depuis longtemps une nécropole ! |
Nos articles précédents :
Les armodromes, abandon simplifié des armes. Explications sur l’opération.
Ne pas abandonner des armes libres et de valeur, nous avions bien prévenu.
Rel. L-02/12/22
[1] Part des anges : Terme employé dans le monde des collectionneur pour désigner les armes qui disparaissent dans les greffes ou celles qui ne figurent pas sur un PV de saisie alors qu’elles ont été saisies avec les autres.