Les abus {"sécuritaires"} sous surveillance

mardi 8 avril 2008

Beaucoup de collectionneurs ont été viticmes d’excès de zèle lors de perquisitions. Alors que ce qu’il détenait était loin d’un tel déploiement de force.
Un article paru dans le Monde nous éclaire un peu !

Simultanément, deux organismes indépendants et un groupe de chercheurs publient les résultats de leurs travaux et réflexions autour d’un même sujet : les relations entre les citoyens et les institutions policières et judiciaires. Mardi 8 avril, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) édite son rapport annuel, dans lequel elle pointe les abus commis par les forces de l’ordre et l’administration pénitentiaire. Le même jour, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) rend publique une étude critique sur la vidéosurveillance et les Français. Enfin, dix chercheurs tiennent à Paris, en partenariat avec l’université de Chicago et le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, un colloque sur ce qu’ils nomment "la frénésie sécuritaire".

Les pratiques policières et judiciaires sont passées à la moulinette des plaintes et abus repérés, les moyens jugés à l’aune de leur empiétement sur les libertés individuelles. Créée en 2000 et composée de 14 membres, la CNDS a été saisie – par des parlementaires ou des institutions, comme la défenseure des enfants – à 144 reprises en 2007 (contre 140 en 2006) et a traité 117 dossiers. Dans son rapport remis à l’Elysée et au Parlement, la Commission se dit préoccupée par un phénomène qui se répand : le dépôt de plainte par les policiers eux-mêmes.
Elle cite le cas d’un homme témoin de violences policières commises à l’encontre d’un autre, alors sous le coup d’une procédure de reconduite à la frontière à l’aéroport de Toulouse-Blagnac, en 2006. Par la suite, ce témoin a fait l’objet d’une plainte pour dénonciation calomnieuse déposée par les deux fonctionnaires de la police de l’air et des frontières (PAF) "deux jours après qu’ils ont été convoqués par la Commission".
Ces derniers s’y sont rendus, en présence du directeur départemental de la PAF "les assistant en qualité de conseil". Et la justice a fini par condamner le témoin à présenter une lettre d’excuses et 100 euros à chacun des deux policiers, malgré l’enquête de la CNDS.
Révoltée, celle-ci affirme "craindre un développement, par ce biais, de pressions inadmissibles, volontairement exercées contre des témoins". Interpellée sur ce dossier, la garde des sceaux, Rachida Dati, n’a toujours pas répondu. Dans un courrier du 7 janvier 2008, la direction générale de la police nationale a indiqué avoir saisi l’inspection générale de la police (IGPN).

Fouilles au corps injustifiées

Autres "dérives" récurrentes soulignées par le rapport : les gardes à vue excessives, les fouilles au corps injustifiées et la banalisation du recours au menottage. De façon plus inattendue, la CNDS s’est aussi penchée sur la prise en charge des personnes en état d’ivresse interpellées et leur placement en cellule de dégrisement.
A ce sujet, la Commission "constate et regrette le faible encadrement juridique du recours à cette mesure et des conditions de son déroulement". Elle rappelle le suicide d’une femme, K.B., retrouvée pendue en 2006 dans l’une de ces cellules au commissariat d’Annemasse (Haute-Savoie). Un décès lié, selon elle, "à un certain nombre de dysfonctionnements", dont le manque de rondes régulières de surveillance.

Ce thème est repris dans l’étude que la CNDS consacre à l’accès aux soins des personnes privées de liberté – en garde à vue, placées dans les centres de rétention ou détenues dans les prisons –, entre 2001 et 2007. Absence d’assistance médicale la nuit ou le week-end, problèmes d’escorte pour les consultations extérieures, délais d’attente, respect de la confidentialité durant l’examen médical font partie des "défaillances" les plus fréquemment relevées.
C’est à l’abondance de lois que Laurent Mucchielli repère pour sa part une "frénésie sécuritaire". "Tout se passe comme si la fonction de la loi était désormais moins réformatrice que symbolique ou déclarative . Tout se passe comme si, paradoxalement, la lutte contre l’insécurité devenait moins un problème qu’une solution pour les pouvoirs publics : le moyen d’afficher leur détermination et de montrer qu’ils agissent", affirme ce sociologue, directeur de recherche au CNRS.
Auteur de plusieurs ouvrages sur la délinquance juvénile, M. Mucchielli signe avec neuf autres chercheurs, dont l’universitaire Serge Slama, spécialiste des questions d’immigration, ou le sociologue Christian Mouhanna, un petit livre sur le sujet (La Frénésie sécuritaire : retour à l’ordre et nouveau contrôle social, éd. La Découverte, 138 pages, 10 euros). De l’émergence d’un "nouveau populisme pénal" à la militarisation des moyens de la police, notamment en banlieue, ils y dénoncent, sur un ton délibérément militant, la "nouvelle culture du contrôle".

Isabelle Mandraud
LE MONDE | 08.04.08 |