FAQ

Tirer légalement avec une arme de poing "collection" à étui métallique

vendredi 28 mai 2021, par Charles LE GOFFIC, Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Depuis 2013, nous sommes régulièrement interrogés par des collectionneurs qui souhaitent tirer avec des armes de poing à étui métallique, mais qui n’arrivent pas à se faire délivrer les munitions par les armuriers.

Il est donc nécessaire de faire le tour du problème, en abordant la question juridique, la réalité pratique et les solutions possibles.

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Les cartouches refaites doivent être chargées à poudre noire pour être classées en catégorie collection.

Classement des munitions d’armes de collection.

Le CSI [1] définit ainsi les munitions de collection : catégorie D§j) « Munitions et éléments de munition à poudre noire utilisables dans les armes historiques et de collection... »
Il y a donc deux conditions à remplir pour qu’une munition, un étui ou un projectile soient classé en « collection » :
- qu’ils soient utilisables dans les armes de catégorie D§e) ou D§g) ou permettre le chargement d’une telle munition,
- que cette munitions soit chargée à poudre noire.

Qu’en est il dans la pratique ?

- les munitions d’époque : la poudre noire a vieilli ou peut être devenue humide, ainsi deux munitions sur trois ne fonctionnent pas et pour 4 sur six, seule l’amorce fonctionne et le projectile reste « coincé » dans le canon.
Si un utilisateur inattentif tire alors une seconde cartouche et que par malheur cette dernière fonctionne, son projectile viendra s’encastrer dans celui qui est resté dans le canon la fois précédente et le canon en restera définitivement bagué : ainsi ont été détériorés beaucoup de revolvers modèle 1892, dans lesquels des imprudents avaient eu la mauvaise idée de vouloir tirer des munitions d’époque au fonctionnement aléatoire.
- les munitions refaites : on trouve dans le commerce beaucoup de calibres. Attention, seules les munitions chargées par un armurier sont légales. Celles rechargées par des particuliers relèvent de fabrication illicite d’armes. Le rechargement n’étant autorisé que dans un cadre privé [2].
- difficultés à se faire délivrer les étuis : certains calibres sont communs ou voisins avec ceux utilisés dans des armes de poing de catégorie B. Bien qu’au sens littéral des textes, pour le détenteur d’une arme de catégorie D§e), ils devraient être en vente libre, pour un tireur pouvant prouver qu’il possède bien une arme de catégorie D§e) dans ce calibre. Cependant, l’armurier demandera l’autorisation correspondante, que l’intéressé n’est, bien sûr, pas en mesure de produire puisque l’arme est en vente libre.

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Ces cartouches d’époque sont en catégorie C du fait de leur chargement à poudre sans fumé.

La logique des textes

Selon la directive européenne, depuis 1991 seuls ont accès aux armes, ceux qui en ont besoin : le chasseur chasse, le tireur utilise son arme dans un cadre sportif, le collectionneur admire son antiquité et celui qui dispose d’une "autorisation défense", il l’utilise pour cet usage.
Ainsi la règlementions française qui applique le droit européen, n’a pas prévu de « niche » pour permettre au collectionneur de tirer. A tel point que la « carte de collectionneur » qui donne accès aux armes de catégorie C, leur interdit l’accès aux munitions.

De tout temps, il y a bien sur les collectionneurs qui tirent avec leur arme ancienne, notamment ceux qui pratiquent le TAR ou le tir sportif à l’arme ancienne. Mais cette catégorie d’utilisateurs des armes n’a pas d’existence dans les textes
- Sur le plan strictement règlementaire, le collectionneur qui tire est un « mélange des genres. »
- Sur le plan strict de la sauvegarde du patrimoine historique armurier, si une arme nous est parvenue en 2021 en bon état, c’est bien parce qu’elle n’a pas ou peu tiré. L’utiliser aujourd’hui c’est rattraper les années en la faisant vieillir. Une arme est en effet comme une certaine pile, qui « ne s’use que si l’on s’en sert ! »

La solution possible

Si malgré tout vous persistez à vouloir tirer, alors il va falloir assumer votre choix en demandant des autorisations d’armes de catégorie B 1° qui chambrent des munitions similaires ou identiques à celles de votre arme de collection. Ainsi par exemple :
-  le Rast-Gasser Mle 1898 chambre la cartouche 8x27R mm Gasser qui est analogue mais non interchangeable avec le 8 mm 1892 ;
- la carabine-pistolet Mauser C96 en calibre 7,63x25mm est en catégorie D. Pour autant sa munition reste en catégorie B et ne peut être acquise librement.
- beaucoup de tireurs s’adonnent au tir aux armes historiques avec notre bon vieux revolver d’ordonnance modèle 1873. tant qu’ils rechargent leurs cartouches à la poudre noire : tout va bien. Par contre, s’ils rechargent ces cartouches avec une poudre sans fumée, considérée par beaucoup comme un « substitut » de la poudre noire : ils seront dans l’illégalité. Par ailleurs, beaucoup d’experts en munition estiment cette pratique dangereuse pour l’arme car, si avec des charges modérées, la pression développée est la même, le pic de montée en pression d’une poudre vive comme la A0 serait atteint beaucoup plus rapidement qu’avec la poudre noire : une différence dont les conséquences mécaniques sont mal évaluées mais, en l’absence de données scientifiques précises sur ce phénomène, il semble préférable d’éviter de prendre ce risque pour préserver ces armes ;
- Le fusil Lebel est en catégorie D. ses étuis sont en vente libre mais seules les cartouches rechargées à poudre noire sont en catégorie D. Les cartouches rechargées à poudre sans fumée (comme celles que vend une fameuse cartoucherie serbe sont en catégorie C, car elles sont rechargées à poudre sans fumée. Le collectionneur qui rechargera une cartouche de 8x50 R Lebel avec de la poudre sans fumée (pour laquelle ce fusil a pourtant été fabriqué, sera en infraction à moins qu’il ne possède une licence de tir ou un permis de chasser. Ces munitions en C°8 peuvent être acquises jusqu’à 1000 en une fois.

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Moralité

Si un collectionneur n’a pas de statut légal pour tirer, un tireur autorisé peut fort bien collectionner !
Si l’on choisit d’acheter en parfaite connaissance de cause une arme de poing en vente libre dont la munition est classée, soit on ne tire pas avec, soit on veut tirer et on se plie à la réglementation !
Nous entendons déjà ceux qui ronchonnent : Oui, mais c’est idiot et pas logique, l’arme est libre et pas la munition... Vous préféreriez que les deux soient classés en B 1° ? Si vous voulez profiter des avantages, il faut en accepter les inconvénients !
Rel. L- 03/06/21