Législation des armes en Australie

Bref aperçu.

samedi 27 mai 2017, par Gus GINTZBURGER (Mariginiup, Western Australia)

En 2007, le taux moyen d’armes « civiles » par habitant dans 178 pays place l’Australie approximativement au 42eme rang mondial avec 15% loin derrière les USA (1er, 89%), la Suisse et la Finlande (3eme, 46%), et la France (12eme, 31%) , l’Allemagne (15eme, 30%), et au-dessus de la Russie (68eme, 9%) et du Royaume Uni (90eme, 6%).

L’Australie est loin de l’Europe, loin de tout, et fait toujours rêver ! On y imagine facilement une sorte de Far-West oublié où on peut aller chasser et tirer sans limitations, sans penser aux féroces législations sur les armes en Australie. J’écris LES législations car vous allez comprendre pourquoi. Quatorze fois la surface de la France, deux fois la surface de l’espace Schengen avec seulement 26 millions d’habitants ; beaucoup d’espace arides et désertiques et une faible population surtout concentrée sur les cotes Est et un peu au Sud-ouest, l’Australie ou « Commonwealth of Australia » est constituée de six États fédérés en 1901 issues des colonies britanniques : New South Wales (NSW), Victoria (VIC), South Australia (SA), Queensland (Qld), Tasmania (TAS), Western Australia (WA) et de deux « Territoires »  [1] (Australian Capital Territory (ACT) et Northern Territory (NT).
Avant 1901, les colonies géraient indépendamment leurs affaires locales et en particulier, leurs propres et sévères législations sur les armes. Ces prérogatives coloniales subsistent largement encore de nos jours. Le gouvernement fédéral siégeant à Canberra n’a toujours pas réellement autorité sur les armes détenues dans les États.

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Le National « Gun Buy-back » australien en 1996 : 661 000 armes non enregistrées sont récupérées et détruites par les autorités fédérales Australiennes.

Les parlements des États siégeant dans la capitale de chaque État gèrent l’administration, entre autre leur propre police, donc la législation sur les armes. Si le gouvernement fédéral supervise cette législation dans un cadre large ainsi que l’importation de toutes armes, chaque État ajuste, aménage ou durcit les lois locales dans le cadre des lois fédérales relatives à la détention d’armes [2]. En particulier, les armes automatiques étaient interdites à la détention dès 1930 dans tous les États sauf en Tasmanie jusqu’au massacre de Port-Arthur (Tasmanie, 1996) : 35 touristes morts et 23 blessés graves. Sans délais, le gouvernement fédéral impose aux Etats, avec difficultés, une uniformisation des lois disparates et locales sur les armes dans toute l’Australie. Il s’en suit une amnistie générale et un rachat de 661 000 armes immédiatement détruites pour un coût d’environ 350 millions d’Euros et l’accord du « National Firearms Agreement ». Par cet accord, les armes alors sont classées par catégories selon leur dangerosité et selon des catégories encore plus contraignantes que celles que nous avons en France. Toutes (absolument toutes) armes longues, et plus encore les armes de poing, sont soumises à autorisation de détention sévèrement contrôlées par les polices des États. Cependant et contrairement à la législation sur les armes à feu en France, les lois australiennes ne font pas de différence entre calibre militaire (anciens ou modernes) et calibres civils. De fait, toutes les armes à calibre militaire non modifiées et non automatiques sont utilisées en TAR, une longue tradition britannique de l’entrainement des « Cadets », équivalent de notre défunte préparation militaire française.

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Au stand de tir en Australie Occidental (WA) pendant une séance de Tir à Armes Réglementaires (TAR)

La plupart des antiques pétoires à poudre noire, et toutes les armes à canon lisse ou rayé, de quelque calibre que ce soit militaire ou civil, à allumage par silex, amorce, aiguille, broche, à percussion annulaire ou centrale, électrique ou pas, depuis le 4,5mm Colibri au monstrueux calibre à Eléphants, sont soumises à autorisation de détention ; à noter, les arbalètes sont interdites à la détention (mais pas les arcs – simple ou à poulie), et finalement, pour être sûr de sûr de ne pas avoir à faire face à des émeutes populaires, nos traditionnels lance-pierres de gosse ou pro sont interdits dans quasiment touts les Etats …. Simple et final !

Acquérir et détenir une arme à feu en Australie ?

Il est intéressant de savoir comment fonctionnent les demandes de détention d’armes ?
En Australie, dans tous les États, Il est donc nécessaire d’obtenir des détentions d’armes à titre de tireur sportif, de chasseur, de collectionneur d’armes ou de munitions, d’armurier commerçant, réparateur ou fabricant. Les procédures policières et administratives et le coût des licences varient largement et suivent plus ou moins le même itinéraire policier et administratif selon les États. A titre d’exemple, je vous présente plus particulièrement celles d’Australie Occidentale (5 fois la surface de la France, 2,8 millions d’habitants) où je réside.

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Tir à longue distance (300 à 1000 yards) au stand des SAS de Swanbourne (WA) – en 308, 155gn ou 223, 65gn seulement autorisés et à l’œilleton uniquement


- Détention à titre sportif ou Détention « ouverte » (« Open licence ») ?
Pour le « vulgum pecus » australien, toute acquisition d’arme est donc soumise à détention. Dans la demande soumise à la Police des États, il faut toujours justifier sa demande avec des raisons recevables (exemples : appartenance à un club de tir, chasseur, agriculteur ou éleveur) et des besoins admissibles (exemples : armes de catégories différentes ou de calibres identiques selon compétitions, ou gibier ou nuisible à tirer, etc.), raisons et besoins toujours soumis à l’interprétation qu’en fait la police ; aucune détention n’est accordée à titre de protection personnelle ; le port d’arme est interdit et le transport d’armes ( de tir, de chasse ou de collection) est strictement réglementé.

- Si le demandeur est tireur uniquement sportif, il doit obligatoirement être membre actif d’un club de tir affilié à une association sportive de tir reconnue ; en Australie Occidentale (WA) par exemple, pour adhérer à un club de tir, il faut initialement participer à 6 tirs officiels scorés pendant 6 mois ininterrompus pour devenir membre, ensuite obtenir une lettre officielle et gratuite de soutien du club et de l’association pour demander une détention pour une arme spécifique, remplir en ligne un formulaire extrêmement détaillé (y compris sur votre état mental et antécédent pénal) destiné à la police, à imprimer et à déposer à la poste accompagné des papiers du club + un certificat d’ identification et « d’arme apte à tirer » fournit par votre armurier + une preuve de stockage en coffre aux normes approuvées à domicile que la police peut venir vérifier à tout moment. Aucun certificat médical du demandeur n’est requis. L’attente de la réponse de la police varie entre 10 et 35 jours et est rarement refusée. La procédure de détention est lente, contraignante, et combien décourageante et onéreuse (AUD 187 – 130 Euros par arme ou groupe d’armes). Une fois acquise, la licence de détention est automatiquement renouvelée annuellement moyennant 50 euros environ.
A noter : Les fusils détenus à titre sportif ne peuvent être utilisés que sur un stand de tir officiel approuvé par la police de l’Etat et ne peuvent pas être utilisés pour la chasse sous peine de perte de licence, d’amende et peine de prison. On ne peut légalement prêter son arme à un chasseur ou un tireur à la cible qui aurait une détention même du même calibre, sauf actuellement en Tasmanie ou dans le cas de co-détention officielle de l’arme.

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-  Si le demandeur est chasseur, et en WA, il ne peut légalement chasser que sur des terres privées avec l’accord du propriétaire et en aucun cas sur les terres de l’État ; La demande de détention d’un fusil de chasse (arme de poing interdite) est soumise à l’obtention d’une lettre d’invitation nominative et datée qui reste valable aussi longtemps que l’invitant privé reste propriétaire du terrain de chasse, lettre dans laquelle le propriétaire indique précisément les calibres autorisés sur son terrain et le gibier à chasser ou nuisibles à détruire. La police alors contacte le propriétaire invitant pour confirmation et utilise « Google Earth » pour évaluer les risques potentiels sur la propriété pour tirer les calibres invités (.17 ( ?) à .338 et autre gros calibres) sans mettre en danger les habitants et proches habitations, et évalue la raison et le besoin obligatoirement soumis pour justifier le calibre à utiliser pour divers gibiers ou nuisibles, et s’ils existent réellement sur cette propriété ; et si on a déjà obtenu une détention et lettre d’invitation pour tirer du buffle avec un 338 Lapua sur une propriété, pour obtenir une détention supplémentaire pour une toute petite .22 LR sur la même propriété, la police vous fait recommencer toute la procédure avec une nouvelle lettre du même propriétaire et toutes les justifications et une nouvelle demande de détention. Logique ! non ?
Dans tous les cas, lors du transport des armes, à la chasse ou sur un stand de tir, le détenteur d’armes doit porter sur lui sa « Firearm licence », en plus de la liste officielle détaillée de toutes ses armes autorisées à détention, documents officiels pouvant être contrôlés par la Police à tout moment.

- Si le demandeur est collectionneur d’armes ou de munitions, il lui faut obtenir une licence de collectionneur auprès de la police justifiant sa future collection d’armes ou de munitions pour sa valeur historique, thématique, commémorative ou de conservation d’armes familiales.

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Dr. Léo Laden, collectionneur d’armes anciennes en Australie Occidentale (WA) avec une toute petite partie de sa collection

L’obtention de la licence de collectionneur suit strictement la même procédure que l’obtention d’une détention d’une arme de tir ou de chasse. En aucun cas, les armes et munitions (inertes ou non percutées) détenues à titre de collectionneur ne peuvent être utilisées à la chasse ou sur un stand de tir. Les armes à poudre noire à chargement par la bouche pré -1900 et leurs mécanismes sont (parfois dans certains Etats) exemptées de détention alors que les répliques des mêmes armes et mécanismes post-1900 restent toujours soumis à détention, même pour une fidèle reproduction moderne d’un antique fusil Ashigaru à mèche, d’un fusil à silex ou à amorce. Les armes à verrou (Chassepot, Dreyse, Gras, etc.), et à tabatière sont toujours soumises à détention. Armes et munitions de collection doivent être en permanence stockées dans un coffre ou dans une pièce forte approuvée par la police et interdites à l’exposition publique, mesure extrême même pour le « Army Museum of Western Australia , Fremantle », un musée officiel où toutes les armes ont été retirées de l’exposition publique depuis des années. Des fois que … !

Tout ceci couvre principalement les procédures pour l’Australie Occidentale (connue pour avoir la législation locale la plus dure en Australie) et change légèrement selon les États qui conservent toujours la main haute et le contrôle sur les détentions de toutes armes.

Les tendances actuelles ? ... durcissement !

Les armes longues d’aspect ou même de nom commercial “tactical” sont dans le collimateur des législateurs australiens dans tous les États. Une Remington 700, ou une Tikka, ou tout « tube » ou pétoire affublée d’une crosse « tactical » disponible dans le commerce en Australie ou importée sera vue d’un très mauvais œil par la police locale et probablement refusée à la détention. L’IPSC est régulièrement mis sur la sellette, sans d’ailleurs aucune suite, car les polices des États utilisent régulièrement les stands privés IPSC pour leurs entrainements. D’autres limitations font régulièrement surface et disparaissent en fonction des incidents impliquant des armes à feux, et des changements politiques dans les Etats. Comme partout !
Enfin, il faut remarquer que chaque police dans chaque Etat gère sa propre base de données sur les armes détenues dans l’Etat, sans réelle unification des paramètres enregistrés (et comportant de nombreuses erreurs et pas seulement sur les numéros de série), sans interconnexion entre police des Etats ou avec la police fédérale, ou même d’une base centrale de données fédérale sur les armes détenues en Australie, toujours remise aux calendes grecques. Amateur ? Incroyable, mais vrai !

Pour résumer, l’Australie n’a jamais été et n’est pas actuellement le Far-West ! Bien au contraire ! L’Australie a été et reste toujours une terre de «  convicts » par ses lois locales toujours « coloniales », très strictes et très dures sur la détention d’armes.
« DURA LEX, SED LEX AUSTRALIA ! »

Il existe une version plus approfondie de cette étude sur la règlementation Australienne. 11 pages en PDF.

[1Dans tout le texte, « États et Territoires » du Commonwealth of Australia sont cités comme « États »,

[2Dans tout le texte, « autorisation de détention d’armes » est noté « détention d’armes »,