GAZETTE DES ARMES N° 452 avril 2013

Les collectionneurs de véhicules, interpellent le Ministre de l’Intérieur !

samedi 23 mars 2013, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

La [FPVA] a fait part de son inquiétude au Ministre de l’Intérieur, [1] à propos de la rédaction du projet de décret qui doit appliquer la loi votée par les parlementaires.

La fédération a rappelé au Ministre que les collectionneurs de matériels et véhicules militaires historiques sont d’honnêtes et paisibles citoyens, qui recherchent, restaurent, conservent et entretiennent. Ce patrimoine porteur de mémoire historique, n’a de sens que dans le partage, et ces collectionneurs le présentent à leurs frais lors de manifestations culturelles, tant en France qu’à l’étranger, ou le mettent à la disposition du 7ème art.

Dans le projet de décret, figure une interdiction de port et de transport pour les armes et matériels de la catégorie D [Prévues à l’article 118,]]. Les véhicules militaires anciens, classés dans la future catégorie D, seront concernés par cette disposition. Or, quelle est la destination première d’un véhicule si ce n’est celle de se déplacer.

Le projet de décret définit le motif légitime pour le transport : « Constitue un motif légitime pour le transport d’un matériel la justification de la participation à une reconstitution historique... de cette manifestation. ». Cette disposition est beaucoup trop restrictive.

Loin de la réalité !

Cette disposition est totalement déconnectée de la réalité. En effet, pour conserver et entretenir leurs véhicules, les collectionneurs ont besoin de sortir de chez eux avec leurs vieux véhicules militairement neutralisés pour participer à toute manifestation, comme des commémorations à caractère historique et patriotique mais aussi des manifestations à caractère simplement culturel, telles des conventions, des expositions, des portes ouvertes de régiments, des tournages cinématographiques…

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Les élus locaux raffolent de ces commémorations.

Ajoutons que pour se rendre à une manifestation, les collectionneurs ont des problèmes d’organisation à l’aller comme au retour. Plusieurs facteurs interviennent comme le temps libre de chacun, la météo, mais aussi le matériel lui-même, c’est-à-dire sa propre maintenance technique (réparation ou entretien préalable nécessitant des essais sur route avant de partir, déplacement pour passer le contrôle technique, ravitaillement en carburant…)

Rappelons que ces matériels sont de conception et de technologies anciennes. Qu’ils sont capricieux, fragiles et demandent une attention particulière. En effet, régulièrement, les moteurs doivent tourner et tous les éléments mécaniques doivent être en fonctionnement dynamique, faute de quoi, en l’absence de lubrification peut apparaitre une légère oxydation (soupapes et segments collées sur les moteurs à soupapes latérales, fuites diverses sur les joints en cuir tournants…)

Selon le modèle, ces engins ont une consommation allant de 20 litres à 80 voire 100 litres d’essence au 100 km et que ce soit avant, pendant ou après la manifestation, il faut trouver la pompe à essence, qui aujourd’hui, devient rare en raze-campagne. De même, les réparations nécessitent souvent l’aide ou l’expertise d’un autre collectionneur et parfois d’amener le matériel chez lui.
Enfin, les contrôles techniques pour les véhicules légers de collection nécessitent souvent de se déplacer à 20 ou 50 km pour trouver un centre de contrôle « compatible » et pour les poids lourds le déplacement peut atteindre jusqu’à 250 km.

Ces nombreuses contraintes techniques sont amplement suffisantes et les collectionneurs n’en ont pas besoin de nouvelles. Au contraire, ils ont besoin d’autonomie et de confiance, ce sont des gens responsables !

Si le texte reste en l’état, c’est la mort de la collection des matériels de guerre anciens et neutralisés, ainsi que de la participation des collectionneurs aux manifestations culturelles ainsi qu’au 7ème art relatant des faits historiques français

Déplacement : le motif légitime ?

Les dispositions relatives aux déplacements sans motif légitime, seraient totalement inacceptables. Ces dispositions sont susceptibles de créer artificiellement des délinquants chez les collectionneurs. Actuellement, ils doivent posséder une autorisation de détention pour circuler librement avec leurs vieux engins neutralisés. Dans le futur l’autorisation préalable disparaitrait pour les véhicules antérieurs à 1946, mais les collectionneurs resteraient bloqués chez eux sans pouvoir en sortir au risque de voir la loi strictement appliquée et d’être très lourdement verbalisé.

Les nouvelles dispositions réglementaires proposées sont aussi en contradiction totale avec la démarche du législateur [2] dont la volonté était de durcir les textes contre les délinquants et les assouplir pour les honnêtes gens, notamment, les collectionneurs.

Il est évident que toutes les manifestations culturelles auxquelles les collectionneurs participent sont encadrées, soit par les forces de l’ordre, soit par des organisateurs soucieux de respecter la loi.

A notre connaissance, dans les trente dernières années, il n’y a eu aucun débordement notable de la part des collectionneurs français.

Tous les collectionneurs attendent plus de compréhension des autorités sur cette occupation de « bon père de famille ». Combien de comémorations seront dénuées du réalisme historique qui éveille la curiosité des enfants, sans ces fournisseurs gracieux des accessoires d’époque.

L’anecdote
Il se raconte que : lors d’une commémoration, Michèle Alliot-Marie alors Ministre de la Défense montée dans un véhicule blindé de la 2e GM équipé de mitrailleuses de 12,7mm, non neutralisées St Etienne (mais par le Banc d’épreuve belge), a suite à une des questions au conducteur, très honoré de cette sollicitude et voulant se rendre intéressant, lui a expliqué que ces mitrailleuses se trouvaient très facilement, sans bien trop réfléchir aux conséquences de ses paroles.De retour au Ministère, il y aurait eu une remonté de bretelle générale dans certains services dont les collectionneurs font encore aujourd’hui les frais...

[1Lettre du 8 mars 2013,

[2Avec le vote de la loi du 6 mars 2012.