Transport d’armes
Depuis le 1er juillet 2020, le carnet de tir et ses contraintes de validation n’existent plus. En effet, l’article 3 du décret n°2020-486 a abrogé l’article R312-43 du CSI. De fait, le carnet de tir n’est plus à présenter à toute réquisition des services de police ou de gendarmerie. Le tireur en déplacement avec ses armes ne doit donc plus présenter que sa licence en cours de validité. Et contrairement à ce que l’on entend parfois, le tireur partant en voyage avec ses armes n’a pas besoin d’une invitation établie par le club de tir où il compte s’entraîner pendant ses vacances. Cette condition ne s’impose en effet qu’aux tireurs venant en France ou transitant par la France, munis de la carte européenne d’arme à feu, etc. (art. R 316-11 du CSI)… ou aux tireurs se rendant à l’étranger (art. R316-46 du CSI)… Le tireur sportif français sillonnant la France avec ses armes n’a donc pas besoin d’invitations des clubs !
Le Code des Transports
En revanche, peuvent s’appliquer d’autres restrictions imposées par le code de la défense, le code des transports, ou encore divers arrêtés.
On notera à ce propos que l’article 9 du décret n°2016-541 relatif à la sûreté dans les transports ferroviaires a été abrogé par le décret n°2019-726 du 9 juillet 2019. Cet article prévoyait notamment que toute personne autorisée à porter ou transporter une arme à feu ne peut accéder aux véhicules affectés au transport public de voyageurs avec cette arme que si celle-ci est non chargée, démontée et maintenue dans un étui ou une mallette fermée. Pour autant, cette règle n’a pas totalement disparu, puisque ce même décret a également créé l’article R2241-25 du code des transports, où ces dispositions sont reprises in extenso. Il a même été ajouté : Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe…
En matière de transport aérien, l’article L150-6 du code de l’aviation civile a quant à lui été abrogé et remplacé par l’article L6232-8 du code des transports : Est puni des peines prévues par l’article L6232-4 « 1 an d’emprisonnement et 75.000 € d’amende » le fait de transporter par aéronef sans autorisation spéciale des explosifs, armes et munitions de guerre (…).
Mais ce texte est ambigu car il fait toujours référence à la notion d’arme de guerre, abandonnée depuis 2013 ! Faut-il dans ce cas considérer que l’interdiction ne vise que les armes de la catégorie A2 (armes relevant des matériels de guerre), ou bien toutes les armes autrefois classées en 1re catégorie (armes à feu et leurs munitions conçues pour ou destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne)… qui peuvent désormais se retrouver classées en A1, A2 mais aussi en B ? Et dans cette dernière hypothèse, faut-il exclure de la catégorie B les armes qui étaient autrefois classées en 4e catégorie (armes de défense) ? Outre ce problème d’interprétation, d’autres contraintes viennent parfois complexifier la situation, les compagnies aériennes pouvant imposer leurs propres restrictions supplémentaires. En cas de vol avec escale, obligeant à prendre des correspondances affrétées par des compagnies différentes, cela peut d’ailleurs poser quelques soucis…
Les contrôles douaniers
On se souvient encore des problèmes que rencontraient parfois les collectionneurs de baïonnettes, il y a une quinzaine d’années, lorsqu’ils se faisaient contrôler par les services des douanes. C’était souvent à la sortie d’une bourse aux armes, comme par hasard, et les agents leur demandaient de prouver que les armes avaient été importées légalement ! A défaut, les baïonnettes étaient saisies, et leurs propriétaires écopaient d’une belle amende transactionnelle. Les associations de défense des amateurs d’armes conseillaient alors de toujours transporter ses armes accompagnées de leurs factures…
Mais depuis la refonte de la réglementation en 2013, et l’arrivée des catégories A, B, C et D, les baïonnettes, les arcs ou encore les arbalètes ont été déclassées (entre autres). Désormais, elles sont donc considérées comme de simples objets par le Code de la Sécurité Intérieure, du moins tant qu’elles ne sont pas utilisées pour commettre une infraction. Auquel cas, le Code Pénal les considère alors comme des armes par nature. En effet, la catégorie D a ne mentionne comme armes blanches que les poignards, les couteaux-poignards, les matraques. De fait, les baïonnettes échappent aujourd’hui au champ d’investigation des douanes, ce qui explique la raréfaction des litiges. Pour autant, toutes les autres armes classées demeurent assujetties à leur contrôle… à part certaines, car il y a toujours des exceptions !
Le code des douanes
Les contrôles réalisés par les douanes en matière d’armes sont généralement justifiés par les articles 38, 215 et 215 bis du code des douanes, dont le champ d’application est défini par arrêté.
Pour résumer, on pourra retenir que ceux qui détiennent ou transportent certains types d’armes doivent justifier, à la première réquisition des agents des douanes, que ces biens ont été régulièrement importés. Et cela concerne également ceux qui ont détenu, transporté, vendu… ces armes au cours des 3 années précédentes ! Les intéressés peuvent notamment produire des quittances douanières, des factures, des bordereaux de fabrication ou toute autre justification d’origine émanant de personnes ou de sociétés de la Communauté Européenne. Il est à préciser que ces contrôles peuvent s’effectuer sur l’ensemble du territoire national [1], notamment à l’occasion d’un transport d’armes, mais aussi au domicile (y compris de nuit !) en cas de flagrant délit…
Les exceptions qui confirment la règle
Avant l’arrêté du 12 février 2013 les contrôles douaniers pouvaient s’appliquer sur toutes les armes inscrites au chapitre 93 du tarif des douanes. Cela englobait les armes blanches (dont les baïonnettes alors classées en 6e catégorie), mais également les répliques à poudre noire, les armes d’alarme, de signalisation, à air comprimé, etc. Aussi, l’article 1 de l’arrêté du 11 décembre 2001 consolidé précise les types d’armes auxquels s’appliquent désormais ces contrôles. Il s’agit des matériels, armes, munitions et leurs éléments des catégories A, B et C, du 1° de la catégorie D et des a, b et c du 2° de la catégorie D soumis au régime d’autorisation d’importation mentionné au I de l’article L. 2335-1 du code de la défense, à l’exclusion : des armes, munitions et leurs éléments à percussion annulaire figurant aux 1°, 2° et 8° de la catégorie C ; des fusils et carabines de chasse ainsi que des projectiles et munitions de chasse des 1°, 7° et 8° de la catégorie C et du 1° de la catégorie D, pour lesquels les détenteurs et transporteurs justifient qu’ils sont exclusivement affectés à leur usage personnel [2].
Tout d’abord, on remarquera que cet arrêté, dont la dernière modification remonte à avril 2024, fait toujours référence aux armes de catégories D 1°, D 2° a, D 2° b et D 2° c… qui n’existent plus ! Doit-on alors comprendre que toutes les armes aujourd’hui classées en D a, D b, et D c sont automatiquement exclues ? Ou bien que seules le sont les armes autrefois classées en D 1° (soumises à enregistrement) ? Et quid des armes neutralisées désormais en C 9°, qui n’étaient pas concernées lorsqu’elles étaient classées en D 2° d ? Généralement, les mises à jour des textes se font à droit constant, mais que se passe-t-il si des sur-classements sont intervenus entre temps.
Et la future consolidation satisfera-t-elle le ministère des finances, ou bien ce dernier en profitera-t-il pour adapter lui aussi les catégories ?
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A ce jour, l’arrêté du 11 décembre 2001 (dont la dernière consolidation date du 10 avril 2024) fait toujours référence aux catégories D 1° et D 2° qui n’existent plus depuis le 1er août 2018 ! Faut-il dans ce cas l’appliquer stricto sensu, et considérer que le contrôle doit être basé sur les catégories ? Ou bien faut-il l’interpréter, et considérer que le contrôle doit être basé sur les armes désignées par l’ancien classement ? Auquel cas, faut-il également tenir compte des surclassements ? Et aussi des dérogations applicables à certaines armes surclassées ? La réponse officielle de la DGDDI en 2022 était la suivante : « Cet arrêté est en cours de modification afin, notamment, de mettre à jour les classements des armes qui y sont reprises. Dans l’attente, il convient de considérer que les armes qui étaient soumises au contrôle et qui ont changé de classement continuent d’y être soumises. Ainsi, les armes désormais classées aux a, b et c de la catégorie D (anciennement a, b et c du 2° de la catégorie D) sont soumises au contrôle. De même les armes de catégorie C, anciennement classée au 1° de la catégorie D restent soumises à contrôle. S’agissant des armes neutralisées en revanche, un justificatif ne sera pas demandé dès lors qu’est présenté le certificat de neutralisation conforme à la réglementation en vigueur et qu’elle présente notamment les poinçons de neutralisation ». On notera néanmoins que toutes les armes neutralisées dans l’Union Européenne avant le 8 avril 2016 ne sont pas forcément conformes à la réglementation en vigueur, mais que leurs détenteurs peuvent parfois bénéficier d’un régime antérieur. En outre, le certificat de neutralisation n’est pas obligatoire pour les armes neutralisées en France avant le 8 avril 2016. Par ailleurs, dans l’attente d’une mise à jour de l’arrêté, il n’est pas certain qu’un tribunal s’en tenant aux textes en vigueur valide l’interprétation de l’administration fiscale… |
La « consommation personnelle »
Comme indiqué dans l’arrêté, il suffit de justifier que certaines armes sont exclusivement affectées à un usage personnel pour les exclure du contrôle. C’est un peu comme pour le tabac ou l’alcool, lorsque vous revenez d’un voyage à l’étranger : vous avez droit à une quantité par passager, sur laquelle vous n’avez pas à payer de taxes d’importation. Dans la réponse à la question écrite du 21 mars 1980 [3], le Ministre du budget de l’époque indiquait que l’on pouvait ainsi bénéficier de la franchise temporaire sur 2 armes de chasse et sur 100 cartouches par arme importée. Aussi, les dernières jurisprudences ont montré que la licence de tir ou le permis de chasser pouvaient justifier l’usage personnel d’armes et de munitions classées en catégorie C (ou D)… sans limitation de quantité, ou de valeur ! De fait, le tireur qui transporte ses armes en présentant sa licence de tir comme motif légitime justifie simultanément de leur usage personnel ! Du moins pour celles qui sont classées en C et qui sont utilisables à la chasse, puisque cela fait partie des conditions d’exonération…
Enfin, rappelons que les chasseurs revenant de voyage à l’étranger peuvent en revanche être contrôlés pour les trophées qu’ils ramènent, l’arrêté du 11 décembre 2001 mentionnant les spécimens d’espèces de la faune et de la flore sauvages menacées d’extinction, inscrites aux annexes de la convention signée à Washington.
L’article 215 3° du code des douanes prévoit que les armes (et autres marchandises) entrant nouvellement dans son champ d’application peuvent être déclarées fiscalement dans un délai de 6 mois. Suite à la publication de l’arrêté du 11 décembre 2001, les détenteurs d’armes pouvaient donc se voir délivrer une déclaration authentifiée, faisant office d’AIMG (Autorisation d’Importation de Matériel de Guerre) ou de facture établie en France ou dans un autre Etat de l’Union Européenne. Cela concernait par exemple les tireurs détenant avec autorisation préfectorale une arme récupérée par un grand-père résistant. Aujourd’hui, ce document reste toujours valable, mais le délai de 6 mois étant largement écoulé, il n’est plus possible d’en obtenir. De fait, l’information n’ayant pas été suffisamment diffusée à l’époque, rares sont les détenteurs d’armes qui ont pu bénéficier de cette procédure, assimilable pour l’usager à une amnistie… Aussi, en cas de nouveau surclassement faisant entrer des armes dans le champ d’application de l’article 215 du code des douanes, un nouveau délai de 6 mois serait appliqué, mais uniquement pour ces nouvelles armes. C’est bon à savoir, même s’il n’y a plus beaucoup d’armes qui échappent encore au contrôle des douanes…
Les documents à présenter
En matière de droit douanier, la charge de la preuve est inversée (ou renversée) : c’est donc au détenteur d’un objet de prouver que sa situation est en règle. De plus, l’article 215 du code des douanes prévoit que l’on est obligé d’apporter toute justification à première réquisition des agents des douanes.
Toutefois, dans la pratique, cela ne signifie pas forcément que l’on est obligé de tout justifier sur place et immédiatement. Dans certains cas, et seulement au bon vouloir des fonctionnaires, les intéressés de bonne foi ont en effet la possibilité de fournir les documents a posteriori : une boîte de cartouches de calibre 12 transportée sans licence ni permis de chasser peut par exemple être provisoirement saisie, jusqu’à la présentation du titre prouvant à la fois le transport légitime et l’usage personnel. Si la personne habite à proximité, les douaniers peuvent également l’accompagner chez elle pour vérifier qu’elle en est bien titulaire pour limiter la paperasse. En fait, la retenue d’une personne est possible le temps nécessaire au contrôle et à la rédaction des actes de procédure qui le relate. Donc, plus vite la preuve est apportée, plus vite le tireur peut continuer sa route.
Bien que cela ne soit pas obligatoire, il est donc préférable de conserver avec soi tous les justificatifs utiles. Mais qu’il s’agisse des autorisations (ou des récépissés de déclaration), des factures, ou de tout autre document justifiant l’origine de l’arme, les originaux ne sont pas indispensables : des photocopies suffisent, et même des photos prises avec son smartphone ! A défaut, en liaison avec leur brigade, les douaniers peuvent consulter les fichiers. En effet, les matériels des catégories A, B et C qui n’échappent pas aux contrôles douaniers sont depuis 2018 soumis à déclaration [4]… voire à autorisation préfectorale. De fait, pour toutes les nouvelles acquisitions, l’identité du vendeur est forcément connue, grâce au traçage des armes. Il est donc plus facile pour les douaniers de retrouver la provenance des armes, lorsqu’elles sont détenues légalement. Quand aux armes bénéficiant d’un régime antérieur, il est conseillé de conserver également les références juridiques : il suffit de citer l’article du décret correspondant pour que le douanier le retrouve sur Légifrance. Ces références sont d’ailleurs consultables en permanence à l’aide d’un smartphone sur le site internet de l’UFA ou sur notre site dédié à la réglementation Les douaniers étant des généralistes, ils n’ont pas forcément des connaissances très pointues dans le domaine des armes : certains sont eux-mêmes tireurs, mais ce n’est pas le cas de tous ! Il ne faut donc pas hésiter à leur faire part de ses observations, mais toujours de manière courtoise. Et quoi qu’il en soit, si la durée du contrôle peut se trouver rallongée par les recherches, son issue n’en dépend pas…
Quelques cas particuliers…
Nous venons de passer en revue des exceptions à la règle, ainsi qu’une liste de justificatifs susceptibles d’être acceptés en cas de contrôle douanier. Mais des cas encore plus complexes peuvent se présenter : les armes qui ont plus de 100 ans d’âge (et qui sont donc des antiquités au sens de l’article 98 A IV du code général des impôts) devraient théoriquement échapper au contrôle, puisqu’elles ne sont soumises ni aux droits de douane ni à la TVA [5]. Pourtant, des modalités particulières de dédouanement doivent être respectées, notamment afin que l’administration puisse effectivement s’assurer que ces armes ne sont pas soumises à AIMG (Autorisation d’Importation de Matériels de Guerre) [6]. De fait, même s’il s’avère au terme de la procédure de classement qu’aucun droit douanier ne doit être perçu, et qu’aucune AIMG n’est nécessaire, toutes les armes demeurent soumises à un contrôle a priori. Cela concerne ainsi les armes de collection d’un modèle antérieur au 1er janvier 1900 (D e) ou certaines déclassées par arrêté (D g), mais aussi les répliques à poudre noire tirant sans étuis métalliques (D f), les armes à air comprimé de 2 à 20 joules (D h), les armes à blanc ou de signalisation (D i), etc. En outre, la douane peut aussi effectuer des vérifications sur la base d’autres textes, comme le ferait la police ou la gendarmerie (notamment sur la base du CSI qui impose un motif légitime de transport et des conditions de sécurité)…
La finalité des contrôles
Les douanes dépendent du ministère de l’économie et des finances. Il s’agit donc d’une administration fiscale, dont l’objectif est notamment de lutter contre toute forme de contrebande. Mais elle dispose également de pouvoirs judiciaires, lui permettant d’intervenir en cas de constatation d’autres infractions découvertes au cours d’un contrôle. Aussi, leurs pouvoirs étendus sont surtout pour les douanes un outil d’investigation, leur permettant selon la situation de déboucher sur des visites domiciliaires. La découverte d’armes et de pièces détachées très diverses sans justificatifs dans un coffre de voiture peut alors constituer une piste intéressante dans le cadre du démantèlement des réseaux de trafic d’armes. Tout dépend du flair de l’agent, qui peut alors décider d’investiguer selon les circonstances. Les personnes de bonne foi, qui n’ont rien à se reprocher, n’ont donc rien à craindre si ce n’est une perte de temps. Des abus ont certes été relevés par le passé, mais la nouvelle génération de douaniers sait faire preuve de bon sens.
Toutefois, il y a certainement encore des agents qui peuvent aller jusqu’à se lancer dans une procédure si l’on ne présente pas sur place et immédiatement tous les justificatifs, comme cela est d’ailleurs prévu par les textes. Il est donc recommandé de toujours se déplacer avec un maximum de documents (surtout si l’on ne peut produire la facture d’un P08, récupéré par un grand-père résistant et désormais détenu avec autorisation préfectorale). Aussi, en cas d’abus supposé de la part des douaniers, rappelons que les agents sont tenus de présenter leur commission d’emploi (qui comporte notamment leur identité) et qu’il est possible de consigner une réclamation sur un registre prévu à cet effet. Enfin, en cas d’incertitude, Infos Douane Service renseigne gratuitement tous les usagers…
L’auteur remercie la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects et Jean-Jacques Buigné pour leur relecture attentive.
Les informations communiquées dans cet article reflètent l’état des connaissances de l’auteur en matière de réglementation des armes lors de la rédaction de cet article. Les résumés n’ont comme valeur que celle d’un résumé. Un récapitulatif de la réglementation est accessible sur le site internet de l’auteur}.






