

Aujourd’hui en France, les collectionneurs ne peuvent acquérir que les armes à feu de la 8e catégorie.
Depuis le décret de décembre 1998, la présentation d’un permis de chasser ou d’une licence de tir est obligatoire pour toute acquisition d’une arme de 7e catégorie. Puis en 2002, la loi dite sur la Sécurité quotidienne confirme cette disposition et l’étend aux armes de la 5e catégorie.
La même définition depuis 69 ans !
Si le Code de Défense [1] et son décret d’application du 6 mai 1995 définissent la 8e catégorie comme celle des « Armes et munitions historiques et de collection », son arrêté d’application ne classe dans cette catégorie que des armes antiques conçues il y a plus de 138 ans à l’exception de quelques armes à feu rares du tout début de XXe siècle figurant sur la liste complémentaire.
Cette règlementation retient le millésime du 1er janvier 1870 pour définir la date après laquelle le modèle de l’arme n’est plus classé en collection. Cette date a été définie en 1939
[2] et n’a jamais bougé depuis. Ce choix s’expliquait à l’époque par l’exclusion de la majorité des armes à percussion centrale. En 2008, une évolution est vraiment nécessaire.

Des pays de l’Union Européenne ont adopté des mesures pour encourager la collection d’armes. Nos voisins belges ont choisi en 2006 le millésime de 1897 et publié depuis 1991 une longue liste d’armes de panoplie (l’équivalent de notre 8e catégorie) à laquelle s’ajoutent celles dont les munitions ne sont plus fabriquées, sans que ces armes aient depuis lors été impliquées dans des infractions.
Droit international plus large !
Le droit international laisse également une certaine liberté aux Etats en matière d’armes anciennes et de collection.
– L’article 3 du Protocole contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, exclut les « armes à feu anciennes ou leurs répliques » et dispose : « Les armes à feu anciennes et leurs répliques sont définies conformément au droit interne. Cependant, les armes à feu anciennes n’incluent en aucun cas les armes à feu fabriquées après 1899 ».
– La directive 91/477/CEE du Conseil, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes laisse également aux Etats membres le soin de définir l’arme de collection.
Propositions à la française

Ces considérations nous incitent à faire les propositions suivantes :
– Adopter le millésime du 1er janvier 1900 comme référence, en distinguant :
- les armes qui ont été fabriquées avant cette date et qui seraient donc des armes « anciennes » non soumises à la règlementation des armes,
- celles d’un modèle antérieur à ce millésime mais fabriquées entre cette date et le 1 janvier 1945 seraient classées en 8e catégorie.
– Classer comme armes de collection toutes les armes à poudre noire (8e catégorie) n’utilisant pas de cartouche à percussion annulaire ou centrale,
– Editer une nouvelle liste complémentaire d’armes de collection conçues dans la première moitié du XXe siècle en raison de leur rareté et de leur valeur selon la jurisprudence de la Cour de Justice européenne,
– Modifier le Code de la Défense en supprimant l’alinéa [3] qui classe de fait des armes à vocation sportive comme armes de guerre du simple fait de la munition,
– Permettre aux collectionneurs ne pratiquant ni le tir ni la chasse, l’acquisition des armes des 5e et 7e catégories librement.
Armes concernées | Situation actuelle | Proposition |
Armes à feu fabriquées avant 1900 | 8e catégorie si le modèle est antérieur à 1870 et fabriqué avant 1892 ou inscrit dans la liste complémentaire | Antiquités non armes à feu |
Armes à feu d’un modèle avant 1900 et de fabrication antérieure à 1945 | Pour les modèles postérieurs à 1870, classement dans les 1e, 4e, 5e ou 7e catégories (sauf pour celles figurant dans la liste complémentaire) | 8e catégorie |
Armes à feu à poudre noire à munitions non métalliques | 8e catégorie sauf celles qui sont omises ou exclues | 8e catégorie |
Liste complémentaire | 8e catégorie | 8e catégorie |
Notre proposition de liste complémentaire |
Intérêt de ces propositions
Ces propositions offriraient la possibilité pour les collectionneurs d’acquérir les objets antiques et rares qui leur sont aujourd’hui interdits. Ces armes sont pour la plupart, soit similaires à celles classées actuellement en 8e catégorie, soit étaient accessibles avant les décrets de 1993 et 1995. Les quelques autres qui figureraient dans une nouvelle liste complémentaire sont déjà considérées comme armes de collection dans certains pays européens.
Le choix du millésime de 1900 paraît judicieux :
– Le millésime de 1870 pour définir l’arme ancienne a été adopté il y a 69 ans et depuis, la technologie a réalisé un pas de géant. Toutes les armes antérieures à 1939 sont devenues obsolètes depuis plus d’un demi-siècle ! Ce qui n’était pas le cas avant la seconde guerre mondiale, quand les fantassins et les chasseurs de grands gibiers disposaient d’armes d’épaule à culasse à verrou aux performances proches. Aujourd’hui, où l’armement individuel militaire est essentiellement constitué d’armes automatiques (full auto), le critère retenu en 1939 est suranné.
– Le respect du patrimoine s’est de plus en plus institutionnalisé avec un devoir de mémoire exprimé à travers les commémorations, les groupes de reconstitutions historiques et la volonté des citoyens et des mécènes privés de préserver les souvenirs et les témoignages de l’histoire pour les générations futures.
– Il n’est plus possible d’évoquer un quelconque motif d’ordre public pour des armes conçues il y a plus de 100 ans pour les plus récentes. Trouver des armes fabriquées au XIXe siècle en état de tir est devenu rare.
Le prix de ces antiquités est prohibitif par rapport aux armes récentes disponibles sur le marché parallèle et les met hors de portée du premier venu. Cela constitue « une neutralisation financière » qui en empêche l’acquisition aisée.
– En France, le millésime de 1870 exclut du champ de la collection un grand nombre d’armes anciennes datant du dernier quart du XIXe siècle devenues obsolètes depuis des décennies, voire plus d’un siècle et qui sont désormais rachetées par les collectionneurs des pays limitrophes (en particulier Belgique, Allemagne et même Royaume-Uni) ou les Etats-Unis, où beaucoup d’entre-elles sont considérées comme des armes de collection.
– En outre, la seconde moitié du XIXe siècle fut des plus inventive quant aux systèmes d’armes à feu, sans que l’on puisse dater avec précision le modèle et l’année de fabrication, compte tenu de la multitude de « fabricants - inventeurs ». Même les experts ont du mal à être d’accord sur le classement de certains modèles.
Dès le début du XXe siècle, la situation s’est plus standardisée et les nouveaux modèles ont été généralement produits par de grandes firmes américaines et européennes. Il sera donc plus facile de dater avec précision les modèles et les années de fabrication, la majorité des armes étant numérotées et identifiées par les fabricants.
– Les armes d’un modèle antérieur à 1900 sont d’une technologie inventée au XIXe siècle et généralement abandonnée depuis longtemps pour un usage civil et militaire. Leur obsolescence les a rendues impropres au tir de précision et à la pratique de la chasse. Elles sont cantonnées à n’être que des « objets anciens » qui n’ont d’intérêt que pour les collectionneurs attachés à la sauvegarde du patrimoine.
Distinguer “antique" ? et “collection" ? ?
Au moins plusieurs raisons à cela, entre autres :
– En France, il existe des peines complémentaires prévoyant, entre autres la confiscation de toutes les armes. Ce régime frappe et discrimine les détenteurs d’armes, car la confiscation des armes peut représenter une charge financière plus lourde que l’amende infligée à titre principal !
– L’article 41-4 du Code de Procédure Pénale permet à un procureur de confisquer les armes d’une personne qui n’a commis aucune infraction.
– Les armes qui ne seraient pas considérées comme des « antiquités » doivent subir un marquage lorsqu’elle sont exportées.
Classer en 8e catégorie, toutes les armes à poudre noire ?
Actuellement les répliques à poudre noire sont classées en 8e catégorie par arrêté [4] qui dresse une liste d’armes comportant quelques oublis surtout dans une interprétation restrictive.
Ainsi, les arquebuses n’y figurent pas, les armes lourdes anciennes non plus.
Le Contrôle Général des Armées l’avait d’ailleurs signalé. [5]
« La catégorie des armes historiques et de collection n’est pas susceptible d’accueillir des répliques d’armes anciennes, ce qui pourrait, par exemple, conduire à classer en première catégorie des reproductions du canon Gribeauval ou des bombardes médiévales. »
Ce qui est d’ailleurs le cas et il semble grotesque qu’une bombarde d’un modèle médiéval soit classée dans la même catégorie et au même paragraphe qu’un canon 155 GCT !
En plus d’être incomplète cette liste est trop imprécise.
![]() Rémington New Army mle 1858
![]() Copie Uberti du Rémington 1858
Le fonctionnement est identique pour toutes ces armes à percussion : chargement par l’avant du barillet et utilisation de balles plomb et poudre noire. Le verrou du levier de chargement est celui du revolver Roger & Spencer Mle1863. ![]() Ruger Old Army
Le reste de l’esthétique générale est identique au Remington, seul le look de la poignée n’est pas strictement identique aux modèles que l’on faisait à l’époque. Mais quand on sait qu’a la fin du XIXe siècle les armes étaient souvent personnalisées pour leurs propriétaires, cette distinction est mineur. Pourtant, cela à suffit à l’administration pour contester le classement en 8e catégorie des Rugers Old Army. |
Ainsi un juge a refusé de considérer une réplique de Colt Navy comme étant de la 8e catégorie car la gravure du barillet n’était pas conforme à celle du modèle standard d’origine. Manifestement ce magistrat n’avait jamais vu un Colt 1860 d’époque customisé par Tiffany !
La convention de Vienne exclut ces armes à poudre noire de sa compétence et la directive européenne laisse l’initiative aux Etats membres pour classer comme armes de collection, donc hors du champ de la Directive de telles armes.
L’élargissement de la notion d’armes de collection à l’ensemble des armes à poudre noire n’utilisant pas de cartouches à percussion annulaire ou centrale ne modifierait en rien le classement des munitions. Le décret du 6 mai 1995 exclut du classement en 8e catégorie les munitions à poudre sans fumée « munitions pour ces armes, sous réserve qu’elles ne contiennent pas d’autre substance explosive que de la poudre noire. » A partir de 1895, les armes ont généralement été conçues pour la poudre sans fumée. Si la modification demandée libérait les armes de la fin du XIXe siècle, les munitions resteraient encore soumises à autorisation.
Modifier le Code de la Défense
Actuellement sont classées en 1re catégorie du simple fait de leur munition des armes obsolètes ou à finalité sportive. Cette exception française, unique dans l’Union Européenne est une aberration contraire à l’esprit des textes européens sur la liberté de commerce et sur la règlementation des armes, elle devrait donc être abrogée. Les chasseurs de l’UE ne peuvent pas venir chasser en France avec leur 8x57 libre partout sauf en France.
Des 5e et 7e catégories pour les non chasseurs et non tireurs ?
Les collectionneurs d’armes ont pu acquérir librement de telles armes jusqu’en 1998 pour celles de 7e catégorie et jusqu’en 2001 pour celles de 5e catégorie. Cela n’a jamais porté atteinte à l’ordre public et cette prohibition n’a pas non plus amélioré la sécurité publique. Par définition, les délinquants ne respectent pas les lois ! .
Alors pourquoi faire cette discrimination ? Pourquoi ne pas instaurer pour les simples collectionneurs un régime d’acquisition spécifique calqué sur celui des chasseurs et des tireurs sportifs ?
Conclusion
L’adoption du millésime de 1900 permettrait d’exclure de la règlementation des armes toutes celles fabriquées antérieurement et de classer en 8e catégorie celles de même modèle mais fabriquées après. Ces mesures comme celles classant toutes les armes à poudre noire en 8e catégorie ou déclassant de la 1re catégorie des armes obsolètes incontestablement à vocation sportive faciliteraient grandement la collection d’armes d’une part et d’autre part le travail de l’administration, sans qu’il soit possible d’invoquer un quelconque risque virtuel pour l’ordre public.
Enfin, une mesure permettant aux simples collectionneurs l’accès aux armes d’épaule des 5e et 7e catégories mettrait fin à une discrimination intolérable dans une démocratie envers une population respectueuse des lois.