Ce texte de 1982 reste le socle commun à tous les arrêtés préfectoraux d’aujourd’hui garantissant une application homogène sur le territoire français et une meilleure prévention des risques liés à la chasse.
Problème, ce texte ne prévoyait qu’indirectement la protection des personnes, des évolutions sont-elles nécessaires et possibles ? Un arrêté préfectoral de Vendée pris en 2025 apporte des éléments de réponse.
Le ministre de l’intérieur a proposé en 1982, que les différentes instructions destinées à prévenir les accidents résultant « de l’usage abusif » des armes à feu soient regroupées dans un seul texte, alors qu’auparavant, elles dépendaient d’un empilement de circulaires :
« Il est interdit de faire usage d’armes à feu sur les routes et chemins publics, ainsi que sur les voies ferrées ou dans les emprises ou enclos dépendant des chemins de fer.
Il est interdit à toute personne placée à portée de fusil d’une de ces routes, chemins ou voies ferrées, de tirer dans cette direction ou au-dessus.
Il est également interdit de tirer en direction des lignes de transport électrique ou de leurs supports.
Il est enfin interdit à toute personne placée à portée de fusil des stades, lieux de réunions publiques en général et habitations particulières (y compris caravanes, remises, abris de jardin), ainsi que des bâtiments et constructions dépendant des aéroports, de tirer en leur direction. »
En effet, il y a quatre niveaux de protection différents :
– « à portée de fusil » et « en leur direction ou au-dessus » ;
– « à portée de fusil » et « en leur direction » ;
– « en direction de » ;
– Aucune interdiction explicite.
Ce qui est à la fois remarquable et inquiétant, c’est que le texte ne prévoit aucune mesure de protection clairement définie pour les personnes ni pour les animaux domestiques. Autrement dit, les risques encourus par les habitants, promeneurs ou propriétaires d’animaux lors des activités de chasse ou de destruction d’animaux sauvages ne sont pas pris en compte.
Évolution de la chasse :
En 1982, lors de la rédaction de l’arrêté initial, la chasse au grand gibier demeurait une activité relativement marginale. À cette époque, environ 160 000 animaux avaient été prélevés au cours de la saison 1981/1982 (Source : OFB – Tableaux de chasse nationaux).
Cette pratique concernait alors un nombre limité de chasseurs et se déroulait principalement dans des zones rurales ou forestières bien délimitées, avec un impact restreint sur la sécurité publique.
Quarante ans plus tard, la situation a profondément changé. Pour la saison 2023/2024, plus de 1,6 million de grands gibiers ont été abattus, soit une multiplication par dix du nombre de prélèvements. Cette évolution traduit non seulement une forte expansion des populations de cervidés et de sangliers, mais aussi une intensification notable de l’activité cynégétique, parfois au plus près des zones habitées ou fréquentées par le public.
Parallèlement, les conditions techniques de la chasse ont considérablement évolué : l’usage généralisé d’armes à canon rayé, offrant une portée de tir beaucoup plus longue et une puissance accrue, modifie radicalement la nature du risque. Les distances de sécurité qui pouvaient être jugées suffisantes dans les années 1980 ne le sont plus aujourd’hui.
Dans ce contexte, la logique administrative devrait naturellement s’orienter vers une amélioration continue des règles de sécurité publique, en les adaptant à l’évolution des pratiques, des outils et des risques. Les autorités doivent reconnaître que les conditions actuelles nécessitent une vigilance accrue et des mesures plus protectrices, tant pour les usagers de la nature que pour les habitants des zones rurales.
Il reste donc beaucoup à faire pour que ce devoir fondamental de protection des personnes soit pleinement respecté et pour que les politiques de sécurité en matière de chasse soient cohérentes avec les réalités contemporaines. C’est à la fois dans l’intérêt des chasseurs, mais aussi du reste de la population.
Une piste d’amélioration
L’absence de mesure de protection clairement définie pour les personnes et les animaux domestiques a d’ailleurs été soulevé dans un recours déposé en 2023 devant le tribunal administratif contre un arrêté préfectoral pris en Vendée (N° 23-DDTM85-215). Cet arrêté fixait les règles de sécurité publique applicables aux actions de chasse, aux opérations de régulation d’espèces susceptibles de causer des dégâts, ainsi qu’aux battues administratives, de la manière suivante.
| Article 2 : Il est interdit à toute personne placée à portée d’arme de chasse de ces routes, chemins publics y compris bas côtés et fossés et voies ferrées, de tirer en leur direction ou au-dessus. Article 3 : Il est interdit de tirer en direction des lignes de transport électrique et téléphonique ou de leurs supports ainsi que des éoliennes. Article 4 : Il est interdit à toute personne placée à portée d’arme de chasse des stades ou autres lieux de réunions publiques, des habitations particulières y compris caravanes, abris de jardins et remises, des bâtiments, constructions et installations de toute nature, des pistes d’envol ou d’atterrissage, des bâtiments et constructions dépendant des aéroports et des aérodromes ainsi que de leurs emprises et de leurs enclos, des engins agricoles ou de toute nature, de tirer en leur direction. |
Le tribunal déboute mais le préfet réécrit
Finalement, à la suite du recours déposé contre l’arrêté, le tribunal a jugé que le requérant ne disposait pas d’un intérêt à agir, et a donc rejeté la requête.
Cependant, on peut constater qu’en 2025, l’arrêté préfectoral a été réécrit,. La nouvelle mouture marque une évolution significative dans la prise en compte des questions de sécurité publique liées aux activités de chasse et de régulation des espèces.
| Article 2 : Il est interdit de tirer en direction des lignes de transport électrique et téléphonique ou de leurs supports ainsi que des éoliennes. Il est interdit à toute personne placée à portée d’arme à feu, de tirer dans la direction ou au-dessus de : - Des maisons d’habitation, maisons particulières (y compris caravanes, remises, abris de jardins) - Des stades ou autres lieux de réunions publiques, constructions et installations de toute nature, des pistes d’envol ou d’atterrissage, des bâtiments et constructions dépendant des aéroports et des aérodromes ainsi que de leurs emprises et de leurs enclos, des engins agricoles ou de toute nature et des véhicules terrestres. - Des voies ouvertes à la circulation du public, chemins publics y compris bas côtés et fossés et voies ferrées. - Des lignes de transport électrique, téléphonique, photovoltaïques ou de leur support. - Des personnes. |
Cela ne concerne certes pas encore la protection des animaux domestiques, mais il s’agit déjà d’un progrès important : la nouvelle rédaction reconnaît explicitement que les personnes ne doivent en aucun cas être exposées ou prises pour cible lors des activités de chasse ou de régulation.
Chacun peut désormais agir pour obtenir des mesures similaires dans son propre département, afin d’assurer une meilleure cohérence nationale.
Plus simplement, il serait souhaitable que le Ministre de l’Intérieur mette à jour la circulaire encadrant ces pratiques, afin d’éviter toute disparité ou discrimination entre départements dans l’application des règles de sécurité publique. En faisant en sorte que ce devoir fondamental de protection des personnes soit pleinement respecté et pour que les politiques de sécurité en matière de chasse soient cohérentes avec les réalités contemporaines. C’est à la fois dans l’intérêt des chasseurs, mais aussi du reste de la population.
Néanmoins, il faut se garder d’aller trop loin dans l’harmonisation au niveau national, il semble nécessaire de respecter la disparité des pratiques de chasse d’une région à une autre.
Les chasseurs demeurent les principales victimes des accidents de chasse, ce qui place la sécurité au centre de leurs pratiques :
– Avant chaque battue, l’organisateur doit rappeler à l’ensemble des participants les consignes de sécurité ;
– Depuis la réforme de 2019, l’examen du permis de chasser accorde une importance particulière à la sécurité du tir, avec plusieurs questions à caractère éliminatoire ;
– Par ailleurs, les chasseurs ont l’obligation de suivre une formation dédiée à la sécurité tous les dix ans.
| Liens intéressants :
– Portée d’arme à feu. D’après la Fédération Nationale des Chasseurs, pour des balles tirées dans une carabine à canon rayé : 2 000 à 5 000 m, pour des balles tirées dans un fusil à canon lisse : 1 500 m. FNC, vidéo sur la sécurité. – Sur le site de l’UFA : la portée des grenailles. Les textes – Circulaire “sécurité publique” du 15 octobre 1982 (dite circulaire Defferre) ; – Tous les textes juridiques encadrant la chasse. |



