Justice
Quand le tribunal relaxe, le procureur détruit les armes !
mardi 5 novembre 2019, par
Lorsqu’un détenteur d’armes est traduit devant un tribunal, ses armes sont saisies et conservées au greffe. Si le propriétaire des armes arrive à prouver son bon droit, il est relaxé de toutes les poursuites. Et, en principe, la justice ordonne la restitution des armes. Cela est possible si elles n’ont pas été détruites prématurément.
Mais également certains procureurs peuvent s’opposer à la restitution et ordonner la destruction. C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Une fois que l’affaire est définitivement jugée et que les voies de recours sont toutes épuisées, il peut arriver que la juridiction saisie n’ait pas statué sur certains aspects qui ne concernent pas directement la culpabilité de la personne mise en cause.
Pour prendre l’exemple d’un de nos adhérents : il a été relaxé des poursuites dont il était l’objet, mais le devenir des armes saisies n’a pas été évoqué lors du jugement.
Demande de restitution
Après que le jugement soit définitif, il faut introduire une demande de restitution. Dans cette situation, c’est le procureur qui va décider d’accepter ou non la demande.
Il s’agit d’un des rares cas de procédure judiciaire ou c’est le procureur qui prend une telle décision et non pas un ou des juges. L’impartialité de la décision est donc tout à fait questionnable, notamment dans le cas ou le procureur avait fait du procès une affaire personnelle et qu’il souhaitait la condamnation du détenteur d’arme lors de l’instance…
Difficile de parler d’idépendance de la justice !
Il fonde sa décision de non restitution des armes sur le Code de Procédure Pénal [1] qui lui permet « lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction. »
Il est à noter que la Cour Européenne des droits de l’homme indique que le procureur n’est pas une « autorité judiciaire » : il n’est pas indépendant à l’égard du pouvoir exécutif.
C’est donc tout à fait curieux que ce ne soit pas une autorité judiciaire, neutre et indépendante, qui statue sur ce genre de demandes… Heureusement, la décision du procureur est susceptible d’appel, ce qu’a fait notre adhérent. Dans ce cas, ces ont bien des juges qui statuent sur la décision.
Dans la pratique, il est extrêmement fréquent que ce genre de demandes soient systématiquement refusées par l’ordonnance du procureur et ensuite acceptées en appel. Ainsi, il devient presque « normal » d’avoir un refus puis d’avoir gain de cause en appel, comme si cela faisait parti du jeux habituel de la justice.
Mais, l’appel n’est pas anodin : frais d’avocat, préparation des conclusions, organisation d’une audience… En fait c’est tout comme un procès, simplement la culpabilité n’est plus en jeu cette fois-ci…
Cette « stratégie » de certains procureurs de refuser systématiquement les demandes de restitution porte ses fruits dans certains cas : certains justiciables doivent être découragés par l’appel, ou encore ne pas y trouver leur compte (si les frais d’avocat excèdent la valeur des objets saisis par exemple).
Nous sommes simplement effrayés qu’un tel pouvoir soit accordé au procureur et de voir qu’il en use et en abuse…
- La justice n’est pas toujours aveugle, et il suffit d’un bon avocat pour récupérer ses armes.
On détruisait sans réfléchir
Jusqu’en 2014, le Code de la Procédure Pénale [2] accordait au procureur un pouvoir encore plus grand : il pouvait ordonner la destruction des objets saisis pendant l’instruction (donc avant de savoir si la personne est coupable ou non !) si ceux-ci n’était plus nécessaires à la manifestation de la vérité et qu’il s’agissait d’objets dangereux (comme des armes)… Et cela sans que la personne mise en cause ne soit prévenue, et cette décision n’était pas susceptible d’appel !
Suite à la saisine du Conseil Constitutionnel [3], cela a été déclaré anticonstitutionnel et retiré du Code de Procédure Pénale.
Nous connaissons des affaires où des armes ont été détruites dans ce cadre là…
Aujourd’hui l’alinéa du CPP a été remplacé par : « Les décisions prises en application des quatre premiers alinéas sont motivées. Elles sont notifiées par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause. Ces personnes peuvent contester ces décisions devant la chambre de l’instruction afin de demander, le cas échéant, la restitution du bien saisi. Cette contestation doit intervenir dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision, par déclaration au greffe du tribunal ou à l’autorité qui a procédé à cette notification ; en cas de notification orale d’une décision de destruction de produits stupéfiants prise en application du quatrième alinéa, le délai de contestation est de vingt-quatre heures. Ces délais et l’exercice du recours sont suspensifs. »
La morale de cet article vise à inciter les malheureux détenteurs d’armes qui sont parfois victimes d’acharnement judiciaire, a aller jusqu’au bout des procédures.
[2] Art 41-4 du CPP en vigueur jusqu’au 13 avril 2014, paragraphe supprimé : « Le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite. »