Gazette des armes n° 446 octobre 2012
Triste fin pour une arme du maquis !
vendredi 21 septembre 2012, par
Au bureau de l’UFA, nous sommes un peu comme des « pères confesseurs » et ainsi des amateurs d’armes nous font part de leur « vécu », cela libère leurs émotions.
Nous vous faisons part de la « confession » d’un fils de résistant.
« Nés entre 1947 et 1955, mes frères et soeurs et moi-même avons été élevés dans le respect de la France Libre et de la résistance. Membre d’un réseau dès 1941, mon père avait été l’un des rares survivants de l’anéantissement par les Allemands du maquis de Saint Marcel dans le Morbihan en 1944.
Il avait rapporté de cette aventure un pistolet CZ 27 de toute beauté, pris à un douanier allemand. Il avait aussi conservé à la maison une Sten venant d’un parachutage et deux fusils « de guerre » : une carabine K.98 et un G.29/40 polonais abandonnés par l’ennemi au moment de sa débâcle de 1944.
Si tout cela était entouré d’une certaine discrétion, rien n’était vraiment caché et aucun des enfants n’en a abusé pour commettre quelque méfait que ce soit. Personne non plus ne songeait à inquiéter mon père pour détention illégale d‘armes de guerre. On avait alors le respect d’un homme qui avait eu le courage de se lever contre l’occupant quand tant d’autres ne songeaient qu’à s’enrichir par le marché noir ou à se mettre à l’abri.Il lui arrivait même les jours où le vent soufflant en tempête cantonnait les habitants derrière leurs fenêtres et masquait les bruits, de nous emmener tirer quelques cartouches de « mosère » sur la grève à marée basse. Au retour de mon service militaire, il m’emmena même un matin avec des airs de conspirateur tirer un chargeur de Sten sur cette même grève où le vent du large, toujours complice, masquait nos coupables activités.
- La STEN, arme emblématique de la résistance. Photo d’un groupe de maquisards assistant à une séance d’instruction dispensée par un cadre du maquis.
Après le décès de mon père, mes soeurs qui étaient parties habiter en ville ne souhaitèrent pas récupérer les armes de mon père. Mon frère, sous officier de Gendarmerie et aîné de la famille récupéra le splendide CZ alors que je m’appropriais la Sten et les deux Mauser. Habitant une vaste propriété agricole où la place ne manquait pas pour les dissimuler, je choisis pour ma part de conserver mes armes clandestinement, ce qui était tout à fait en accord avec leur passé d’armes de maquisard.
Plutôt légaliste, ainsi que l’exigeait sa profession, mon frère se fit, quant à lui établir une autorisation de détention d’arme de défense afin de conserver son pistolet en toute légalité. Il le garda ainsi au fond d’un tiroir fermé à clef pendant de nombreuses années, faisant pieusement renouveler son autorisation aux dates prescrites jusqu’à son départ en retraite en 1994.
Quelques années plus tard, le renouvellement de cette autorisation lui fut refusé au motif que les préfectures ne délivraient plus d’autorisations de détention à titre de défense. Il lui fut toutefois précisé que s’il adhérait à un club de tir, il pourrait éventuellement solliciter une autorisation de détention à titre sportif.
Très courroucé par l’attitude de l’administration et peu désireux de financer sur sa maigre retraite de gendarme l’inscription à un club de tir pour une arme dont il ne se servait jamais, il fut confronté au choix d’envoyer l’arme en destruction ou de la faire neutraliser.
Après avoir consulté son armurier et quelques anciens collègues supposés compétents dans ce domaine, il reçut l’assurance que la neutralisation lui rendrait l’arme intacte en apparence même si elle devenait inapte au tir et que sa valeur de souvenir n’en serait pas diminuée pour autant.
- Résistants à l’entraînement en fin de guerre par rapport à la photo précédente, on remarque que les armes sont désormais nombreuses et que les hommes sont habillés d’un semblant d’uniforme
Ayant à contrecoeur déboursé 400 FF pour envoyer l‘arme à Saint-Etienne (prix de la neutralisation et des frais d’expédition en recommandé en deux envois séparés à l’époque), il reçut au bout de quatre mois en retour un paquet du banc contenant son CZ 27 neutralisé et deux certificats de neutralisation.
Lorsqu’au cours d’un repas de famille, je m’enquis du résultat de l’opération, je le vis piquer du nez dans son assiette et me répondre un peu gêné : « Bien sûr, ça ressemble encore à un pistolet, mais on voit qu’il s’est passé quelque chose ». Au moment du café, il alla chercher l’arme dans son bureau et me la montra. Outre la présence d’affreux poinçons apposés sur certaines pièces qui défiguraient cette relique, j’observai des traces de chauffage qui avaient bleui le beau poli de la chambre et surtout constatai un blocage complet du mécanisme dû à une déformation du canon probablement survenue lorsque le bouchon de neutralisation y avait été enfoncé en force et soudé.
Je lui demandai de me confier le pistolet quelques jours et avec un peu de toile émeri et de « gun blue », je parvins à le rendre à nouveau manoeuvrable, démontable et présentable, avant de le restituer à mon frère en lui précisant que je comptais bien conserver en état de tir et en toute illégalité ma Sten et mes Mauser plutôt que de leur faire subir pareil affront.
Signé : un amateur d’armes, ni délinquant, ni trafiquant, un homme normal ! »
Il nous est délicat de porter un jugement quelconque sur ce récit. Mais ainsi les autorités peuvent comprendre pourquoi il y a tant d’armes détenues illégalement. Elles ont commencé à le comprendre en votant la loi du 6 mars 2012 qui élargit un peu le champ des collectionneurs. Mais tant de travail reste à faire...
"Pour des raisons de discrétion évidentes, les éléments pouvant permettre l’identification de l’auteur de ce billet ont été délibérément modifiés"
Le ministre de la Défense de Mitterrand : Charles Hernu, avait conservé la STEN utilisée par son père dans la résistance. Cette arme, posée sur une étagère de sa bibliothèque était présentée sans complexes des interviews données à la Presse par le ministre à son domicile. Sans doute Charles Hernu conservait-il cette relique comme un symbole patriotique doublé d’un objet du patrimoine. |
Après la lecture de cette page, un lecteur nous a envoyé ce témoignage : J’ai vu chez mon armurier, au milieu des fusils de chasse que les propriétaires avaient amenés là pour une révision avant l’ouverture, un pistolet mitrailleur Sten. Cette arme a été largement parachutée sur le sol français et le limousin qui m’a vu naître, terre du maquis de Guinguoin en a eu sa part. "oh, oui, vous pouvez, de toute façon elle est déjà neutralisée" |