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Gazette des armes, mars 2008 n° 396

Petits problèmes d’ici et d’ailleurs

Acalmie avant les élections !

jeudi 24 avril 2008, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Après la surabondance d’informations de ces derniers mois, nous vivons aujourd’hui un calme plat, dû à la proximité des élections
municipales.

- L’article en PDF

Si nous passons en revue ce mois-ci un certain nombre de problèmes, ce n’est certainement pas dans un esprit négatif, mais pour les mettre au jour, afin de les faire cesser.

Se disputer le dossier

Il est parfois important de savoir comment se “fabrique" la règlementation.
Depuis le décret-loi de 1939, le Ministère de la Défense est chargé de la règlementation des armes, munitions et matériels de guerre. Au sein de ce ministère, c’est le Contrôle Général des Armées (CGA), un corps d’inspection générale directement rattaché au Ministre de la Défense, qui élabore les textes et exerce un rôle de centralisation et de coordination, notamment au sein de la commission de classement des armes et des munitions. [1] Cette commission comprend, entre autres, la direction des libertés publiques (DLPAJ) du Ministère de l’Intérieur.
Depuis le décret de 1995, les évolutions de la règlementation, notamment du classement des armes, résultent principalement des propositions de la DLPAJ, elle-même soumise aux pressions syndicales des fonctionnaires de police, confrontés sur le terrain à des armes à feu de toute nature et de tout calibre. A l’expérience, aucun Ministre de l’Intérieur ne s’oppose aux syndicats de fonctionnaires en matière de classement des armes et munitions et si le Ministère de la Défense venait à s’y opposer, un arbitrage du Premier Ministre serait en faveur de l’Intérieur, en invoquant, comme de bien entendu, la sécurité publique et la protection des fonctionnaires, ce qui constitue un détournement des motifs de classement prévus par le décret loi de 1939 et le décret de 1995.
Depuis quelque temps, un autre organisme du Ministère de la Défense, la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) entend prendre une part plus grande dans l’élaboration de la règlementation, voire reprendre tout ou partie des attributions du CGA, en invoquant son décret d’attributions.
Ce texte, assez mal rédigé, fait que les missions de la DAJ empiètent sur certaines missions en matière de règlementation jusque là exercées par le CGA.
Dans ce contexte, ce "ménage à trois" fonctionne plutôt mal, car en dépit de ses prétentions, la DAJ ne dispose d’aucun spécialiste en la matière.
Ils sont au CGA et à la Délégation Générale pour l’Armement (DGA), autre organisme subordonné direct du Ministre.
Pour "acheter la paix" au sein de la Défense, il y aurait un projet de transfert à ladite DAJ des compétences en matière de classement et de règlementation, ainsi que du personnel qualifié du CGA. Il fallait y penser !
Ce projet mi-chèvre mi-chou, typiquement hexagonal, a le grave inconvénient de faire passer l’échelon de l’administration en charge de la centralisation et de la coordination de la règlementation, de la position de “subordonné direct du Ministre de la Défense", à celui de subordonné du Secrétaire Général pour l’Administration (SGA) du Ministère de la Défense.
Il y a donc descente d’un cran hiérarchique de nos interlocuteurs dans l’Administration du Ministère de la défense.
Comme le dit, avec bon sens, le dicton : "Il vaut mieux avoir affaire au Bon Dieu qu’à ses saints", surtout face aux constantes prétentions de la DLPAJ.
Dans une matière qui n’a cessé d’évoluer sous la pression du "fait divers", des passions, des médias, de l’idéologie "anti-armes", "anti-chasse", des exigences de la DLPAJ, soumise aux pressions des syndicats de policiers, dans un sens toujours défavorable aux intérêts des chasseurs, tireurs, collectionneurs, respectueux de la loi et de ses (trop nombreux ) décrets, nous demandons l’ajournement de ce projet, funeste selon nous, le maintien du rattachement de l’administration chargée de la règlementation au plus près du "Bon Dieu" c’est à dire au Ministre de la Défense.
Monsieur Morin, la règlementation des armes et des munitions est une affaire trop sérieuse pour ne pas bénéficier de votre attention ministérielle directe, grâce à votre corps de Contrôle Général.

Agrippa et ses problèmes

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Agrippa Général et homme politique Romain.
Dès la mort de César en 44 av. J.-C., Agrippa permit par ses victoires militaires l’affirmation de l’autorité d’Octave et la fin des guerres civiles. C’est aussi un excellent diplomate pendant les guerres.

Il ne se passe pas de semaine sans que nous n’entendions des récriminations contre ce fichier des préfectures qui est censé répertorier toutes les armes pour en définir leur classement.
Lorsqu’un détenteur d’armes effectue sa déclaration, les services de la préfecture saisissent dans leur logiciel AGRIPPA, le nom du fabricant de l’arme, le modèle et le calibre. La magie du système veut que la catégorie de l’arme apparaisse automatiquement. Mais, comme on le sait, l’automatisme a ses limites qui sont celles de l’exactitude des données que l’on y introduit.
Or, nous sommes bien placés pour connaître la multitude d’armes qui ont été faites par les innombrables fabricants du monde entier et dans de multiples calibres. Cela ferait une colossale base de données, ce qu’aujourd’hui AGRIPPA est loin d’être, et le sera-t-il un jour ?
Le monde des armes est tellement subtil et vaste qu’il est difficile de croire que l’on puisse répertorier toutes les armes produites depuis la création de la cartouche métallique. Apparemment, certains l’ont cru et les erreurs de classement concernant les armes non répertoriées dans AGRIPPA sont légion…
Mais il y a aussi la compréhension des armes. Un jour, une préfecture ne trouvait pas un fusil de marque Warning (avertissement), ne riez pas, ça s’est vu. Parfois les préfectures refusent d’enregistrer certaines déclarations : on a vu refuser une demande d’autorisation en 1ère catégorie de carabine Winchester russe en cal 7,62 Mosin, sous prétexte que, pour eux, c’était une arme de chasse (!) et on menaçait de sanctions le déclarant. Il lui a fallu toute la diplomatie nécessaire avec une petit note technico-historique avec photo, pour faire admettre le bien fondé de sa demande : un calibre militaire entraîne un classement en 1ère catégorie.

Le résultat est catastrophique : données erronées et obligation d’inscrire de fausses indications pour obtenir le récépissé de déclaration. Il se produit un malaise dans les bureaux des préfectures où le personnel est contraint d’inscrire sciemment des données inexactes et non vérifiées sur un document officiel.

Déclarations d’avant 1995

De nombreux détenteurs d’armes nouvellement classées en 4ème catégorie par le décret de 1993 ont fait leurs déclarations d’armes. A ce titre, ils ont reçu une autorisation valable 5 ans, qui a été renouvelée régulièrement jusqu’à la parution du décret du 23 novembre 2005. Depuis, refus de renouvellement sous prétexte que la déclaration avait été faite avant la parution du décret de 1995, le seul qui ait ouvert le droit de conserver ces armes à vie, sans renouvellement. C’est seulement avec ce décret qu’un formulaire spécifique d’autorisation a été réservé : le modèle 13.
Certains tribunaux administratifs ont jugé que le déclarant n’avait pas le bon modèle et qu’il aurait dû déclarer une nouvelle fois entre le 6 mai 1995 et le 31 décembre 1996.
Cette interprétation est à la fois spécieuse et erronée :
- Spécieuse, le décret de 1995 ne fixe qu’une date butoir le : 31 décembre 1996.
- Erronée, avec le décret de 1973, dont le décret de 1993 n’est qu’une modification, les demandes d’autorisations d’acquisition d’armes des 1ère et 4ème catégories étaient rédigées sur un Mle 4 intitulé "Récépissé de déclaration d’acquisition d’armes et de munitions". Les intéressés ont donc bel et bien fait une "déclaration" et non une demande d’autorisation avant le 31 décembre 1996, pour les armes ainsi reclassées en 1993 et 1995.

Une interprétation différente reviendrait à faire subir un préjudice aux détenteurs d’armes respectueux des lois qui ont rempli les obligations règlementaires imposées par le décret de 1973, modifié en 1993.
A l’époque, le décret de 1995 a fait l’objet d’une large concertation avec les milieux des détenteurs et de professionnels. La rédaction des articles 116 et suivants avait paru suffisamment claire pour que personne n’émette d’objection.
En outre, les dispositions du décret de 1995 modifié s’imposent également à l’administration et les préfectures qui ont émis des autorisations selon les dispositions de l’article 31 (Modèle 6) et non des articles 116 et 118 (modèle 13) ont pour le moins fait une erreur matérielle.
Des démarches sont actuellement en cours pour faire valoir ce point de vue.

Autorisation disparue, par magie elle reparaît !

Les demandes d’autorisations sont parfois un parcours du combattant.

Edifiante petite histoire vécue : comme beaucoup de Français depuis, un détenteur d’arme se voit retirer l’autorisation dont il était titulaire depuis presque 40 ans au titre de la défense. Motif : un nouveau décret.

Heureusement, c’est aussi un tireur sportif qui dépose une demande dans les règles : il a plus de 6 mois d’ancienneté et son carnet de tir est complet. Au bout de 4 mois, il découvre que la préfecture ne possède aucun dossier à son nom. Il leur envoie alors le récépissé de dépôt de demande, que la gendarmerie lui a remis. Le verdict : dossier égaré.
Il va alors voir son député qui “harcèle" ? l’administration par de nombreux appels. Et le miracle se produit : le dossier retrouvé, le préfet signe aussitôt l’autorisation qui repart dans le circuit.
Deux mois après, le précieux papier n’est toujours pas parvenu à la gendarmerie situé à 16 km de la préfecture. Nouvelle demande de l’intéressé qui se fait envoyer bouler : “On a autre chose à faire que de s’occuper des détentions d’armes !"
Sagement, il laisse passer les fêtes et début janvier après un ultime appel à la préfecture, il apprend que l’autorisation vient d’être retrouvée à .... la préfecture.
Il en prend enfin possession deux jours après. Mais vu sa date d’émission, il n’a plus que 3 semaines pour acquérir son arme.

Il y a deux moralités à cette histoire :
- ceci n’est pas un cas isolé, il y a tout un “lot" d’autorisations ayant subi le même sort. Les bénéficiaires ne se manifestant pas auront une autorisation d’acquisition périmée avant qu’elle leur soit délivrée !
- il est évident que le malandrin qui veut une arme pour nuire ne se complique pas autant la vie.

Sachons tout de même que de très nombreux services de préfectures accomplissent avec conscience leur travail et qu’en général les autorisations fonctionnent bien. Il faut juste éviter que dans leur circuit il y ait de la “mauvaise volonté" pouvant nuire aux détenteurs.

Encore des destructions !

Dans les Gazettes de décembre et janvier nous évoquions des destructions d’armes. Si l’indignation persiste, les chuchotements se font plus forts.

Au cours d’une vente aux enchères des domaines, [2] sur l’initiative d’un fonctionnaire qui n’aime pas les armes, on a retiré, le jour de la vente, 34 mousquetons M16 chambrés en 22 LR. Ces armes de 7ème catégorie seraient destinées à la destruction.
Pourtant, dans d’autres départements, elles se sont vendues normalement. Ce qui crée une inégalité entre les collectionneurs de la Haute-Garonne et les autres.
Pourtant, bien que les exemplaires proposés à la vente soient dans un état déplorable, presque des ferrailles, ils représentent tout de même un patrimoine national et une certaine valeur qui pourrait aider à combler le déficit national : les petits ruisseaux...
On sait que toutes les armes ramenées par des papis et mamies et qui proviennent de la 1ère ou de la 2ème guerre mondiale sont simplement détruites parce qu’elles rappellent de bien mauvais souvenirs.
Petite anecdote : il y a une vingtaine d’années et au début de ce siècle, les domaines ont vendu pour un prix dérisoire des armes de guerre françaises à des grossistes américains. Le Mas 36 vendu 5 $ s’était aussitôt revendu 40 $. Aujourd’hui les américains peuvent l’acquérir à 735 $.
Ce gâchis monstre ne changeant en rien l’indemnité mensuelle des fonctionnaires responsables, cela peut durer longtemps.
Dans le même ordre d’idée, il semblerait urgent de déclasser bon nombre de calibres obsolètes toujours classés en 1ère catégorie !

Arme de guerre ici, arme de chasse ailleurs, pourquoi ?

C’est la question que le député Philippe Vigier a posé par deux fois au Ministre de l’Intérieur (6) .
L’honorable parlementaire propose tout simplement de supprimer la disposition du Code de la Défense (7) qui permet de classer les armes sur le seul calibre.
La réponse publié au JO est tout à fait surprenante : “ce sont des armes dangereuses pour la sécurité publique il n’est donc pas envisagé de modifier le Code de la Défense."
Pourtant, dans le monde entier on utilise pour la chasse des carabines en calibre 30-06 sauf en France ou elles sont classées en calibre militaire. La règlementation lui préfère le 7X64 qui est très ressemblant mais qui est classé en 5ème catégorie.
Et puis, regardons la Belgique ou depuis maintenant 17 ans de nombreuses armes classées comme armes de guerre en France, sont classées parmi les armes de panoplies en Belgique. Serait-elle moins dangereuses en Belgique qu’en France ?.

(1) Article L2332-3 du Code de la Défense, (ancien article 3 du décret-loi du 18 avril 1939),

 

[1Article L2332-3 du Code de la Défense, (ancien article 3 du décret-loi du 18 avril 1939),

[2du 17 décembre 2007 à Toulouse,

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