Réflexion iconoclaste sur le bienfait de certaines interdictions.
B 13° : contrainte injuste ou mesure utile ?
lundi 29 avril 2024, par
Une des mesures du décret du 3 juillet 2023 modifiant le régime des armes et munitions a suscité une levée de boucliers de la part de nombre de détenteurs : celle qui surclasse désormais en catégorie B 13° les munitions chargées à poudre noire, à percussion centrale et étui métallique. Ce nouveau classement a été ressenti par beaucoup comme injuste et inutile. Qu’en est-il vraiment après quelques mois de mise en oeuvre ?
Ainsi il y a peu un professionnel se plaignait d’une différence de traitement administratif pour des situations similaires, argumentait qu’il était possible à un collectionneur de tirer une cartouche de Chassepot, mais qu’il lui était désormais interdit de tirer une cartouche .32 S&W chargée PN. Et d’ajouter qu’« à tout prendre il préférait recevoir un projectile de .32 propulsé par 0,58 g de PN dans les fesses, plutôt que celui de 11 mm au sortir du fusil Chassepot qui le sera par 5 g du même agent actif… »
Du strict point de vue balistique, et même si le 11 mm Chassepot, incontestablement une des munitions les plus performantes en 1870, est aujourd’hui une antiquité, il n’y a rien à redire, oui mais… N’oublions pas que les considérations qui conditionnent le Code de la Sécurité Intérieure de la réglementation française se fondent avant tout au regard de la sécurité publique, et sur les critères techniques factuels, tangibles et indiscutables que sont la faculté de dissimulation et la puissance de feu.
Si l’argument invoqué se conçoit parfaitement du strict point de vue balistique, il ne tient pas face aux réalités pratiques du terrain et se retourne même contre son auteur dans un contexte d’augmentation des violences avec armes et de risque terroriste.
De ce point de vue, il faut prendre en compte le fait que le fusil Chassepot 1866 est une « canne à pêche » à un coup dont la re-fabrication de la cartouche requiert un haut degré de technicité et un outillage très spécifique, tandis qu’un petit revolver en calibre .32 classé en D§e) au regard de la réglementation permettait, malheureusement, à n’importe qui sans aucune compétence d’aucune sorte - jusqu’au décret « infâme » qui a instauré les B 13° - de se procurer facilement en toute légalité arme et munitions correspondantes sans aucun contrôle ni traçabilité, qui plus est facile à porter discrètement sur soi, facile à recharger et disposant d’une capacité plus que suffisante pour certains malfaisants [1].
Bien entendu que cela est regrettable. Mais c’est le prix à payer pour éviter de tout perdre le jour où il y aurait un « accident ». ?
- C’est un Colt New Police calibre .32 fabriqué entre 1896 et 1897, qui a été utilisé lors de l’assassinat du rugbyman Federico Martin Aramburu.
Prétexte pour une proposition de loi interdisant les armes de catégorie D
En effet un fait divers comme l’assassinat dramatique du rugbyman Federico Martin Aramburu, a défrayé la chronique en 2022 et suscité récemment l’émoi de certains parlementaires lors du procès de ses auteurs, a été commis justement avec un Colt New Police calibre .32 en vente libre.
Si un texte réglementaire n’était venu entretemps « sécuriser » le dispositif, c’étaient toutes les armes anciennes à cartouches qui risquaient fort de « passer à la casserole » selon les bonnes vieilles (mauvaises) habitudes que subissent effectivement les détenteurs d’armes, honnêtes, exposés depuis toujours au moindre fait divers.
L’UFA est intervenue directement auprès des parlementaires Aurélien Taché et Thomas Portes, pour les convaincre de ne pas déposer leur proposition de loi visant à interdire des armes de catégorie D. Finalement une PPL dans le même sens a été déposée par deux autres députées.
- Il n’y a pas d’hésitation pour reconnaitre les boîtes d’origine. C’est bien la banalisation des copies de munitions de 1873, qui a interpellé les autorités.
Le décret classe les munitions d’origine en catégorie D (collection) et les munitions actuelles en catégorie B.
C 11° et B 13°, une sauvegarde pour les collectionneurs ?
En définitive, l’instauration des nouvelles catégories C 11° et B 13° pour les cartouches métalliques à poudre noire respectivement destinées aux armes d’épaule et aux armes de poing constitue-t-elle vraiment une nouvelle contrainte, comme s’en plaignent un certain nombre d’utilisateurs et de marchands ?
Pas pour les tireurs sportifs et les chasseurs, qui peuvent continuer à acheter des munitions ou éléments de munition à percussion centrale pour arme d’épaule (11 mm Gras, .577/.450 Martini-Henry…) sur simple présentation de leur licence de tir ou permis de chasser à jour [2], ou des munitions pour armes de poing tous calibres et sans quotas sur la seule base de leur autorisation,
Elle établit effectivement un handicap pour les détenteurs uniquement collectionneurs, qui perdent ainsi la possibilité de « faire parler la poudre » hors stand et de manière anecdotique de temps à autre avec ce type d’armes [3].
Pour ce faire, ceux qui souhaitent pouvoir conserver cette possibilité doivent désormais s’inscrire dans un club F.F.Tir (armes de poing ou d’épaule) ou F.F.B.T. ou obtenir le permis de chasse (armes d’épaule seulement) pour retrouver leur plein accès aux munitions comme tout chasseur ou tireur sportif,
Elle pénalise aussi les tireurs ne souhaitant pas avoir une autorisationen B, bien que cela sera sans doute moins prégnant à l’ère que l’autorisation unique.
Mais elle pénalise surtout les criminels attirés par l’effet d’aubaine, en leur rendant l’accès plus compliqué à une arme de conception assez moderne…
Même si cela peut paraître iconoclaste, il faut néanmois admettre que le classement des munitions modernes pour armes anciennes a sans doute sauvé ces modèles d’armes d’une interdiction !
Pour reprendre l’exemple cité au début de cet article, il ne restera plus aux assassins potentiels qu’à commettre leur forfait avec un Chassepot,au lieu d’un revolver à cartouches PN, ce qui vous en conviendrez devient quand même plus compliqué, au plus grand bénéfice de la sécurité publique ! Du moins lors les sources d’approvisionnement illégales en kalash ou autres et armes dites fantômes seront taries. En espérant que cela sera prioritaire par rapport à d’autres restrictions pour les amateurs d’armes légalistes...
Crédit Photo logo : quentin Jaubert /www.revolver1873.fr
[1] Cela vaut aussi pour un fusil calibre 12 : jusqu’en juillet 2023, il était possible d’acquérir un juxtaposé à chiens aux canons raccourcis (D§e)) et les cartouches correspondantes refaites à poudre noire (D§j)) tout en restant « sous les radars ». Désormais le fusil doit avoir des canons supérieurs à 45 cm, et les munitions ne peuvent être achetées que par un chasseur nostalgique ou un tireur adepte du ball-trap « à l’ancienne » ou des westerns.
[2] Les munitions à broche (cartouches de chasse ou de revolvers), à percussion annulaire (10,4 Vetterli, .56 Spencer), combustibles (Dreyse et Chassepot) ou à amorçage séparé (.50 Smith ou .54 Sharps) n’entrent pas dans le champs d’application et restent donc libres en D j) bis, y compris pour les armes de poing.
[3] Selon l’adage adopté par le SCAE « Les tireurs tirent et les collectionneurs collectionnent ». C’est en vertu de ce principe que les détenteurs de la carte de collectionneur ont accès aux armes de catégorie C, mais pas à leurs munitions. Si un détenteur est à la fois collectionneur et tireur, alors aux yeux de la loi, il est avant tout tireur et conserve tous ses droits à l’acquisition de munitions à poudre noire.