Témoignage

4 fois neutralisées, à quand la 5ème ?

lundi 19 février 2018, par Erwan

Aujourd’hui octogénaire, j’ai fait partie de la génération qui a découvert la collection d’armes au moment où ont commencé à être commercialisés les premiers fusils neutralisés : des Carcano, vendus par l’Etendard dans le quartier des Halles à Paris. Étant à l’époque étudiant et fort désargenté, c’est grâce aux armes neutralisées que j’ai pu aborder le domaine de la collection d’armes, qui aurait été hors de mes moyens sinon. Ces armes, alors entièrement démontables, m’ont permis de découvrir peu à peu les principes mécaniques des principaux systèmes.

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Un goupille mécanindus obstruait la chambre, et c’était légal jusqu’en 1978.

Et puis est arrivée la nouvelle neutralisation en 1978 et il a encore fallu faire des frais pour mettre aux nouvelles normes ma petite collection. Mon épouse et moi, qui étions à l’époque de jeunes mariés, avons du sacrifier quelques sorties pour pouvoir payer la prestation du Banc d’Epreuve.

Il y a ensuite eu un peu plus de trois décennies de stabilité réglementaire, qui m’ont permis de développer une jolie collection d’armes des deux guerres mondiales.

Et puis est arrivé la période de la retraite, qui s’est accompagnée d’une forte réduction de mes revenus. Dès lors, pour conserver une certaine vie à ma collection, j’ai dû prendre le parti de financer les nouveaux achats que je faisais par la vente de pièces de ma collection.
Le passage à l’Euro, l’augmentation stupéfiante de la fiscalité locale, ont encore érodé un peu plus nos modestes retraites et pour tenter de maintenir notre niveau de vie, nous avons vendu notre maison en viager.
Depuis plusieurs mois, la santé de mon épouse se dégrade et la mienne n’est pas florissante non plus. Voyant venir l’âge de la dépendance, nous avons décidé de partir en maison de retraite. Toutefois, le coût de deux pensions dans un établissement décent va absorber tous nos revenus (encore un peu plus laminés par la hausse de la CSG !).

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Poinçon de neutralisation reconnu de 1979 à 2016

J’avais depuis longtemps prévu que la vente de ma collection d’armes neutralisées me procurerait le complément de revenu nécessaire pour aborder ce nouveau cap de notre existence. Mais, alors que jusqu’en 2015, la vente de ma Hotchkiss modèle 1914 ou de mes deux Chauchat, auraient assuré le financement de plusieurs mois de pension en maison de retraite, une réglementation européenne inventée par des fonctionnaires grassement payés par mes impôts et qui, eux, n’auront pas de soucis de retraite, me prive de cette possibilité. Si je veux vendre les pièces de ma collection, il me faudra avant tout débourser de l’argent pour les faire passer au Banc d’Epreuve pour une remise aux normes (une fois de plus !) et ce que je retirerai ensuite du produit de la vente suffira à peine à financer quelques petits déjeuners !

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Sur ce PA, c’est déjà une page d’histoire. Déjà neutralisée AN code AF (2012) et elle vient d’être a nouveau neutralisée en 2018.

Par ailleurs, avant notre départ pour la maison de retraite, il va nous falloir vider notre maison. Par chance, mon gendre, qui possède de grands bâtiments agricoles, a accepté d’accueillir pour un temps ma collection. Mais comment se conserveront mes pièces dans l’atmosphère humide de la côte landaise ?

C’est avec un écœurement croissant pour la société dans laquelle nous vivons que mon épouse et moi allons nous retirer dans notre dernier refuge et c’est sans regret que nous nous isolerons de ce monde décevant !