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Article paru dans la Gazette des Armes n° 506 de mars 2018

Que deviennent les anciennes neutralisations ?

jeudi 17 mai 2018, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

L’obligation de se conformer aux nouvelles exigences du règlement européen [2] en matière de neutralisation des armes ne concerne que les armes cédées, transférées ou héritées après le 6 avril 2016. Ainsi, le collectionneur qui garde sa collection d’armes neutralisées en l’état n’a aucune formalité à effectuer tant qu’il conserve sa collection.

Normes équivalentes

Or, il existe dans la Directive une disposition [3] qui permet aux États de faire reconnaître « que les normes et techniques nationales de neutralisation sont équivalentes à celles garanties par les spécifications techniques de neutralisation » du règlement européen. Avec cette reconnaissance, les armes neutralisées avant le 8 avril 2016 seraient « considérées comme étant des armes à feu neutralisées » au sens des textes européens.
La demande de reconnaissance était à formuler par les Etats au plus tard le 13 août 2017.

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Jusqu’en 1979, la neutralisation consistait simplement à la pose d’une goupille mécanindus dans la chambre, pour éviter le chambrage d’une munition et le démontage du canon.

Or, la France n’a pas notifié à la Commission la qualité de ses normes techniques. Cela alors que les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Allemagne et la République Tchèque l’ont fait. Et qu’il semble que les normes des Pays-Bas soient possiblement reconnues.
Cette situation est d’autant plus incompréhensible pour les collectionneurs français que, dans l’Europe entière, la qualité des neutralisations réalisées par le Banc d’Epreuve de Saint-Étienne a toujours été reconnue comme excellente.

Comme aucune demande n’a été faite, les collectionneurs français vont se trouver défavorisés par rapport à ceux des quatre pays qui ont procédé à cette notification. En effet, s’ils souhaitent mettre leurs armes neutralisées sur le marché, ils devront les faire neutraliser de nouveau tandis que leurs homologues néerlandais, anglais, allemands ou tchèques échapperont à cette contrainte onéreuse.
Cette distorsion dans le régime européen des armes neutralisées crée un réel préjudice au détriment des collectionneurs français. C’est pourquoi l’UFA et la FPVA ont écrit à la Ministre Jacqueline Gourault pour lui demander d’intervenir auprès de la Commission pour obtenir un délai supplémentaire, afin de permettre que notre pays fasse cette notification.
Dans la logique, cela devrait être possible puisqu’il ressort des récents travaux parlementaires que c’est bien la France qui avait demandé à Bruxelles de renforcer la Directive sur les armes. Donc, sur ce sujet, Bruxelles devrait continuer d’être à l’écoute des demandes françaises.

Courrier envoyé à la Ministre Jacqueline Gourault le 16 février 2018. Sa réponse.
Comme rien ne s’est passé, nouveau courrier le 20 juillet 2018, réponse du 30 juillet tout à fait aussi inconsistante.

La neutralisation européenne à revoir
Aujourd’hui, nous sommes dans une situation absurde. Le règlement européen de 2015 a mis en place une neutralisation dommageable pour les armes en leur retirant beaucoup de leur intérêt de collection. Alors qu’ils en avaient été en partie les instigateurs, les Allemands ont été les premiers à critiquer l’absence de possibilité de démontage des armes, qui supprime toute possibilité de vérification d’une bonne neutralisation.
Sensible à cet argument, « le Parlement a exercé des pressions sur la Commission afin qu’elle révise ses normes de neutralisation pour résoudre les problèmes de mise en œuvre techniques qui se posent ». Un groupe d’experts internationaux s’est penché sur une modification de ces normes. Et il semble que l’Allemagne pousse pour des normes encore plus sévères pour que l’arme neutralisée n’ait plus aucun fonctionnement mécanique : tout serait bloqué. C’est un comble du fait qu’ils étaient les premiers à se plaindre de l’absence de possibilité de démontage !

Le monstre européen
Ainsi, on se trouve dans une situation complètement absurde :
-  de l’avis de tous, la neutralisation de 2015 est trop sévère et non rationnelle sur le plan technique,
-  le Parlement s’en émeut et fait promettre à la Commission de revoir sa copie pour « alléger » les normes,
-  les experts européens de la Commission suggèrent au contraire d’alourdir ces normes,
-  la Directive prévoit de reconnaître les anciennes normes si elles présentent un niveau de sécurité équivalent au règlement rectifié. Ce qui semble irréaliste vu la tournure des événements.
Avec ces actions contradictoires qui partent dans tous les sens, on constate que la Commission a créé un monstre. Aujourd’hui, plus personne ne maîtrise la situation : Commission, Parlement et États membres. Dans son rôle de créature de Frankenstein, Boris Karloff doit se retourner dans sa tombe !

Une exception pour la France !

Imaginons que finalement les experts pondent des normes qui respectent à la fois la sécurité légitime qu’on peut attendre d’une neutralisation et l’intérêt du collectionneur pour une arme historique neutralisée.
Au cas où la Commission n’accepte pas la demande tardive de reconnaissance de la France, il resterait alors une possibilité satisfaisante pour les collectionneurs français : intégrer dans la réglementation nationale, un statut particulier pour les armes neutralisées aux anciennes normes. Par exemple, les armes neutralisées à St-Etienne pourraient être ajoutées à une liste complémentaire, comme cela a été fait pour les masques à gaz et les radios [4] dans la liste des matériels de collection.
Il est vrai que cela constituerait une niche de plus. Après tout, la Commission a créé un monstre alors nous n’en sommes plus à une complication près !…
Il est juste temps que la France défende la neutralisation de St-Etienne et non pas celle pratiquée en l’Allemagne. St-Etienne se rapproche le plus des exigences du Règlement Européen. Les collectionneurs ont simplement l’impression que leur pays les a lâchés à Bruxelles sur ce dossier.

Les nouvelles normes de neutralisation européenne. Règlement d’exécution (UE) 2018/337 du 5 mars 2018.

 

[1n°2015/2403 de la Commission du 15 décembre 2015,

[2n°2015/2403 de la Commission du 15 décembre 2015,

[3Directive (UE) n°2017/853art 10ter §4,

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