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Lèguer sa collection à l’Etat

De la collection privée à la collection publique

Un parcours semé d’embûches

jeudi 3 janvier 2008, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Dans le cadre des manifestations et festivités organisées par la Société Royale des Amis du Musée de l’Armée de Bruxelles pour son 75ème anniversaire, s’est tenu avec la participation de la FESAC et en collaboration avec le Musée Royal de l’Armée et la Chaire de Balistique de l’Ecole Royale Militaire, un colloque international sur les collections d’armes dont le thème sera : "De la collection privée aux musées publics".
Cette manifestation s’est déroulée du 31 août au 2 septembre 2000 et a été suivie d’une exposition dans la salle technique du Musée de l’Armée, accessible au public. Pour cette exposition, chaque pays participant a présenté une vitrine à thèmes avec des pièces issues de collections privées.

La présence des collections privées dans les Musées publics est considérable. Les musées seraient bien vides si les collections privées n’étaient venus au cours des temps les enrichir. Il n’est pas un seul musée qui n’ait bénéficié de ces apports. Les vitrines et les salles offertes aux yeux du public en témoignent. Certaines grandes collections privées constituent même pratiquement à elles seules un Musée. Tel est le cas de la prestigieuse collection Brunon qui a donné naissance en France au Musée de l’Emperi à Salon de Provence. Tel est le cas de la collection Sommer grâce à laquelle a été crée à Paris le Musée de la Chasse et de la Nature, dans le cadre magnifique de l’Hôtel de Guénégaud restauré à cet effet.
Les conservateurs des Musées, à juste titre, souhaitent bien souvent ajouter telle ou telle pièce intéressante pour l’histoire de l’armement. Ils souhaitent ne pas laisser partir à l’étranger un objet représentatif du patrimoine national. Les finances publiques ne suffiraient pas à l’achat de ces trésors. Heureusement les donations particulières émanant de collections privées viennent les aider à réaliser une partie de leurs ambitions, à ajouter la pièce qui manque,

Les conditions de transmission

Plus d’un collectionneur privé veut ou voudrait transmettre sa collection à un Musée public. Pourquoi ? Des éléments multiples entrent dans les motivations. Désir d’abord de partager en donnant aux autres l’occasion de voir et d’apprendre à travers les objets que l’on a soi-même réunis. Désir aussi de protéger les pièces que l’on a sauvées une première fois en les collectionnant et de les mettre définitivement à l’abri de la destruction en les confiant à un musée dont la vocation est de conserver le patrimoine. Naturellement la situation familiale du collectionneur joue aussi un rôle déterminant. Il peut se faire que le collectionneur n’ait pas d’enfant à qui transmettre son héritage. Il peut se faire que ses descendants n’éprouvent aucun intérêt pour sa collection (la passion des armes n’est pas héréditaire). Il peut se faire qu’il ait de nombreux héritiers et qu’il répugne à voir sa collection éparpillée entre plusieurs ayant-droit. Nous voilà justement arrivés à un point essentiel.

La principale motivation du collectionneur lorsqu’il songe à léguer sa collection à un organisme public est certainement son désir d’éviter la dispersion des objets qu’il a eu tant de peine à réunir, à force d’amour, de recherches patientes, d’études approfondies. Une collection, en effet, ce n’est pas seulement une accumulation d’objets dont la valeur marchande est parfois élevée, c’est la réunion de pièces choisies pour former un tout autour d’un thème central. Une collection reflète les goûts et les connaissances de celui qui la faite. Elle a une cohésion et un sens. Elle veut dire quelque chose. C’est l’oeuvre d’une vie. On comprendra donc la crainte du collectionneur de voir sa collection éclater après sa mort, perdant ainsi sa signification essentielle.

Les musées auxquels il s’adresse répondent-ils à ses inquiétudes et à ses espoirs ?
Bien souvent, malheureusement, non. Les Musées ont leurs propres astreintes. Parfois, ils ne disposent pas des salles indispensables pour exposer la collection qui leur est proposée. Les crédits sont insuffisants pour faire les travaux nécessaires. Parfois, ils ne sont intéressés que par quelques pièces qui leur manquent, les autres seront condamnées à être stockées dans les réserves interdites au public, d’autres seront mises en dépôt dans d’autres Musées. Et voilà la collection dispersée, ce que le collectionneur souhaitait justement éviter.
Certains musées ont tendance à considérer les dons dont ils sont bénéficiaires comme un dû. Il leur arrive de traiter avec quelque condescendance le donateur. Ils refusent de prendre en compte le moindre souhait timidement émis quant au devenir de sa collection. Le collectionneur donne. On veut bien prendre. Il n’a que le droit de se taire. Prenons-y garde. il y a là de quoi dissuader plus d’un donateur potentiel.

Cependant, si la collection est assez importante par elle-même, elle pourrait devenir à elle seule un Musée. Les collections Sommer et Brunon dont nous avons parlé précédemment en sont la preuve. Mais dans ce cas, le collectionneur se heurte à une réalité financière incontournable. Où est le mécène qui fournira le local ad hoc ?
Qui pourvoira aux frais de fonctionnement ? Les collectivités publiques ont des choix à faire. Or les armes n’ont pas le vent en poupe et la municipalité ou le Conseil Général préfèreront souvent créer un Musée d’Art Moderne plutôt qu’un Musée d’Armes.
Ainsi le collectionneur privé prêt à donner sa collection à un organisme public se résignera-t-il peut-être, la mort dans l’âme, à voir sa collection dispersée au feu des enchères ou entre des héritiers qui n’en apprécient que la valeur marchande, au plus grand dam de la conservation du patrimoine culturel commun.

Il y a là un véritable problème auquel musées et collectivités publiques feraient bien de réfléchir.

 

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