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Vingt-deux ans de passion

Psychanalyse d’un jeune collectionneur

samedi 20 décembre 2014, par Hadrien NEUMAYER

On ne le dira jamais assez, les virus s’attrapent jeune.
Celui des armes, contre lequel je n’étais, dieu merci, pas vacciné, m’a frappé vers l’âge de 12 ans, inspiré par les héros de cinéma, au premier rang duquel, l’agent 007, incarné par Roger Moore [2].

Nul ne s’étonnera donc que mon premier amour armurier ait été le Walther PPK/S...

Mon but n’est toutefois pas d’expliquer comment on en vient aux armes, il y a autant de manières différentes que de tireurs, et la psychologie de comptoir n’est pas mon fort.
Non, la fin est tout autre.

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Affiche du salon Milipol Paris en 2011

Lors de mes nombreuses pérégrinations, que ce soit lors des salons [3], des bourses ou des ventes, j’ai pu remarquer à quel point les jeunes sont absents de ce milieu.

Parfois, un camarade de génération qui, timidement, s’initie à des joies qui, il faut le dire, n’ont pas l’air d’être de son âge.

Une fois le dernier Beretta 92, désossé jusqu’à la moindre vis, étalé sur le stand de ladite marque, je me demandais pourquoi ! Pourquoi donc les moins de trente ans (c’est arbitraire, mais grosso-modo c’est de ça que l’on parle) sont-ils sous-représentés, alors qu’au fond, tous les amateurs d’armes que je rencontre me disent être tombés dans le milieu très jeunes !

Une question de courage

Personne n’ignore qu’il faut avoir un minimum de caractère pour être tireur ou amateur d’arme.
Résister à la pression sociale, dans un monde où l’arme ne laisse personne indifférent est une question de volonté, de tripes.

Tentez une expérience : lors de votre prochain dîner entre amis, déposez une arme au milieu de table avec interdiction d’y toucher pendant toute la soirée. Hormis les remarques qui tomberont comme à Gravelotte, vous risquez fort de ne plus revoir vos amis offusqués qui auront certainement apprécié votre cave avant de reprendre le volant…

Ce qui est vrai d’un amateur vétéran l’est doublement d’un jeune débutant, en effet, on n’a pas encore l’expérience de la self-défense, on ne sait quoi opposer aux objections de notre entourage, de nos parents, nos conjoints… Sans compter que, n’ayant pas fait ses preuves en général, le jeune collectionneur aura maille à partir avec les poncifs habituels et stupides du genre “c’est dangereux, tu n’es pas assez mature pour ça, ça rend violent et délinquant”… Que sais-je encore.
Beaucoup abandonnent rapidement, de peur de passer pour ce qu’ils ne sont pas, l’habit faisant définitivement le moine.

Un milieu inhabituel

Une fois la première barrière passée, une fois la collection démarrée, la licence acquise, le débutant acquiert de la culture, se forge des connaissances solides en matière d’armement, et souvent à une vitesse fulgurante. Le voilà donc armé pour rencontrer enfin ses pairs !

Et c’est le drame…

Qui n’a jamais posé le pied dans un salon dédié aux armes en se sentant plongé dans le bassin des requins ?
Certainement tous ceux qui ne se souviennent pas de ce premier pas, mais pour un débutant, c’est une donnée à ne pas négliger...

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Stand JJB-Collection (http://www.jjb-collection.com)
Salon de l’arme ancienne et du militaria, Villeurbanne 2014

Il se retrouve projeté dans un monde infiniment plus complexe qu’il n’imaginait, et ce sur tous les plans ! Techniquement, il se retrouve avec cinquante ans de retard. C’est normal me direz-vous, les anciens sont là pour le monter enfin à leur niveau. Ah si seulement !

On ne s’en rend plus compte avec les années et l’expérience, mais rares sont ceux qui vont prendre spontanément un jeune sous leur aile, que ce soit par désintérêt ou par manque de temps. Pourtant, c’est ce qu’il faut absolument, un “parrain” en quelque sorte, quelqu’un qui puisse initier le débutant en douceur, lui apprendre plus humainement les ficelles de la passion, le risque étant de dégoûter ce dernier s’il reste seul dans son coin !

Pour l’anecdote, bien que je fusse rompu à l’art des armes à feu depuis des années, mon premier salon de l’arme ancienne vint bien plus tard. Et complètement perdu au milieu des stands croulants d’armes, je ne dus mon salut qu’à Jean-Jacques Buigné qui, gentiment, commença mon initiation en la matière ancienne. Résultat, ayant prévu de passer une heure ou deux à regarder vaguement quelques petites choses, ce fut finalement une journée complète passée de l’autre coté du stand, j’en ressortis non seulement bien plus savant mais infiniment plus impliqué dans le milieu de la collection que je ne l’eus été en dix années solitaire !

Tout est question de bonne volonté. Trop nombreux sont les collectionneurs vétérans qui se surestiment encore, et comme ils restent après tous des humains normaux [4], chacun a son caractère, et les jeunes tombent (trop) souvent sur des professionnels détachés de la réalité du grand public ou des passionnés ronchons et peu enclins à partager les connaissances si durement acquises au fil des années.
Cela m’étonnera toujours, mais c’est une triste vérité.

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Stand SIG-SAUER Milipol Paris 2013

Préparer l’héritage

D’aucuns diront que je prêche pour ma paroisse, et pour cause ! Il me semble évident que la collection, le tir, la chasse ne sont pas affaires individuelles, et comme toujours, il faut préparer les nouvelles générations et leur transmettre le maximum, quitte à ce que l’indigestion mette un peu de temps à guérir.

Non seulement sans eux le nombre d’amateurs d’armes diminuera comme la peau de chagrin si chère à Balzac, avec une déconcertante rapidité, mais notre savoir se perdra lui aussi.

Chérir les petits nouveaux, les pousser à se montrer plus experts qu’on ne l’est soi-même, et apprendre d’eux également.
Car c’est une relation à double sens, le débutant voit immédiatement les détails auxquels on ne fait plus attention, pose des questions simples mais redoutablement efficaces (ce que j’appelle les « questions bêtes », et qui ne le sont en réalité jamais), dynamise notre propre passion et pour lui apprendre le métier, nous révisons nos propres connaissances.

Rien ne se perd, tout se transmet.

 

[1dans l’espion qui m’aimait, ndlr.

[2dans l’espion qui m’aimait, ndlr.

[3comme le salon Milipol qui se tient régulièrement à Paris et qui présente, entre autres, le monde des armes actuelles

[4si, si !

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